Feydeau a un nez rouge !
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Le Théâtre du Faune détourne les codes du vaudeville dans une fantaisie clownesque et rocambolesque : « Le titre est dans le coffre ». Un sympathique spectacle familial pour dérouiller ses zygomatiques.
Un petit bourgeois maniaque de la propreté, un cousin de province mal léché, un pique-assiette culotté : tout ce petit monde pourrait se retrouver dans l’antichambre d’un vaudeville. Est‑on alors chez Feydeau ? Pas vraiment. Le Théâtre du Faune s’amuse plutôt des codes du genre. Il en exhibe les éléments de scénographie les plus connus (canapé de velours, guéridon et porte qui claque) dans un espace si exigu que la convention rendue évidente en devient comique. Ensuite, il en revisite aussi les types. Le personnage de l’inspecteur Target, so british, fait ainsi penser à tous ces étrangers nigauds que malmène le vaudeville cocardier. Quant au cousin Creum, mélange de trappeur grossier et d’ours, il hérite de tous les provinciaux que brocardent sans vergogne Labiche ou Feydeau.
Surtout, Fred Robbe et ses acolytes exploitent l’ambivalence de ce théâtre cruel : entre rire et terreur. Il s’agit en effet dans Le titre est dans le coffre d’une sombre histoire de cagnotte, celle laissée par le père du protagoniste, Monsieur Bertrand. Ce petit bonhomme gentillet et sans histoire se la fait dérober par son ami Manivel, tandis que son cousin Créum, censé lui délivrer la clé du coffre légué, s’incruste et chambarde tout. Dans ce monde, les filous tirent leur épingle du jeu, la loi est tournée en dérision, et l’on se prend davantage de sympathie pour le voleur que pour le gendarme. C’est bien le cousin Creum, interprété par Fabrice Provansal, et surtout le voleur qui portent le spectacle. Quand Olivier Blond, incroyable clochard sans vergogne et cousin crapuleux de Charlot entre en scène, le spectacle décolle… vers des zones de turbulences et de folie.
Absurdité et autodérision
Car c’est la qualité principale du spectacle que de nous faire entrer dans un monde absurde et pourtant totalement cohérent, un monde où l’épluche-pomme est aussi un téléphone, où la porte se déplace, où les choses changent d’axe et où les murs apparaissent. On ne vous en dira pas plus… Préparez-vous à avoir la tête à l’envers. Sachez que Fred Robbe pousse la convention théâtrale pour tout à coup la bousculer et provoquer le rire. Il y a sans doute beaucoup d’intelligence et d’autodérision (on pense par exemple à l’apparition pontifiante du pseudo-auteur de la pièce : Georges *), mais on peut voir le spectacle à huit ans en n’ayant pas encore sa thèse de dramaturgie.
De fait, les costumes et maquillages sont soignés et réussis : ils parviennent à faire naître de beaux personnages de clown. Si l’interprétation est parfois un peu inégale, elle est toujours généreuse et, de toute façon, on ne joue pas un tel spectacle comme on interpréterait du Tchekhov. La scénographie, enfin, présente de jolies surprises et une envolée onirique. On trépigne à huit ans, en riant à gorge déployée. Plus grand, on sourit. Mais, quel que soit l’âge, on passe un bon moment. ¶
Laura Plas
* Serait-ce une référence au prénom de Feydeau ?
Le titre est dans le coffre, de Fred Robbe
Théâtre du Faune • 2, rue des Stations • 62860 Sauchy‑Cauchy
01 43 60 35 05
Site : www.theatredufaune.com
Courriel : theatredufaune@free.fr
Mise en scène : Fred Robbe
Avec : Olivier Blond, Frédéric Lefebvre, Fabrice Provansal, Fred Robbe
Décors : Jean‑Marie Eichert
Création des maquillages : Cécilia Lucero
Création lumière : Cristel Moreau
Photos : © Stéphane Collin
Théâtre de Belleville • 94, rue du Faubourg-du‑Temple • 75011 Paris
Métro : ligne 11, arrêt Goncourt ou Belleville
Réservations : 01 48 06 72 34
Site du théâtre : www.theatredebelleville.com
Courriel de réservation : reservations@theatredebelleville.com
Les dimanches 10, 17, 24 février 2013, 3, 10, 17, 24, 31 mars, 14, 21, 28 avril à 14 h 45, les lundis 4, 11, 18, 25 mars à 19 heures
Durée : 1 h 15
20 € | 15 € | 10 €
Tout public à partir de 6 ans