« Monsieur de Pourceaugnac », de Molière, l’Allan à Montbéliard

Monsieur de Pourceaugnac © Jean-Pierre Benzekri

Rendez‑vous manqué

Par Maud Sérusclat
Les Trois Coups

Mardi soir, Molière était de retour au théâtre de l’Allan, à Montbéliard. Comme de nombreuses maisons, l’Allan travaille chaque année sa programmation afin de proposer un juste équilibre entre pièces contemporaines et classiques. Très souvent, les mises en scène de nos dramaturges classiques sont audacieuses, talentueuses et même parfois un peu folles, ce qui ne manque pas de réjouir le public montbéliardais. J’attendais donc beaucoup de ce « Monsieur de Pourceaugnac ». Je suis restée très largement sur ma faim.

La pièce en elle-même ne manque pourtant pas d’intérêt. Méconnu, Monsieur de Pourceaugnac est une comédie tardive de Molière, qui est un mélange intéressant de tous les thèmes chers au dramaturge. Au centre de l’intrigue, Julie et Éraste sont amoureux. Mais la mère de Julie la destine à un avocat provincial, un Limougeaud au nom pompeux de Pourceaugnac. Les deux amoureux ne comptent pas se laisser faire et, avec la complicité d’un cocasse Napolitain aux allures de Scapin répondant au nom de Sbrigani, ils attendent de pied ferme le gentilhomme. À cet égard, ils lui ont concocté mille et un tours afin qu’il rejoigne au plus vite ses pénates. Après avoir subi les foudres de médecins, apothicaires, femmes bafouées et autres apparitions nuisibles, le pauvre avocat quittera la scène à moitié fou, en hurlant qu’il « pleut en ce pays des femmes et des lavements ! ». Je vous le disais : du vrai Molière.

Pierre-Yves Le Louarn tire son épingle du jeu

Aimant beaucoup Molière, cette pièce aurait dû me plaire. Pourtant, je n’ai pas été séduite par la mise en scène proposée par Isabelle Starkier. Dès les premières minutes, j’ai trouvé que la présence de certains personnages était assez désagréable, que leur voix était suraiguë, criarde, que leurs mimiques étaient plus agaçantes que drôles. C’est embêtant quand il s’agit des personnages principaux. À mes yeux, seul Sbrigani, interprété par Pierre‑Yves Le Louarn, tire son épingle du jeu parce qu’il semble prendre beaucoup de plaisir à jouer le fourbe. Certes Monsieur de Pourceaugnac est une farce, avec son lot de références scabreuses, de bruitages suspects et de comique de gestes, mais la pièce ne se résume pas à cela, loin s’en faut. La satire sociale, l’ironie, la cruauté inhérente au texte de Molière ont presque disparu dans le spectacle d’Isabelle Starkier. Ou du moins leur présence était si curieuse que je n’y ai rien compris.

En effet, ce qui m’a manqué dans cette mise en scène, c’est surtout du sens. Paradoxalement, ce qui a semblé intéresser la compagnie et qui a orienté le choix de ce texte a justement été la dimension satirique ou politique de la pièce. J’ai eu du mal à percevoir cet intérêt. Peut-être fallait‑il le lire à travers le recours aux masques et à un étrange rituel auquel se livraient les comédiens tour à tour. Ainsi, lorsque les personnages quittaient le plateau pour laisser leur place à d’autres, ils revêtaient d’étranges masques, plus grotesques que drôles, et se plaçaient derrière deux grandes portes vitrées érigées sur le plateau. Ils assistaient, en pantins cyniques ou sceptiques, aux autres scènes. Mise en abyme de l’hypocrisie ambiante ? Distanciation critique ? Autodérision peut-être ? Autant de questions qui resteront sans réponse parce que la mise en scène ne tranche pas. Elle suggère, effleure ou survole, et ça laisse un goût amer d’inachevé. Quant au fait que le comédien qui joue Pourceaugnac, Daniel Jean, soit de couleur noire, je n’ose penser que cela ait un rapport quelconque avec la « modernité » de Molière que l’on prétendait souligner. Ça serait un peu réducteur pour le comédien comme pour le dramaturge. Le message serait alors : on traitait hier nos provinciaux comme on traiterait aujourd’hui nos concitoyens issus de la « diversité ». Bon. C’est un peu court. Non ? 

Maud Sérusclat


Monsieur de Pourceaugnac, de Molière

Mise en scène : Isabelle Starkier

Avec : Daniel Jean, Pierre‑Yves Le Louarn, Eva Castro, Stéphane Miquel, Sarah Sandre

Musique : Amnon Beham

Décors : Jean‑Pierre Benzekri

Costumes, masques : Anne Bothuon

Lumière : Bertrand Llorca

Photo : © Jean‑Pierre Benzekri

L’Allan, scène nationale de Montbéliard • rue de l’École-Française • 25200 Montbéliard

Réservations : 0805 710 700 (numéro vert gratuit)

Le 16 novembre 2010 à 20 h 30

Durée : 1 h 30

17 € | 12,5 € | 8,5 €

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