« Oscar et la Dame rose », d’Éric‐Emmanuel Schmitt, Théâtre Tête d’or à Lyon

Divinement mortelle

Par Léa Torres
Les Trois Coups

Nouvelle direction rime souvent avec nouvelles envies. L’arrivée de Pascal Héritier à la tête du Théâtre Tête d’or rimera donc désormais avec Schmitt. Le premier a décidé de proposer chaque année au public lyonnais un spectacle d’Éric‑Emmanuel Schmitt, lui-même originaire de la cité des Gaules. C’est donc tout naturellement que « Oscar et la Dame rose » a trouvé sa place en marge de la programmation du théâtre.

« Oscar et la Dame rose », un titre qui n’évoque pas grand-chose pour une personne lambda, mais qui parle très bien à tout enfant hospitalisé pour une longue durée. Les sages-femmes et les infirmières sont souvent vêtues de rose ; les enfants les apostrophent donc de la sorte. L’histoire est celle d’Oscar, 10 ans, atteint d’une leucémie incurable. Le synopsis ainsi résumé pourrait faire craindre un texte pathétique et mielleux au possible, mais il n’en est rien. Éric‑Emmanuel Schmitt se glisse parfaitement dans la vie du petit garçon, adopte son langage, sa façon de voir les choses et ses problèmes de futur adolescent. Un petit garçon qui trouve la force de vivre dans ses rencontres avec Mamie Rose, sa « dame rose » préférée. Une dame en rose spéciale, une ancienne catcheuse (N.D.L.R. : l’Étrangleuse du Languedoc) qui croit en Dieu. À douze jours de la fin de l’année, elle propose donc à Oscar d’écrire au Seigneur tous les jours. On découvre alors l’histoire de ce jeune malade à travers les missives qu’il envoie à Dieu. Une correspondance pleine d’espoir, d’amour et d’humour.

Jacqueline Bir, seule comédienne sur scène, a la lourde responsabilité de faire vivre ce garçon à travers les lettres qu’il a écrites. Une responsabilité d’autant plus lourde que le texte traite d’un sujet grave de manière décalée : via le regard d’un enfant malade. Mais l’œuvre est entre de bonnes mains puisque même si son nom ne parle pas vraiment aux Français, Jacqueline Bir a une notoriété beaucoup plus importante dans le plat pays. Après cinquante‑cinq ans de carrière et plus de 180 représentations d’Oscar et la Dame rose, le spectacle est rodé et ça se voit.

Outre la gravité du sujet, la difficulté réside également dans le jeu de la comédienne. Le texte est exclusivement contenu dans les lettres qu’écrit Oscar à Dieu. Sur scène, Mamie Rose lit les missives et doit donc faire vivre chacun des personnages dont le garçonnet fait état dans ses écrits. Elle incarne tour à tour les parents du jeune malade ; Bacon, un de ses amis gravement brûlé ; Peggy Blue, une jeune fille au teint bleu à cause de sa maladie ; le Dr Düsseldorf ; une femme de ménage noire ; Pop Corn, un jeune obèse… Chaque personnage a donc sa voix, ses mimiques et sa façon de poser les yeux sur Oscar. Assise au fond de son grand fauteuil orange, Jacqueline Bir passe par tous les âges, tous les états, toutes les positions. Le tout en restant juste et souvent drôle.

La mise en scène, elle aussi, est juste. Mamie Rose, seule sur scène, doit captiver son public du début à la fin, sans en faire trop. Pari gagné pour la comédienne et son metteur en scène, Danièla Bisconti. Quelques belles images sont créées, notamment lorsque Oscar parle de ses sentiments amoureux et que des bulles de savon s’échappent d’un carton renfermant ses effets personnels. On pourrait toutefois leur reprocher de ne pas laisser une plus grande place à l’émotion, de ne surfer que sur le côté humoristique de l’œuvre et peut-être de créer ainsi quelques longueurs.

Toutefois, en pénétrant dans la salle, le spectateur entre dans une bulle. Laissant ses soucis à l’extérieur, il suit pas à pas un extrait de la vie d’Oscar. Une vie faite de couloirs blancs, de dames roses, de copains souffrants, d’une amoureuse bleue et d’une maladie mortelle. Une vie faite d’amour, de colères, d’humour et de déceptions. Une vie qui, comme toutes les autres, aura une fin. Une issue imminente connue d’Oscar et que le spectateur devine vite. Malgré tout, c’est le sourire aux lèvres que ce dernier sort de la salle. Il commente peu la pièce, mais active son portable. Une manière de s’accrocher à son petit monde, sa réalité. Une réalité qui devient bien plus légère tout à coup… 

Léa Torres


Oscar et la Dame rose, d’Éric‑Emmanuel Schmitt

Mise en scène : Danièla Bisconti

Assistant à la mise en scène : Jean‑Luc Vincent

Avec : Jacqueline Bir

Scénographie : Vincent Lemaire

Lumières : Nathalie Borlée

Costumes : Alain Wathiau

Théâtre Tête d’or • 60, avenue du Maréchal-de‑Saxe • 69003 Lyon

Réservations : 04 78 62 96 73

Du jeudi 15 mai au samedi 17 mai 2008 à 20 h 45 ; le samedi 17 mai 2008 à 17 heures ; le dimanche 18 mai 2008 à 16 heures, le mardi 20 mai 2008 à 14 h 45 et le mercredi 21 mai 2008 à 19 h 30

Durée : 1 h 35

38 € | 36 € | 26 €

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