Un remède géant aux petits maux
Par Marie‑Christine Harant
Les Trois Coups
Félicie Artaud, la Belge et Aurélie Namur, l’Héraultaise, abordent un thème grave celui de l’accident et de ses séquelles dans « Mon géant ». Ce très joli spectacle, sur un mode ludique sans pathos qui n’exclut pas la réflexion, séduira un large public dès 7 ans.
Aurélie Namur et Félicie Artaud se sont rencontrées en travaillant avec Pippo Delbono. À la suite de cette expérience qui les a profondément marquées, les deux artistes ont décidé de travailler main dans la main. Après Et blanche aussi, elles viennent de créer Mon géant. C’est l’histoire de Jeanne, qui a aujourd’hui 30 ans. Elle se souvient de ce jour où sa vie a basculé. De cette voiture qui l’a renversée et de son réveil après l’accident dans ce lit d’hôpital où règne un silence ouaté. Mme Isis, une infirmière extravagante, a pour mission de lui rendre son séjour plus supportable et, au fil des jours, de lui faire admettre la terrible nouvelle : Jeanne va conserver des séquelles, elle va boiter toute sa vie, elle ne pourra pas réaliser son rêve de devenir danseuse. C’est ce lent cheminement vers l’acceptation qui va faire grandir la jeune blessée, avec l’aide d’un copain inattendu, un géant de chiffon, témoin muet de ses angoisses, son confident, son compagnon de jeu. C’est sur lui que l’enfant passe ses nerfs, c’est à lui qu’elle arrache bras et jambes. Son leitmotiv ? « C’est pas juste, pourquoi c’est à moi que ça arrive ? »
Le point de départ de cette intrigue – les rapports entre un enfant hospitalisé et une adulte – rappelle Oscar et la Dame rose d’Éric‑Emmanuel Schmitt. Le rapprochement s’arrête là, car la souffrance des deux malades n’est pas du même niveau. Oscar n’a que quelques jours à vivre, Jeanne a toute la vie devant elle. Cependant Mme Isis et Mme Rose font preuve d’une même attention tendre pour leur patient. Aurélie Namur et Félicie Artaud se sont tricoté un texte sur mesure, avec des mots simples, des dialogues qui font mouche, sur le ton du conte, mais adapté à la narration théâtrale. Des répliques imparables, pleines d’humour, accessibles aux plus jeunes comme aux adultes. Lancées avec vivacité, elles en jouent avec un égal bonheur.
Les deux comédiennes se sont entourées d’artistes de premier plan. Dominique Doré, un plasticien renommé, a réalisé un décor minimaliste dont on apprécie la justesse efficace. Un lit, une chaise, des marques blanches au sol pour délimiter les couloirs suffisent à suggérer l’ambiance austère de l’hôpital. On allait oublier l’accessoire indispensable : la voiture miniature, symbole « de la vilaine auto » par qui l’accident est arrivé. Claire Farah a créé des costumes remarquablement ingénieux dans leur apparente simplicité. L’infirmière évolue vêtue de blanc : perruque, chaussures et cape enveloppante à mi-mollets. Lorsque celle‑ci déploie ses bras, elle devient pélican prêt à s’envoler, créant ainsi une image onirique très séduisante. Pour Jeanne, la costumière a choisi de miser sur les contrastes. La gabardine noire satinée d’Aurélie Namur cache un bermuda et un haut rouges. Il suffit à la comédienne d’enlever son manteau et ses escarpins, de relever ses cheveux en queue de cheval pour qu’elle devienne la gamine de sept ans, celle d’avant le choc. Une astuce lumineuse. Le talent de Claire Farah s’illustre encore dans l’art de la marionnette. C’est à elle que l’on doit ce merveilleux géant de chiffon, tellement expressif, tellement compréhensif. Là encore, c’est une prouesse de mettre autant de vie dans une poupée. Sur tous les fronts, malgré la gravité du propos, les comédiennes ont imaginé un spectacle plein d’énergie, follement gai, plein de grâce. Un excellent remède aux petits maux. ¶
Marie‑Christine Harant
Mon géant, de Félicie Artaud et Aurélie Namur
Cie Les Nuits claires / Cie Agnello‑Crotche • 263, chemin de la Mort-aux‑Ânes • 34750 Villeneuve‑lès‑Maguelone
06 88 18 72 32
Texte, jeu et mise en scène : Félicie Artaud et Aurélie Namur
Collaboration à la mise en scène : Leyla‑Claire Rabib
Création lumière : Nathalie Lerat
Création sonore : Antoine Blanquart
Création de la marionnette et des costumes : Claire Farah
Décors : Dominique Doré
La Grande Ourse • centre culturel Bérenger‑de‑Frédol • 235, boulevard des Moures • 34751 Villeneuve‑lès‑Maguelone
Réservations : 04 67 69 58 00
Le 5 mars 2010 à 21 heures, le 7 mars 2010 à 17 heures
Durée : 55 minutes
12 € | 11 € | 9 € | 8 € | 7 €
Tournée :
- Du 10 au 21 mars 2010, Théâtre Dunois, Paris
- Festival Saperlipopette, voilà enfantillages !, dans l’Hérault en mai 2010