Calaferte vieilli ?
Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups
Patrick Pelloquet continue son aventure intime avec Calaferte, après « Une souris grise » en 2004. Avec le même savoir-faire et la toujours même rigueur, il monte en alternance au Grenier à sel trois pièces de l’entomologiste dramaturge drôlement misanthrope : « la Bataille de Waterloo », « l’Entonnoir » et « Trafic », deux comédies qui sentent la naphtaline.
L’Entonnoir : Papa et Maman, quarantenaires, cadres bien établis prennent un congé parental. Évènement : ils vont s’occuper de Bambi, leur petit bout. Sacrifice : ils mettent donc entre parenthèses leur chère carrière (professionnelle, s’entend). Bien. Humour (noir) : Bambi a tout juste… 17 ans. Gros bébé à qui la parole manque. Charge critique : c’est la société qui produit de l’homoncule, petit d’homme en manque d’amour.
Trafic : Papy et Mamie s’ennuient ferme entre leurs quatre murs, qu’on imagine couverts de cette tapisserie de laine, chaude et étouffante qui protège et oppresse, et qui tue nos vieux. De leur fenêtre, ils observent le ballet des trains qui, à heures fixes, déchargent leur flot de passants. Foule d’humains, petites fourmis sans but emportées par la foule, qui nous entraîne et nous traîne. Rien d’heureux en cela, n’en déplaise à Édith. Les laborieuses fourmis, Papy et Mamie n’ont qu’une envie : les écraser, elles et l’absurde société qu’elles contribuent à perpétrer. Pouah !
Le propos est entendu mais vieilli. Et la qualité des interprètes (Florence Bourges, Gilles Ronsin et Yvette Poirier, tous trois hilarants ; Anne Bellec et Gérard Darman, eux, en petits vieux, convaincants), de la scénographie (au cordeau, toujours), des costumes et des lumières (léchées) n’y font rien : ces métaphores de la folle société qui se prend les pieds dans le tapis de l’absurde n’ont plus l’effet qu’elles eurent dans les années soixante ou soixante‑dix. Les deux courtes comédies dramatiques écrites à l’encre noire de l’humour et du désespoir, humour noir, donc (une passion française), sont comme inopérantes. Les insectes de Calaferte semblent conservés dans la naphtaline, son universalisme entomologiste est, ici, assez poussiéreux.
Reste un verbe d’une rare précision, une lucidité vitriolée qui, à défaut de décaper les scories de la bêtise, de récurer la crasse qui couvre le monde, donne une idée des usages de la langue et du théâtre. Le constat triste et amusé de Calaferte est un presque témoignage, une quasi-archive. Aussi, si l’on sourit parfois, et si, dans cet univers, on se reconnaît rarement, l’Entonnoir et Trafic charrient un cri lointain, une charge affadie par le temps, des images passées. Malgré les efforts de publication, les tentatives de mises en scène nombreuses (et souvent de fort belle facture), Calaferte serait vieilli ? Peut-être, oui. ¶
Cédric Enjalbert
l’Entonnoir et Trafic, de Louis Calaferte
Cie du Théâtre régional des Pays de Loire
Mise en scène : Patrick Pelloquet
Scénographie : Sandrine Pelloquet
Costumière : Sylvie Lombart
Lumières : Emmanuel Drouot
Photos : © D.R.
Grenier à sel • 2, rue du Rempart-Saint‑Lazare • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 27 09 11
Du 8 au 30 juillet 2009 à 15 h 25, jours pairs
Durée : 1 h 40
13 € | 9 €
Tournée :
- Cholet (49) Théâtre Interlude
- la Bataille de Waterloo (durée : 1 h 25), vendredi 5, mardi 9, vendredi 12 février 2010
- l’Entonnoir / Trafic : (durée : 1 h 35), samedi 6, mercredi 10, samedi 13 février 2010
- l’Entonnoir / Trafic + la Bataille de Waterloo (durée : 3 heures + entr’acte), dimanche 7, jeudi 11, dimanche 14 février 2010