Grands crocs et grands crus à la Maison Maria Casarès
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Enchanteresses, gentils ogres et beaux loups vous attendent à Alloue pour dévorer spectacles et mets du cru. Visite contée, goûter, apéro ou dîner-spectacle, il y en a pour tous les goûts, tous les âges. Là tout n’est que luxe (à la portée de tous) calme et voluptés !
C’est un îlot perdu au beau milieu des pacages charentais, un de ces lieux magiques qu’on imaginerait caché par les ronces d’un conte ou les mers d’un mythe grec : Alloue et la Maison que Maria Casarès s’y choisit après la mort d’Albert Camus. Là, on découvre ses livres, ses meubles polis par le temps comme on chemine sur les sentiers que de récents aménagements ont rendus praticables. Les touristes y sont encore rares : quand on passe le portail, on a l’impression de faire partie d’un cercle de privilégiés.
Cette intimité a été cultivée et scénarisée par les nouveaux « gardiens du lieu », une compagnie de théâtre qui porte si bien son nom : Veilleur. Ses directeurs artistiques, Johanna Silberstein et Matthieu Roy ont, en effet, conçu une envoûtante visite contée dans la maison de Maria Casarès. Grâce à des casques, on arpente les pièces en écoutant la correspondance de l’actrice et d’Albert Camus. Chaque lettre résonne en son lieu, Johanna Silberstein et Philippe Canales les interprètent avec justesse et délicatesse, si bien que leurs voix semblent ramener les amants à la vie.
L’esprit des lieux est aussi celui du T.N.P. Une petite exposition et un film permettent de rappeler le rapport que la maîtresse de maison entretint avec cette belle institution. Surtout, la façon toute simple et chaleureuse d’accueillir chaque visiteur offre un bel hommage au théâtre populaire. De plus, à la Maison, sous les tilleuls des promenades, on partage les saveurs locales (à des prix tout à fait démocratiques) et l’inconnu devient le commensal. La magie du domaine est donc enchantement des sens.
L’enfant (l’adulte) et les sortilèges
Puisqu’on disait Maria Casarès quelque peu magicienne, on ne s’étonnera pas d’entendre des voix à Alloue. En partenariat avec la compagnie musicale Ars Nova, Matthieu Roy nous propose un diptyque où se mêlent audacieusement chant, musique et théâtre. La maîtrise des sopranos et musiciennes y rejoint celle de la technicienne qui mêle une composition enregistrée à une partition interprétée en direct. L’ensemble est parfois déroutant, mais proprement enchanteur. La proposition s’accorde ainsi parfaitement aux pièces abordées où la peur, l’animalité et l’étrange ont la part belle.
Dans Qui a peur du loup ?, la frontière entre l’imaginaire de deux enfants et leur dure réalité se brouille ainsi. Flora dessine des animaux pour les plaquer sur les visages humains et leur donner vie. Dimitri anime, lui, son skate pour traverser les forêts profondes à la recherche de son père ou de sa mère. Mais que se passe-t-il vraiment ? L’énigme subsistera. Nourri d’ombres et d’ellipses, le texte n’est pas évident (pas totalement convaincant non plus), mais il a l’aspect cathartique et initiatique d’un conte moderne.
Nos sorcières bien aimées
Dans Macbeth, l’on retrouve les mêmes interprètes, la même scénographie, le même dispositif mais les choix opérés sonnent encore plus juste. Par ses partis pris radicaux et pertinents, l’adaptation surprendra heureusement ceux qui connaissent la pièce de Shakespeare ; elle permettra tout aussi bien au néophyte de suivre une intrigue passionnante.
Resserrée, centrée sur le couple maudit, elle interroge en particulier la figure si décriée de Lady Macbeth. Qui est donc cette femme privée de d’enfant, cette ensorceleuse qui sait si bien entrer en communication avec les sorcières ? La mise en scène étoffe les personnages de sorcières, d’ailleurs. Enfin, la sonorisation fait habilement percevoir le surnaturel. Mise en scène, scénographie et justesse de l’interprétation confirment la qualité de la proposition.
À ce bon cru de Macbeth, on peut associer les bons crocs de la lecture que livre en apéro Sylvain Levey de son propre texte : Gros. On change de ton ici. Voici l’autobiographie tendre et pleine d’humour d’un petit gros devenu auteur. Le récit est plein de verve, porté avec générosité, adapté à toute la famille. Les enfants comme les grands poufferont d’y retrouver des scènes de vie. On s’en lèche les babines et on en reprendrait bien de cette gourmandise théâtrale.
Grand cru, grands crocs : hâtez-vous donc avant qu’on range définitivement les tables du festin. Promis, en ces terres, Maria-Circé ne vous transformera pas en porcs, comme dans le mythe, mais vous pourrez murmurer : « Heureux qui, comme moi, a fait un beau voyage… à la Maison Maria Casarès ». ¶
Laura Plas
Qui a peur du loup ?, de Christophe Pellet
Le texte est publié aux éditions de l’Arche
Mise en scène, adaptation et dispositif scénique : Matthieu Roy
Composition musicale : Aurélien Dumont
Avec : Juliette Allen, Philippe Canales, Iris Parizot, Léna Rondé, Johanna Silberstein
Musique préenregistrée : Pascal Contet, Giani Caserotto, Isabelle Cornélis, Tanguy Menez, Alain Trésallet, Isabelle Veyrier, Patrick Wibart
Durée : 1 heure
À partir de 8 ans
Du 22 juillet au 22 août 2019, les lundis, mardis, jeudis et vendredis à 16 h 30
5 € (goûter compris)
Présentation du dytique Macbeth et Qui a peur du loup ?
Gros, de Sylvain Levey
Le texte est à paraître aux Éditions Théâtrales Jeunesse
Mise en scène : Matthieu Roy
Avec : Sylvain Levey
Durée : 1 heure
Tout public
Du 22 juillet au 22 août 2019, les lundis, mardis, jeudis et vendredis à 18 h 30
5 € (apéro inclus)
Macbeth, d’après William Shakespeare
Mise en scène, adaptation et dispositif scénique : Matthieu Roy
Composition : Aurélien Dumont
Avec : Juliette Allen, Philippe Canales, Iris Parizot, Léna Rondé, Johanna Silberstein
Musique préenregistrée : Pascal Contet, Giani Caserotto, Isabelle Cornélis, Tangui Menez Alain Trésallet, Isabelle Veyrier Patrick Wibart
Durée : 1 heure
À partir de 12 ans
Du 22 juillet au 22 août 2019, les lundis, mardis, jeudis et vendredis à 19 h 30
25 € (dîner inclus)
Visite contée de la maison autour des lettres de Maria Casarès et Albert Camus
Le texte intégral de la correspondance est édité aux éditions Gallimard
Mise en scène : Matthieu Roy
Mise en voix : Philippe Canales et Johanna Silberstein
Durée : 45 minutes environ
Du 22 juillet au 22 août 2019, les lundis, mardis, jeudis et vendredis de 15 heures à 19 heures en continu
5 €
Maison Maria Casarès • Domaine de la Vergne • 16490 Alloue
Dans le cadre de l’été à la Maison Maria Casarès
Réservations : 05 45 31 81 22
Courriel de réservation de la maison Maria Casarès
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Saison estivale 2017 à la Maison Maria Casares, par Léna Martinelli
☛ Un Soir d’été à la Maison MariaCasarès, par LauraPlas
☛Martyr, de Marius von Mayenburg, Théâtre de l’Idéal à Tourcoing, par Sarah Elghazi