« Les Galets au Tilleul », Claire Laureau, Nicolas Chaigneau Théâtre de l’Atelier, Paris   

Les-galets-au-Tilleul-sont-plus-petits-quau-Havre © J. Athonady

Du grand n’importe quoi ?

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Plus que quelques représentations au Théâtre de l’Atelier pour découvrir ce réjouissant spectacle servi par des interprètes désopilants. Adeptes de l’humour décalé, Claire Laureau et Nicolas Chaigneau remettent au goût du jour le théâtre de l’absurde.

Parler pour ne rien dire… de la météo, bien sûr, mais aussi de la taille des galets ou de la différence entre une assiette creuse et une assiette à soupe ! Entre chaque séquence, un bip déclenche une nouvelle situation, dont la légèreté frise avec l’absurdité du propos : un discours sans fin qui devient une prise d’otage ; deux personnes qui se chicanent pour un rien ; tenter de comprendre quelqu’un ne parvenant pas à s’expliquer ; développer une argumentation pleine d’évidence en prenant le plus de temps possible.

Concernant cette pièce au titre proustien, Les Galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable), la compagnie cite Honoré de Balzac : « La bêtise a deux manières d’être : elle se tait ou elle parle ». Entre vaines discussions et lieux communs, quelques chants et des envolées soutenues par un orgue omniprésent ne contribuent pas à élever le débat. L’enjeu est de taille : « rendre le plus captivant possible des situations à priori sans intérêt et tenter d’en extraire avec humour et minutie leur part de sensible, d’absurde et de poétique ».

Saynètes

Sans queue ni tête, l’ensemble se tient, malgré tout. De-ci de-là, on retrouve les travers des uns et des autres : Mr je sais tout, la tête à claque, l’enjouée prolixe, la bonne pâte. Des relations s’esquissent ou se contredisent. Car ce sont les ruptures qui sont les plus intéressantes : quand les dialogues ne fusent pas, le silence pèse jusqu’à la limite de l’ennui ; la compassion succède à la colère ; les coups bas n’empêchent pas de prendre de la hauteur.

© Wilfried Lamotte

Le raté, le néant se conjuguent ici à tous les temps et déclenchent une avalanche de réactions. On se laisse porter, d’autant qu’un jeu de chaises rythme les tableaux. Quelques-unes suffisent à meubler l’espace. Les personnages, parlants ou pas, écoutants, observateurs, victimes ou bourreaux du quotidien, y font un usage malicieux.

Chœur

Nourrie d’improvisations, la mise en scène laisse place à du « free style » tout en s’inscrivant dans une grille de composition espace, temps et énergie très précise. Un geste, une expression, un détail suffisent à signifier l’agacement, l’incompréhension, la solitude, l’abnégation. L’appui principal pour les interprètes est le corps, d’où la nécessité de travailler avec des danseurs plutôt qu’avec des comédiens. L’incarnation des personnages se fait essentiellement par leurs caractéristiques physiques : tonicité, posture, humeur, ton voix, regard, conscience des autres, occupation de l’espace.

La direction d’acteurs est très juste. Jamais dans la caricature, ils nous ramènent à notre quotidien, sans juger. Ils déclament, chantent (très bien), bougent. Assis, debout, allongés ou enlacés, en solo ou duo, ils mettent du cœur à cette traversée du vide, quelque part entre l’intersidéral et le sacré.

En ces temps troublés, ils ne manquent tout de même pas d’audace, ces jeunes, de disserter ainsi de la routine. Pourtant, du sens se dégage de ce drôle de charivari : l’importance des interactions sociales, la nécessité de faire lien, envers et contre tout. Et Dieu dans tout ça ? 🔴

Léna Martinelli


Les Galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable), de Claire Laureau et Nicolas Chaigneau

Site de la cie PJPP
Avec : Julien Athonady, Nicolas Chaigneau, Claire Laureau ou Capucine Baroni, Marie Rual
Régie générale : Benjamin Lebrun
Création lumière : Valérie Sigward
Musique : Johann Sebastian Bach, Guiseppe Verdi, Jacques Dutronc, Alain Lefèvre, Francis Scott Key
Dès 10 ans
Durée : 1 heure

Théâtre de l’Atelier • 1, place Charles Dullin • 75018 Paris
Du 12 janvier au 10 mars, vendredi et samedi à 19 heures, dimanche à 15 heures
Réservations : en ligne ou au 01 46 06 49 24 ou par mail

Tournée ici :
• Le 12 mars, Théâtre du Champ au Roy, à Guingamp (22)
• Le 19 mars, L’Odyssée, à Orvault (44)
• Le 20 mars, Le Quatrain, à Haute-Goulaine (44)
• Le 21 mars, Le Jardin de Verre, à Cholet (49)
• Le 22 mars, Théâtre Philippe Noiret, à Doué-en-Anjou (49)
• Le 26 mars, Le Vellein, Scènes de la CAPI, à Villefontaine (38)
• Le 28 mars, Théâtre de Grasse (06)
• Le 29 mars, Forum Jacques Prévert, à Carros (06)
• Le 4 avril, Espace 1789, à Saint-Ouen (93)
• Le 5 avril, Théâtre des Sources, à Fontenay-aux-Roses (92)
• Du 18 au 20 avril, Culture Calvados, à Aunay-sur-Audon, Le Molay-Littry, Evrecy (14)
• Le 28 mai, Scène de Bayssan, à Béziers (34)
• Le 30 mai, CIRCa, à Auch (32)

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