Un éclairant « Pixel »
Par Léna Martinelli
Les Trois Coups
Avec « Pixel », le chorégraphe Mourad Merzouki confronte des danseurs de hip-hop virtuoses à l’univers visuel de deux surdoués du numérique, Adrien Mondot et Claire Bardainne. Au-delà de la prouesse (technique et artistique), un spectacle profond qui ouvre de vertigineuses perspectives.
Impressionnants ce monde et cette ferveur à la Maison des arts de Créteil ! Le festival Kalypso, véritable vitrine de la création chorégraphique contemporaine, bat son plein. Du 12 au 30 novembre, le festival accueille une vingtaine de compagnies dans plusieurs lieux franciliens et réunit un large public autour de nombreuses rencontres, ateliers, master class, battle, et même un marathon de la danse.
Mourad Merzouki, son directeur, l’a voulu populaire et exigeant. C’est réussi. Cela n’empêche pas cette grande figure du hip-hop au succès international d’être là où on ne l’attend pas, car celui-ci aime faire se rencontrer des univers artistiques différents. Fasciné par la projection lumineuse développée par la Cie A.M.C.B., il a justement souhaité tester un rapport original entre la danse et les nouvelles technologies. Il a donc conçu Pixel, avec Adrien Mondot et Claire Bardainne, inventeurs d’un langage numérique vivant se faisant par l’intuition du corps.
Mer de pixels
Des bougies sur la scène ! Même si elles sont téléguidées, voilà qui n’est pas commun en préambule du spectacle. Petit pied de nez pour commencer et bel effet d’illusion. Cela n’est qu’un début… L’essentiel de Pixel repose sur la performance des interprètes qui jouent avec virtuosité des pieds et des mains (de tout, en fait !), ainsi que sur la magie des projections numériques. C’est un ballet pour dix danseurs-acrobates et des milliers de points. Sur scène, des êtres de chair et de sang plongés dans un univers en trompe-l’œil tentent d’apprivoiser ces drôles de pixels de plus en plus envahissants. Vont-ils finir noyés ? Emportés vers l’infini et au-delà ?
Tempête de neige numérique, sol qui se dérobe, gravité inversée, murs qui se déforment, espace qui se resserre ou se dilate… Tantôt ludique, tantôt anxiogène, le spectacle, forcément visuel, ne manque pas de profondeur. En ouvrant les yeux sur les pièges du « tout numérique », Pixel traite d’un phénomène de société qui nous concerne tous : notre rapport au réel dans un monde de plus en plus virtuel.
Si les danseurs jouent beaucoup avec les éléments de synthèse, sans en être prisonniers, ils se transforment au fur et à mesure. D’abord liquide, puis aérienne, la chorégraphie devient plus mécanique. Mourad Merzouki continue de renouveler le genre dans lequel il excelle, enrichissant son style énergique sans jamais caresser dans le sens du poil, faisant se succéder scènes de groupe très réussies et solos virtuoses : « Ces pixels me rappellent notre société, explique-t-il. Leur mouvement de masse, qui isole parfois des électrons libres ou qui les lie entre eux, est un beau symbole ».
Sur la remarquable bande-son, le chorégraphe et ses acolytes font évoluer les interprètes dans cette mer de pixels avec une parfaite maîtrise du plateau et de la technique. Certaines séquences sont enregistrées. D’autres sont réalisées en direct. Finies les traditionnelles poursuites ! C’est grâce à une palette qu’Adrien Mondot et Claire Bardainne suivent les déplacements des danseurs, accompagnant, voire entravant, leurs mouvements. Au sein de leur atelier de création, ils mettent au point, depuis 2004, leurs propres outils informatiques, adaptés à leur recherche : l’humain et le corps au cœur des enjeux technologiques et artistiques. Et plusieurs résidences de création au centre chorégraphique national de Créteil ont permis de finaliser ce projet spécifique.
Plein les mirettes
Avec ces interprètes qui habitent l’espace en trois dimensions, mais dont le corps est confronté à des rêves, nous voilà donc projetés dans un monde de tous les possibles. C’est « orgassismique », car une fois qu’on a accepté la perte de nos repères, on peut se laisser aller à de nouvelles sensations. Grâce à ces paysages mouvants et ces artistes gonflés d’énergie, mais aussi à cause de cette relation toute particulière entre chorégraphie et vidéo interactive expérimentée ici.
Envolée la grâce de vrais flocons qui flottent dans les airs, abandonnée la fraîcheur de gouttes de pluie, rejetée aux oubliettes l’intensité de constellations imaginaires… Ici, c’est une tout autre poésie à l’œuvre. Pourtant, ces danseurs et circassiens – vraiment exceptionnels – illuminent littéralement le plateau. C’est en cela que Pixel fascine. Par la force du charnel qui éclipse finalement le virtuel. Mais quoi de plus logique pour ces artistes qui ont inventé un numérique sensible au service du spectacle vivant ? Quoi de plus normal pour un chorégraphe qui se nourrit de corps et de matière ? ¶
Léna Martinelli
Pixel, de Mourad Merzouki
C.C.N. de Créteil et du Val-de-Marne / Cie Käfig • c/o Maison des arts • place Savador-Allende • 94000 Créteil
01 56 71 13 20
Site : www.ccncreteil.com
Courriel : contact@ccncreteil.com
Dans le cadre du festival Kalypso
Programmation complète : http://www.ccncreteil.com/kalypso/
Mise en scène : Mourad Merzouki, Adrien Mondot, Claire Bardainne
Chorégraphie : Mourad Merzouki
Assistante du chorégraphe : Marjorie Hannoteaux
Création numérique : Adrien Mondot, Claire Bardainne
Création musicale : Armand Amar
Interprétation : Rémi Autechaud (dit R.M.S.), Kader Belmoktar, Marc Brillant, Élodie Chan, Aurélien Chareyron, Yvener Guillaume, Amélie Jousseaume, Ludovic Lacroix, Xuan Le, Steven Valade, Médésséganvi Yetongnon (dit Swing)
Lumières : Yoann Tivoli, assisté de Nicolas Faucheux
Scénographie : Benjamin Lebreton
Costumes : Pascale Robin, assistée de Marie Grammatico
Peintures : Camille Courrier de Mèré et Benjamin Lebreton
Photo : © Gilles Aguilar
Maison des arts et de la culture • place Savador-Allende • 94000 Créteil
Réservations : 01 45 13 19 19
Site du théâtre : www.maccreteil.com
Du 15 au 22 novembre 2014, à 21 heures
Durée : 1 h 10
20 € | 10 €
Tournée :
- Du 27 au 30 novembre 2014 : festival Automne en Normandie, Cirque Théâtre d’Elbeuf
- Le 2 décembre 2014 : Le Granit, scène nationale de Belfort
- Le 6 décembre 2014 : Le Carré, Sainte-Maxime
- Les 9 et 10 décembre 2014 : L’Hexagone, Meylan
- Le 13 décembre 2014 : Théâtre de l’Olivier, Istres
- Le 16 décembre 2014 : Théâtre en Dracénie, Draguignan
- Le 6 janvier 2015 : L’Hippodrome, Douai
- Du 8 au 10 janvier 2015 : Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines
- Les 13 et 14 janvier 2015 : Le Forum, Blanc-Mesnil
- Le 17 janvier 2015 : Festival de danse de Cannes
- Du 20 au 30 janvier 2015 : Maison de la danse de Lyon
- Du 3 au 5 février 2015 : Le Corum, Montpellier
- Du 7 au 10 février 2015 : Théâtre Jean-Vilar de Suresnes
- Le 13 février 2015 : Théâtre Jean-Arp, Clamart
- Les 3 et 4 mars 2015 : L’Archipel, nouveau théâtre de Perpignan
- Le 12 mars 2015 : Théâtre de Cusset
- Les 17 et 18 mars 2015 : Bonlieu, scène nationale d’Annecy
- Le 20 mars 2015 : Théâtre Louis-Aragon, Orly
- Le 24 mars 2015 : espace Jean-Legendre, théâtre de Compiègne
- Le 26 mars 2015 : espace Albert-Camus, Bron
- Le 28 mars 2015 : Théâtre de Saint-Maur
- Le 3 avril 2015 : espace Michel-Simon, Noisy-le-Grand
- Le 8 avril 2015 : Théâtre Anne-de-Bretagne, Vannes
- Le 22 avril 2015 : maison de la culture d’Amiens
- Le 28 avril 2015 : Théâtre de Bourg-en-Bresse
- Le 9 mai 2015 : L’Arsenal de Metz
- Le 21 mai 2015 : L’Embarcadère de Montceau-les-Mines