Le Mans fait son Cirque fête sa 20e édition
Par Léna Martinelli
Les Trois Coups
Manifestation mancelle incontournable, Le Mans fait son cirque se déroulait jusqu’au 27 juin, avec 28 spectacles suivis d’une prolongation spéciale jusqu’en juillet. Une programmation haute en couleurs, audacieuse et inclusive, à l’image d’une ville dynamique et inventive.
D’une année sur l’autre, Le Mans fait son cirque alterne forme champêtre, sur la promenade Newton, à proximité de la Cité du Cirque, et forme urbaine, en cœur de ville, avec la parade qui rassemble généralement plus d’un millier d’amateurs. Cette année, la préparation de celle-ci a été compromise par la crise sanitaire. La célébration des 20 ans est donc reportée en 2022.
En revanche, plus de 90 représentations ont eu lieu, dont certaines en extérieur ont pâti de la météo capricieuse. Mais, outre l’EVE – Scène universitaire, L’espal et la Cité du Cirque, les huit chapiteaux nichés dans cet écrin de verdure qu’offrent les bords de L’Huisne ont permis d’accueillir de nombreux spectacles, ainsi que les instances de réseaux nationaux (Territoires de Cirque, Fédération française des écoles de cirque…). Le Pôle Cirque Le Mans, instance organisatrice de ce festival, porte une attention particulière à l’écriture en circulaire. Pour présenter de tels formats, rien de tel qu’un chapiteau permanent. Sa construction devrait s’achever au printemps prochain.
Dans le cirque le plus impressionnant (un barnum, parmi le plus haut d’Europe, qui tutoie presque les étoiles !), nous avons justement pu assister à la haute voltige de cirkVOST : Hurt me tender est vraiment généreux, vivant (lire la critique ici). Toutefois, des formes moins spectaculaires sont aussi représentées.
La variété fait partie des atouts de ce festival qui a rassemblé environ 12 000 spectateurs : « Bien que copieusement arrosé par une météo jamais vue pour un mois de juin au Mans, le 20e anniversaire du festival aura été largement fêté avec le retour en masse du public. En dépit du mauvais temps et des restrictions sanitaires, on retiendra de cette édition les retrouvailles réussies avec les artistes et le public », se réjouit le directeur Richard Fournier.
La règle de 4 de cette édition exceptionnelle
Les quatre artistes associés sont de fortes personnalités : la chanteuse et trapéziste Samantha Lopez, le magique Yann Frisch, l’acrobate punk Aude Martos et le performer Johan Swartvagher se sont croisés lors d’une carte blanche inédite, histoire de bien lancer le festival.
Outre quatre solos de femmes (Pascaline Herveet, du Cirque du Docteur Paradi), Angèle Guilbaud, de la cie Marcel et ses drôles de femmes, Pauline Dau, Constanza Sommi), nous avons retrouvé avec plaisir Marie Molliens (cie Rasposo), dans Oraison et Dévorée (lire la critique ici), du cirque forain unique en son genre.
Belle rencontre que celle avec Cécile Mont-Reynaud (cie Lunatic), à l’occasion de spectacles cousus main, une ascension au cœur d’un quartier sensible et une déambulation en pleine nature, où des corps tissaient des trames, dessinaient des passages et chemins de vie entre l’enfance et la vieillesse (Fileuse et De ses mains) (lire la critique ici). Deux autres compagnies intéressantes faisaient partie des quatre rencontres proposées : Olivier Debelhoir et Le Jardin des délices.
Quel cirque !
Au carrefour des esthétiques, les nouvelles écritures du cirque contemporain sont décidément passionnantes. Dans notre sélection, commençons par les chantiers à la poésie ludique deJohann Le Guillerm qui peaufine son langage, sa grammaire du mouvement si particulière. À la croisée de la sculpture, de la performance et du spectacle, Attraction Le Mans 2019-2021 invitait à porter un regard inédit sur le monde, l’espace et l’art. Plusieurs installations étaient visibles à travers la ville, dont ses intrigantes « architextures ». Architecture, encore, mais cette fois-ci de fils qui se fabriquent à vue, avec la compagnie Lunatic, qui proposait des « Objets Poétiques Non Identifiés », entre spectacles aériens et installation plastique ou sonore, faisant écho à l’environnement urbain ou naturel.
Keed Company invitait également à mieux regarder autour de nous, en proposant un geste artistique original et décalé qui faisait ressurgir le sauvage, l’indompté : Compost (du « main à main tout terrain »). Le risque, la cie Nawar tentait de le conjurer en appliquant, sur la roue Cyr, la formule R=OG (Risque = Occurrence x Gravité), une drôle d’équation artistique ! L’humour, Olivier Debelhoir n’en manque pas, lui qui a réalisé un essai très haut, sur un fil (Une pelle), mais aussi du ski sur escabeau (L’Ouest loin).
Danse et musiques actuelles nourrissent également le travail de la cie Iéto. Pour hêtre est de l’acrobatie boisée, à la fois ample et aérienne, parfois intime et minuscule, pour rendre hommage à de merveilleux êtres : les arbres. C’est notre coup de cœur de ce festival (lire la critique ici). Mais la musique se regarde et le mouvement s’écoute, aussi. Dans son concert jonglé, la cie POC, un trio légèrement fou et foncièrement sympathique, a très bien jonglé avec le groove.
Le Pôle Cirque Le Mans apporte un précieux soutien aux compagnies émergentes, cela tout au long du processus de création, grâce aussi au développement d’un réseau de soutien en faveur du cirque contemporain, ainsi qu’à la mise en place d’ateliers et de rencontres artistiques et professionnelles : ainsi, 11 spectacles programmés ont-ils été accompagnés par un accueil en résidence, ou une coproduction ou un préachat.
En piste !
Relevons également la volonté constante d’exigence et d’accessibilité, avec la participation des habitants, dès le plus jeune âge. Plusieurs projets renforcent les publics dans leur expérience de spectateurs, comme ce projet impressionnant de la Balançoire géante !, un entraînement spectaculaire et interactif. Prenant appui sur une programmation hors les murs, en espace public, donc sur le proche quartier des Sablons, sur ceux qui le font vivre, Le Pôle Cirque Le Mans déploie son projet sur un bien vaste territoire.
Depuis ses débuts, ses projets n’ont cessé d’évoluer pour offrir un instantané de la création contemporaine, à tel point que son équipe peut envisager une prochaine labellisation nationale du Pôle Cirque. Une reconnaissance bien méritée. ¶
Léna Martinelli
Le Mans fait son Cirque
20e édition, du 18 au 27 juin 2021
Promenade Newton et divers lieux
Site ici
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