Monsieur, dessine‑moi un rêve
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Beau comme dans un rêve, dit-on. On pourrait dire beau comme dans « Rêves de sable ». Car la compagnie Ytuquepintas nous emporte dans un voyage fabuleux dont chaque instant est magique. Ah si seulement la salle, par ses applaudissements répétitifs, ne venait pas sans cesse nous réveiller !
C’est une histoire de cirque, une histoire d’amour naïve et éternelle, et puis celle d’un voyage, et encore celle d’une vie. C’est un vrai conte que l’on suit, pantelant. Dans le noir de la salle, on retrouve les palpitations que l’on ressentait quand on était enfant, suspendu aux mots de la mère ou du père au coucher. Sauf qu’ici le marchand de sable n’est pas là pour nous endormir. Bien au contraire ! Il nous fait ouvrir les yeux grands, tout grands.
Nous avons tous joué avec, sur la grève, nous émerveillant tout autant de l’apparition des figures malhabiles que nous traçions que de leur évanouissement. Borja Gonzáles porte cet art de l’épiphanie et de la métamorphose à son apogée. Grâce à ses tableaux de sable, nous découvrons en effet les sept merveilles d’Europe. Un mouvement de ses mains habiles nous transporte ainsi de Paris à Pise, d’Athènes à Avignon, sur les traces d’un cirque ambulant. Comme Athéna surgit casquée de la tête de Zeus, des personnages naissent ici des tempes d’autres. Belle image de la force de l’imaginaire.
Magicien, Borja Gonzáles l’est encore comme ces illusionnistes des débuts du cinéma. À cet égard, comme au temps du cinéma muet, un musicien est là pour donner la note de l’émotion, participer à la narrativisation. La musique originale est pleine de charme et bien interprétée par l’un de ses deux compositeurs : Roc Sala. Par ailleurs, Borja Gonzáles change de focale, nous fait basculer d’un plan à l’autre avec une grande cohérence. Le spectacle est donc, aussi, bien construit sur ce point. Quelle idée alors de saccader le récit en saluant après chaque tableau et morceau de musique ? La salle, convaincue, applaudit, et on sort du rêve. Quel dommage !
Dessiner l’invisible
Malgré ces durs rappels à la réalité, Borja Gonzáles provoque l’admiration. Il parvient de fait à figurer l’évanescent, l’invisible. D’un trait, nous voyons apparaître un émoi amoureux. Un croquis, et la joie des amants éclate. La nuit succède au jour et les jours à d’autres jours. C’est une idée délicate que d’évoquer avec du sable ce passage du temps. Bien sûr, le récit est candide ; bien sûr, il répond à nos attentes d’amour éternel, de vie entière passée la main dans la main. Mais si l’enfance n’a pas droit à ces rêves de sable, que lui restera‑il ?
Il s’agit donc de poésie, une poésie universelle, car elle se passe de mots. On remercie d’ailleurs les artistes de nous avoir épargné les récits bêtifiants et le langage bébé articulés par des adultes grimés en enfants. Le peintre de sable et son musicien font au contraire confiance à l’imagination des spectateurs. Et quand on voit l’ovation qui leur est faite en fin de spectacle, on se dit qu’ils ont eu raison. ¶
Laura Plas
Rêves de sable, de Borja Gonzáles
Cie Ytuquepintas
Site : http://www.borjasandartist.com
Courriel : contact@borjasandartist.com
Mise en scène : Borja Gonzáles, Julio Hontana Moreno
Idée originale, vidéos, conception des marionnettes : Borja Gonzáles
Avec : Borja Gonzáles
Musique originale : Roc Sala, Sergi Soler
Interprétation de la musique : Roc Sala
Régisseur général : Joaquim Aragó
Photo : © Marta GC
Maison du théâtre pour enfants • 20, avenue Monclar • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 85 59 55
Du 8 au 26 juillet 2014 à 16 h 20, relâche le 13 et le 20 juillet
Durée : 50 minutes
9 € | 6,50 € | 5,50 €
Tout public à partir de 5 ans (sans texte)