Rencontre des Jonglages 2024, Ile-de-France

Rollercoaster-Wes-Peden

Du jonglage, sous toutes ses formes, pour tous 

Léna Martinelli
Les Trois Coups

En Ile-de-France, La Maison des Jonglages propose un panorama de la création jonglée contemporaine, où cirque, magie, théâtre, danse et sport font bon ménage. Près d’une trentaine de spectacles, dont certains gratuits dans l’espace public, sont à découvrir du 4 avril au 5 mai, avec un cœur de festival à Houdremont, Centre culturel, La Courneuve, du 26 au 28 avril.

Attention ! Attachez vos ceintures. Commençons par une star. Entouré de structures gonflables géantes bleues et accompagné par une musique électronique composée de samples, Wes Peden (Rollercoaster) présente un jonglage innovant inspiré par les grands huit, avec des numéros parmi les plus difficiles jamais exécutés sur scène. Du « jonglage ultra-moderne et post-punk » !

Autre approche originale d’un accessoire emblématique, Petroleo (cie LPM) nous conduit à l’essence même de l’anneau, ici à foison sur scène, dans un récit apocalyptique des deux derniers défenseurs du pétrole et du plastique sur Terre.

Beaucoup de spectacles reconsidèrent le geste artistique ou explorent de nouvelles perspectives jonglistiques, sur fond de questionnements liés à la pratique. Balles, bâtons, massues, anneaux, mais aussi objets quotidiens, images, mots… Les arts du jonglage sont riches, d’autant qu’ils s’acoquinent volontiers avec le théâtre, la danse, la musique, les arts visuels. Évidemment, année olympique oblige, un focus sport est à l’affiche.

Création insolite de Vincent Berhault (en compagnie de Barthélémy Goutet et Jonathan Scialom), le Vertige du Virage, duo pour un (véritable) barman et un comédien, est un voyage aux confins de l’ébriété et de la lucidité, une « mise en scène du boire ensemble, de l’euphorie et de la convivialité ». Avec cette histoire de l’ivresse revisitée, on retrouve le goût immodéré du directeur du festival pour l’anthropologie. À découvrir dans un bar, évidemment.

OMÂ, ou les privilèges de la patate est un solo de cirque et de « bavardises ». C’est la rencontre autofictive d’une grand-mère allemande et d’une grand-mère iranienne. Roxana Küwen Arsalan jongle, se contorsionne, afin de démasquer l’insensé des cases et des clichés. Encore plus « barré », Tutti Frutti est « une sorte de salade d’ingrédients improbables, bien arrosée par la spontanéité et des logiques absurdes ». Non sans humour, Gibbon (Patfield et Triguero) est une fête surréaliste de jonglerie chorégraphiée.

L’Envers de nos décors rassemble la pratique circassienne et chorégraphique de Clément Dazin ainsi que l’écriture de Thomas Scotto. Ensemble, ils abordent, avec poésie, le pouvoir du mot qui blesse, celui de l’adulte vers l’enfant (avec un échange prévu dans la foulée). Cécile (Sinking Sideways) explore le cirque minimaliste et l’accro-danse.

Nkama, solo de Dimas Tivane, joue avec le temps, utilisant le jonglage comme rythme afin d’improviser, à partir de la trajectoire des objets et le son qu’ils produisent. Quant à TBTF (Mellow Yellow), ses sources d’inspiration sont le cirque, la musique, la danse, le jeu d’acteur et le cinéma.

Voici à présent une pépite pour les petits : le Vertige de l’envers (L’Envolée cirque) révèle, de manière hautement visuelle, les différents niveaux de perceptions du monde qui nous entoure. Un moment onirique et hors du temps où s’invite la magie (lire notre critique).

Parmi les spectacles familiaux, FabriK (cie KOR) chamboule les codes de la création, brouille les pistes entre « celui qui sait » et « celui qui découvre », pose la question du libre arbitre. Cette compagnie propose aussi Kontrol, où un athlète repousse les limites : cherchant à aller toujours plus haut, avec plus d’objets, plus lourd, plus rapide, jusqu’à quand tiendra-t-il dans ce jeu sans fin et, surtout, qui est aux commandes ?

Dans Perfect Timing (cie WCS), deux équilibristes défient l’improbabilité constante du temps avec toutes sortes d’objets sur leur tête. Autre spectacle avec des règles qui changent constamment : Stickman (Darragh McLoughlin). Ceux qui voudraient évoluer encore plus librement apprécieront la création participative conçue par Dimas Tivane. De quoi faciliter l’écriture instantanée de chaque interprète !

Copyleft (Cie Nicanor de Elia) est une tornade dotée d’une bonne dose d’humour qui combine danse et jonglage, créée pour l’espace public et tout terrain (premier prix du meilleur spectacle de rue – FETEN Gijón Xixón 2022 et Label Olympiade Culturelle Paris 2024). Quant à Mouton noir (Paul Molina et Wilmer Marquez), il couple la maîtrise technique du football freestyle à la performance acrobatique.

Pling Klang, de Mathieu Despoisse et Étienne Manceau, s’interroge sur les différents défis qui viennent éprouver les couples, comme le montage d’un meuble IKEA. Un défi absurde, intime et ludique auquel contribue en partie le public (lire notre critique).

Avec Moon, cabinet de curiosités lunaires (cie Barks – Bastien Dausse), nous serons à nouveau projetés dans un univers en constante évolution, pour explorer et contempler : « une constellation de petites formes antigravitaires, un cabinet de curiosités mécaniques et organiques ». Nous avions déjà beaucoup aimé MIR (lire notre critique).

Enfin, relevons quelques propositions inédites, dont une allemande à découvrir : Absurd Hero, (Roman Škadra) un drame absurde entre un homme et un gros globe terrestre de 25 kg inspiré du mythe de Sisyphe d’Albert Camus. C’est une première en France. Plusieurs formats courts sont programmés, autant d’avant-goûts de créations à venir. C’est le cas de El Dorado de la cie NDE. La cie Monad présente aussi une étape de travail de In Dividu / Biographies.

Laboratoire

Outre cette ouverture tous azimuts, les expérimentations arts et sciences constituent l’ADN du festival. Ces œuvres collaboratives sont le fruit d’une rencontre entre un chercheur et un artiste. Pas pour apporter un peu de poésie à une conférence ou de sens à un projet, mais bien afin de trouver une troisième voie, une forme inédite. Cette année, Pierre Philippe-Meden (enseignant chercheur à l’université Paul-Valéry de Montpellier / MSH Paris Nord) et Johan Swartvagher (jongleur) feront une critique jonglée du corps sportif ; Frédérique Fogel (directrice de recherche, laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, Nanterre) et Dimas Tivane (jongleur) traiteront de la peur de l’autre.

Les plus curieux, assis ou debouts sur la Balance à peser les Ô (Vincent Rioux et Emmanuel Grimaud, avec l’aide de Mateo Berthereau et Delia Visan), pourront participer à une expérience en méditation artificielle. Autour des spectacles, sont également proposés des ateliers, des rencontres professionnelles et de réflexion avec la Revue Jonglages.

Animé par le goût pour l’écriture, la recherche et la création, Vincent Berhault a imaginé, avec son équipe, de nombreux moyens pour rendre ces rencontres conviviales et surprenantes : « Le jonglage se partage en famille, entre amis mais aussi partout où on ne l’attend pas ! », s’enthousiasme-t-il. Ce sera sa dernière édition à La Courneuve. Le projet se développe à Bondy, avec la construction d’un lieu dédié, dont la livraison est prévue en 2028, dans le cadre de l’aménagement de quartier. 🔴

Léna Martinelli


Rencontre des Jonglages

17édition, du 4 avril au 5 mai 2024, avec le cœur de festival du 25 au 28 avril

Organisée par La Maison des Jonglages, scène conventionnée Houdremont, Centre culturel La Courneuve • 11, av du Général Leclerc • 93120 La Courneuve • 01 49 92 60 54
La programmation ici
La brochure ici
Les lieux ici
À chaque lieu complice sa billetterie
Tarifs : de 3 € à 15 € • Pass cœur de festival : 60 € pour 10 spectacles (tarif réduit : 30 €)
Billetterie en ligne ou au 01 49 92 61 61

À découvrir sur Les Trois Coups :
Rencontre des Jonglages 2023, par Léna Martinelli
Entretien Avec Vincent Berhault, 15e édition Rencontre des jonglages, par Léna Martinelli
Rencontre des jonglages 2021, par Léna Martinelli

Photos :
Une : « Rollercoaster », Wes Peden © Einar Kling-Odencrants
Mosaïque 1 : « Le Vertige de l’envers », L’Envolée cirque © DR ; « Petroleo, cie LPM © Clara Pedrol
Mosaïque 2 : « Absurd Hero », Roman Skadra © Frantisek Ortmann ; « Perfect timing », cie LPM © Émilie Beffara ; « Nkama », Dimas Tivane © Émilie Saccoccio
Photo 2 : « Moon », cie Barks – Bastien Dausse © Jean Lambert
Mosaïque 3 : © Rencontre des Jonglages

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