« Oncle Gourdin », de Sophie Perez et Xavier Boussiron, lycée Mistral à Avignon

Oncle Gourdin © Laurent Friquet

À grands coups
de gourdin, et après ?

Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups

La nouvelle production de la compagnie du Zerep, « Oncle Gourdin », avait été annoncée à coups de trompette. Elle était donc fort attendue au Festival d’Avignon. Le spectacle est effectivement haut en couleur, mais est-il porteur de sens ?

Oncle Gourdin nous présente une tranche de vie dans une communauté de lutins. Bedonnants, grimaçants, volontiers hilares, mais aussi grincheux et querelleurs, libidineux, ils habitent, semble-t-il, à la lisière du monde des hommes. Ils évoluent dans un décor dont le fond représente, à la partie supérieure, le cloître des Célestins (reproduit au 1/3) et à la partie inférieure, ce qu’on suppose être des grottes. Deux arbres stylisés, dont l’un est creux, ornent le plateau.

La première scène nous présente la tribu des lutins sous un angle violent. Leur principale occupation semble être de casser, de déchirer, de détruire. Un meuble est massacré au pied-de-biche. Un violon est rageusement découpé à l’égoïne tandis qu’un livre est déchiré puis percé d’un énorme clou. Veut-on nous faire comprendre, à travers ces deux derniers exemples, que ces iconoclastes mal embouchés en ont après les vecteurs de culture ?

La pièce, en tout cas, a des allures de jeu de massacre. La lecture de Claudel ou d’Olivier Py est utilisée à des fins soporifiques. Quand nos lutins découvrent le jeu théâtral, c’est pour se livrer à la parodie caricaturale. Rien ne semble pouvoir échapper à la folie joyeusement destructrice des cinq compères : Jean Vilar, Shakespeare, Pasolini, Sophocle et même Anne Teresa De Keersmaeker. Tout est entraîné dans ce tourbillon jusqu’à l’explosion finale. Une table rase, donc, mais sans que rien ne soit envisagé pour une reconstruction.

Reste qu’il faut saluer le jeu des acteurs, très à l’aise dans la truculence. Les masques des lutins sont un parfait exemple de l’esthétique grotesque, et leur usage est parfois très spectaculaire. Le costume de Médée et son apparition entre les colonnes du cloître sont une véritable réussite.

Sophie Perez a souvent répété que le théâtre de la compagnie du Zerep est « parodique » parce que, dit-elle, « nous aimons critiquer, parfois piétiner, ce qui nous inspire ». Oncle Gourdin remplit parfaitement ce programme, il faut lui en donner acte. En revanche, quand elle souhaite que le spectateur en tire matière à réflexion et en dégage du sens, on a du mal à la suivre. Quel aliment pour la pensée peut-on tirer d’un texte indigent, volontiers trivial et qui cède parfois à la facilité ? Sans doute est-ce cette difficulté qui s’est manifestée par des sorties en cours de représentation, une fuite de nombreux spectateurs dès le spectacle terminé et des applaudissements plus que mesurés. 

Jean-François Picaut


Oncle Gourdin, de Sophie Perez et Xavier Boussiron

Conception, mise en scène et scénographie : Sophie Perez et Xavier Boussiron

Avec : Marie-Pierre Brébant, Gilles Gaston-Dreyfus, Françoise Klein, Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Marlène Saldana

Musique : Xavier Boussiron

Photo : © Laurent Friquet

Gymnase du lycée Mistral • 84000 Avignon

Du 12 au 17 juillet 2011

http://www.festival-avignon.com/

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