Oratorio en Thomas majeure
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups
Depuis quatorze ans, ils créent de la beauté au Théâtre du Balcon, rue Guillaume‑Puy à Avignon. Depuis quatorze ans, Michel Bruzat et son équipe viennent illuminer le Off de leurs talents. Depuis longtemps, Marie Thomas, « la » Thomas, nous stupéfie par sa grâce. Elle récidive. Cette fois-ci, tous les jours à 22 h 15, avec les perles de Jean‑Pierre Siméon, dans « le Cabaret de la vie ». Tout un programme…
D’habitude, la Passerelle symphonise dans le théâtre. Cette fois-ci, elle sonatise dans la chanson. Évidemment pas avec n’importe qui. Le grand poète Jean‑Pierre Siméon a sculpté de ses propres mains des textes magnifiques pour les offrir à Marie Thomas, qu’il admire.
Des textes qui flûtent des baisers manquants, qui accordéonnent des solidarités, qui carillonnent des solitudes de « camarades du dessous de la terre » aux oreilles des « gouvernements nantis », qui olifantent la révolte dans « le béton des cités grises », qui xylophonent sur les vies des « mous », qui castagnettent « la misère qui abonde aux quatre horizons du monde », qui cymbalisent pour déverrouiller les poings serrés, qui trompettent que « ce n’est pas le froid qui tue, c’est le manque de tendresse ».
Bien sûr, pour un oratorio comme celui-là, il faut des interprètes hors pair. Marie Thomas peut tout, capable d’incarner à elle seule un orchestre tout entier. Sa voix violonise nos velléités, pistonne nos pusillanimités, mandoline nos malheurs, tambourine sur « la grève de l’espoir », nous bluese des larmes « jusqu’à l’érosion des paupières ». Quant à ses mains branches d’arbre, son corps tronc et ses pieds racines, ils puisent leur sève au cœur de la vie, de l’amour, de la mort. En tout cas, la Thomas, c’est Marie Espérance, c’est Gavroche qui offre caviar et champagne à tous les damnés de la terre.
Concernant Benoît Ribière, l’empathie faite homme, il suit discrètement Marie route après route, chemin après chemin, pas à pas, note à note. Son visage auréolé de cheveux longs respire une tendre complicité avec Marie. Comme Franck Roncière, qui les habillent de ses tissus de lumière.
Ce spectacle a donc tous les atouts dans son jeu. Pour autant, il faut un maître qui batte les cartes et les distribue. Michel Bruzat, ce Bruzat désespéré, avide de beauté et de fraternité, que je connais si bien et si mal, est ce grand meneur d’hommes, de femmes et d’âmes. Longtemps après, il frère encore, comme disait Brel. ¶
Vincent Cambier
le Cabaret de la vie, de Jean‑Pierre Siméon
Théâtre de la Passerelle • 5, rue du Général-du‑Bessol • 87000 Limoges
05 55 79 26 49
theatre-de-la-passerelle87@wanadoo.fr
Mise en scène, scénographie : Michel Bruzat
Avec : Marie Thomas et Benoît Ribière (piano, accordéon)
Musique et arrangements : Gilles Favreau
Préparation vocale : Michèle Troise
Lumières : Franck Roncière
Costumes : Dolores Alvez‑Bruzat
Théâtre du Balcon • 38, rue Guillaume‑Puy • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 85 00 80
Du 7 au 31 juillet 2010 à 22 h 15
17 € | 12 €