Yanowski et Parker : hallucinants
Par Marie‑Christine Harant
Les Trois Coups
Avant de s’installer aux Trois Baudets à Paris, « le Cirque des mirages » est allé secouer le public montpelliérain du domaine d’O. Yanowski et Fred Parker ont emballé les spectateurs, conquis d’avance, avec leur cabaret expressionniste. Hallucinant.
Depuis 2000, année de leur rencontre, Yanowski et Parker forment un couple artistique à part. Le premier, parolier, a trouvé chez le second un musicien sur mesure. Leur tour de chant, le Cirque des mirages, admirablement rodé, poursuit son aventure exceptionnelle. Ils renouvellent un genre que l’on croyait obsolète, le cabaret expressionniste. Au xixe siècle, « il constituait le cénacle de l’avant-garde et de la résistance, dans ce bouillant creuset se tramaient les pires accouplements artistiques », rappelle Yanowski. Érudit, cet ancien étudiant en philosophie qui dévorait les livres de Poe, Schwob, Borges ou Cortázar, a puisé son inspiration chez ces auteurs ainsi que dans les chansons de corps de garde, de Ferré, Vian ou Brel. On a remarqué quelques emprunts très peu modifiés. Pour n’en citer qu’un, Poker, de Charles Aznavour, magnifiquement réapproprié d’ailleurs. Ces textes, parfois sulfureux, nous baladent dans des univers troubles, transposition à peine voilée de notre quotidien. Dieu, le diable, les fonctionnaires, les prostituées, les États roublards, subissent le même traitement irrévérencieux.
Les mots de Yanowski sont accompagnés par la musique jazzy de Fred Parker. Des premiers rangs, on admirait son doigté sur les touches du piano, ses rythmes envoûtants et ses brillantes improvisations. Presque hiératique, son jeu contraste avec celui de Yanowski, perpétuellement en mouvement. À cet égard, si Carolyn Carlson danse de la racine des cheveux à la pointe des doigts de pied, Yanoswki joue de même de son corps dégingandé. Pas possible, ce garçon est perché sur des cothurnes ! Sa silhouette à la Frankenstein donne des frissons. Son visage outrageusement maquillé troué de deux grands yeux noirs démesurés, ses mains de géant, tout en lui est matière à expression. Cet illusionniste chanteur ne se ménage pas, mouille vraiment sa chemise, se livre sans retenue, parfois halluciné tel le Horla, aux frontières de la transe tel un derviche tourneur. Quelle énergie scénique ! C’est qu’il y croit, à son message d’agitateur, à son rôle d’éveilleur de conscience. Quant à la voix, elle nous laisse pantois. Quelle agilité, quelle complexité dans la tessiture ! Bien sûr, on pense à ses maîtres Brel ou Ferré dans les intonations, dans la façon d’articuler les sons, de poser la voix, mais alors en surdimensionné, en XXXL.
Le Cirque des mirages enthousiasme. On crie au génie. On jubile aux coups de canif tous azimuts. On s’extasie devant tant de cynisme. On est heureux d’être bousculé dans ses convictions, dans son petit confort. Tout cela est juste. Il faudrait ajouter qu’on applaudit à la qualité rare des deux compères. D’où vient alors qu’on sorte de la représentation sans ressentir d’émotion ? On nous a soufflé la réponse : le spectacle est parfait, trop parfait, comme une mécanique bien huilée. Il lui manque un soupçon de fragilité et d’humanité. ¶
Marie‑Christine Harant
le Cirque des mirages, de Parker et Yanowski
Cie Parker et Yanowski
06 23 83 29 69
Texte et interprétation : Parker et Yanowski
Voix : Yanowski
Piano : Parker
Création lumière : Fred Brémond
Création costumes : LM Tailors
Théâtre d’O • rond‑point du Château‑d’O • 34000 Montpellier
Réservations : 0 800 200 165
Les 22 et 23 octobre 2009 à 20 h 30
Durée : 1 h 30
12 €
Tournée
- Du 10 au 29 novembre 2009, les Trois Baudets, Paris
- Le 4 décembre 2009, centre culturel François‑Mitterrand, Lure