Sacrée bonne femme !
Par Élise Noiraud
Les Trois Coups
La salle du Vingtième Théâtre résonnera d’éclats de rire du début à la fin. C’est que Madame Raymonde a son public, et fidèle, avec ça ! Pensez donc, c’est le troisième volet des aventures de cette dame, mi-concierge, mi-diva, que Denis d’Arcangelo interprète depuis vingt ans. Vingt ans, oui. Alors, évidemment, on oscille, on hésite entre la joie de voir un personnage qui existe, réellement, tant il a eu le temps de se construire, et la vague impression que ce troisième spectacle tire un peu sur la corde. Impossible de trancher. Madame Raymonde exagère, sans aucun doute. Mais c’est fait avec tant de culot et de tendresse qu’on lui pardonne.
Madame Raymonde chante, Madame Raymonde raconte, Madame Raymonde s’énerve ou s’enthousiasme. Madame Raymonde vit. Elle est entière, ni vraiment belle ni vraiment laide. Malgré son épaisseur et ses robes à motifs, une sorte de grâce en émane, une lumière, qui passe au travers de ses fêlures. Elle est drôle, Madame Raymonde. L’œil pétillant, le verbe tranchant, la voix assurée malgré les grands écarts entre ses graves et ses aigus. Elle est à l’aise, elle nous connaît : les publics, les salles, elle en a vus, et c’est pas nous qui allons lui faire peur !
Et commence un tour de chant accompagné à l’accordéon par « le Zèbre », compagnon musical de la dame. Un répertoire de chansons des faubourgs, populaires, drôles souvent, émouvantes parfois. Musicalement, les deux compères ne plaisantent pas. Si Madame Raymonde est un personnage comique, son chant, lui, est tout ce qu’il y a de plus sérieux. C’est beau, bien interprété, touchant. L’accordéoniste, lui, se fait discret mais indispensable. Une jolie présence, au service. Et, quand le jeune homme se retrouve seul en lumière pour nous interpréter une chanson à son tour, on est tout simplement bouleversé par le chant aérien et profond qui émane de ce corps tranquille.
Mais, quand même, Madame Raymonde n’en fait-elle pas un peu trop ? Le personnage existe et ravit, c’est indéniable. Mais pourquoi cette tendance à la surenchère dans l’humour ? Il y a, dans ce spectacle, des mots, des saillies absolument jubilatoires, des brèves de comptoir, en quelque sorte, d’une justesse totale. Mais, toujours, Madame Raymonde en remet une couche. En rajoute. Et je ne peux m’empêcher de me demander si c’est propre au personnage ou si c’est imputable à la mise en scène.
Là est tout le nœud de ce spectacle. Ce flou. Ce personnage tellement vivant qu’on en oublie qu’il est interprété, et par un homme, un comédien. Réussite totale de ce point de vue. Mais qui laisse parfois un peu perplexe, aussi. Car, au final, qui exagère : Madame Raymonde ou Denis d’Arcangelo ? Dans le doute, et pour le plaisir, je choisis la première solution. Mais je ne suis pas dupe, madame Raymonde. ¶
Élise Noiraud
Madame Raymonde exagère !, de Denis d’Arcangelo
Contact production : Les Concerts parisiens • 21, rue Bergère • 75009 Paris
01 48 24 16 97
Avec : Denis d’Arcangelo, et Sébastien Mesnil à l’accordéon
Costumes : Pascale Bordet
Lumières : Célio Ménard
Photo : © Philippe Crochard
Vingtième Théâtre • 7, rue des Plâtrières • 75020 Avignon
Réservations : 01 43 66 01 13
Du 11 mars au 26 avril 2009, du mercredi au samedi à 19 h 30 ; dimanche à 15 heures
Durée : 1 h 40
22 € | 17 € | 12 €