« Pond Away », « Cross Currents » et « Walkaround Time », de Merce Cunningham, Théâtre de Chaillot à Paris

Pond-Away-Merce Cunningham © Filip Van Roe et Ann Ray

Le centenaire d’un révolutionnaire

Par Maxime Grandgeorge
Les Trois Coups 
 
À l’occasion du centenaire de Merce Cunningham, trois prestigieux ballets rendent hommage au chorégraphe dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. L’occasion de (re)découvrir l’œuvre de celui qui révolutionna la danse au XXsiècle.

Pas moins de trois compagnies – et pas n’importe lesquelles – se partagent la scène du Théâtre de Chaillot le temps de quelques représentations, pour rendre hommage à Merce Cunningham, dont on fête actuellement le centenaire de la naissance. Un programme qui va crescendo dans l’expérimentation.

L’Opéra Ballet Vlaanderen ouvre le bal(let) avec Pond Away, une pièce pour treize danseurs créée en 1998 à l’Opéra de Paris. C’est sans doute l’œuvre la plus accessible de la soirée. La scénographie est signée Roy Lichtenstein, figure éminente du pop art, dont les œuvres s’inspirent de l’univers des comics. Les danseurs évoluent sur une musique mystérieuse et apaisante du multi-instrumentiste britannique Brian Eno, célèbre pour avoir produit de nombreux artistes rock (notamment David Bowie, Talking Heads, U2 et Coldplay) ainsi que pour être l’un des pionniers de la musique ambiant. Vêtus de sarouels blancs et baignés de lumières jaune et bleue, les danseurs s’adonnent à une chorégraphie légèrement orientale. Elle s’apparente à un grand rituel de méditation, entre Les Mille et une nuits et Bollywood.

Pond-Away-Merce Cunningham © Filip Van Roe et Ann Ray
« Pond Away », de Merce Cunningham © Filip Van Roe et Ann Ray

La soirée se poursuit ensuite avec Cross Currents, courte pièce de sept minutes créée en 1964 à Londres. Trois danseurs du Royal Ballet, simplement vêtus de collants noirs et d’un juste-au-corps blanc, évoluent sur une musique de Conlon Nancarrow, une partition dissonante et rythmée pour piano mécanique évoquant le free jazz. La chorégraphie de Cunningham propose un surprenant mélange de danse classique et de mouvements plus triviaux, parfois à la limite de l’animalité. Le tout forme un entrelacs de mouvements où les corps ne cessent de se croiser.

Place au hasard

La soirée s’achève avec l’expérimental Walkaround Time, pièce créée en 1968 à Buffalo, aux États-Unis, interprétée ici par les danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris. Née de la collaboration de Cunningham avec le plasticien américain Jasper Johns, à qui l’on doit ici la scénographie, elle s’inspire de la sculpture La Mariée mise à nu par ses célibataires de Marcel Duchamp. Les danseurs évoluent au milieu d’un étrange cabinet de curiosités, errant parmi des boîtes transparentes avec d’étranges dessins entre figuration (plan de machines) et abstraction.

Emblématique de l’œuvre de Cunningham, Walkaround Time illustre parfaitement deux des principes chers au chorégraphe : la dissociation de la musique et de la chorégraphie, ainsi que le recours au hasard. Difficile pour les danseurs, vêtus d’académiques monochromes, de se caler ici sur la bande-son, composée uniquement de bruits de pas et de voiture, de bribes de textes et de voix trafiquées par ordinateur.

Walkaround-Time-Merce Cunningham © Filip Van Roe et Ann Ray
« Walkaround » © Filip Van Roe et Ann Ray

Particulièrement difficile à exécuter, la chorégraphie propose un enchaînement de mouvements souvent choisis au hasard, d’où leur aspect saugrenu. Elle intègre également des mouvements ordinaires, sortis de leur contexte quotidien. Le milieu de la pièce est ponctué par un étrange intermède, une sorte de mise en abîme où les danseurs, en tenue de répétition, discutent et s’échauffent, assis par terre, comme avant une séance de travail.

Entre tradition et expérimentation, danse classique et danse moderne, les trois ballets présentés à Chaillot offrent un petit aperçu de l’œuvre si particulière de Merce Cunningham. 

Maxime Grandgeorge


Pond Away, Cross Currents et Walkaround Time, de Merce Cunningham

Musique : Brian Eno, Conlon Nancarrow et David Behrman

Scénographie : Roy Lichtenstein et Jasper Johns

Avec les danseurs de l’Opera Ballet Vlaanderen, du Royal Ballet et du Ballet de l’Opéra national de Paris

Coproduction : Théâtre de la Ville de Paris

Chaillot – Théâtre national de la danse • 1, place du Trocadéro • 75116 Paris

Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris

Du 22 au 26 octobre 2019

Durée : 1 h 50 avec entracte

De 8 € à 42 €

Renseignements : 01 53 65 30 00

Réservations en ligne ici


À découvrir sur Les Trois Coups :

Merce Cunningham, William Forsythe et Alban Richard par le Ballet de Lorraine, par Céline Doukhan

À propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Du coup, vous aimerez aussi...

Pour en découvrir plus
Catégories