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Dans-ton-cœur-Akoreacro

La rentrée cirque et danse

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Guidée par notre goût pour la diversité des genres et l’audace des formes, voici quelques propositions où performance physique rime avec créativité.

En septembre, plusieurs festivals de cirque permettent souvent de profiter de l’été indien, d’autant qu’ils invitent des compagnies de rue. Commençons par Cergy soit ! dont la programmation est encore de haute tenue, cette année. Ce rendez-vous attendu de la rentrée culturelle francilienne fait la promotion d’une culture ouverte et accessible à tous, autour d’un rassemblement populaire et d’une offre artistique de qualité. Pendant trois jours, il accueille une cinquantaine de compagnies professionnelles avec 150 représentations gratuites qui rassemblent plus de 40 000 spectateurs, avec de nombreux projets participatifs qui réenchantent l’espace public.

Encore du cirque sous toutes ses formes, avec Village de Cirque ! Fortement impliqué dans le sud de Paris et plus particulièrement dans le 13arrondissement depuis sa création, De Rue et De Cirque (2r2c) pose traditionnellement ses chapiteaux sur la pelouse de Reuilly. Pour cette 15édition, le programme est alléchant avec notamment les Dodos du P’tit Cirk.

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Jours [et nuits] de cirque(s) © DR

En attendant CIRCa, festival du cirque actuel à Auch, fin octobre, Jours [et nuits] de cirque(s) nous plonge dans l’innovation transdisciplinaire. Au programme de cette 7édition, des compagnies de cirque venues de tous les continents, de toutes les esthétiques : Cie Les singuliers (Entre), Zampanos (le Petit Cercle boiteux de mon imaginaire), Cie Microsillon (Urban et Orbitch), Cie Fheel Concepts (Hold on), Yoann Bourgeois (Fugue VR), Akoreacro (Dans ton cœur)…

Le CIAM avait accueilli leur tout premier chapiteau en 2013, où Akoreacro avaient emporté le public à grand coup de Klaxon. Ces acrobates se posent (si l’on peut dire !) à nouveau au CIAM pour les premières représentations de leur nouvelle création dans le sud-est. Cirque de haut niveau, musique live… Les ingrédients qui ont fait leur succès sont toujours au rendez-vous, accompagné cette fois sur une mise en scène de Pierre Guillois.

À La Villette, Johann Le Guillerm présente l’acte 2 de Secret, la partie spectaculaire de son projet Attraction qu’il déploie depuis près de vingt ans sous des formes diverses (lire la critique ici). Il le définit comme « une utopie, l’affirmation que le monde peut être réélaboré par soi-même pour ne pas le subir mais mieux l’éprouver, le penser, le vivre ». Malgré les années, le mystère de Secret demeure insondable. L’œuvre défie le temps.

Dans son spectacle Hate, Laetitia Dosch, souhaite revenir à une relation plus essentielle à l’autre. Ayant beaucoup appris de la sagesse de l’animal, elle le fait parler, invente sa pensée et son regard sur notre espèce : « Hate est un conte, une fable sombre où il est donné un peu plus de liberté que d’habitude à une femme et un cheval ». Ce succès de la saison passée est repris au Monfort.

Danse à tous les étages

Le Festival d’Automne à Paris a construit des histoires au long cours avec les plus grands artistes de notre temps. Parmi eux, l’un des plus importants chorégraphes du XXème siècle, Merce Cunningham. Son « œuvre n’a cessé de repousser les frontières de la danse comme du spectacle vivant, de la musique et des arts plastiques », écrit Emmanuel Demarcy dans l’édito de cette 48édition. Au Châtelet, à Chaillot, à l’Espace Cardin, une foison de compagnies célèbre donc le maître qui aurait eu 100 ans cette année. Une digne rétrospective de son œuvre.

Quant à l’histoire entre La Ribot et le festival, elle s’écrit depuis quinze ans. Figure emblématique de la nouvelle danse depuis le milieu des années 1980, la chorégraphe crée des œuvres scéniques au statut mouvant, se jouant des traditions. Le portrait qui lui est aussi consacré invite à un parcours entre musées et plateaux de théâtre.

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« Shazam », dans le cadre de « Tout doit disparaître », de Philippe Decouflé © Quentin Bertoux

Philippe Decouflé et sa compagnie DCA revisite 35 ans de carrière en investissant Chaillot, du foyer aux coulisses, avec un parcours ponctuée d’extraits de ses pièces. Un cadavre exquis pour quarante danseurs, comédiens, acrobates et dix musiciens. La déambulation peut prendre de quatre à cinq heures (lire la critique ici).

Autre grand chorégraphe, Angelin Preljocaj maîtrise encore un peu plus son art avec Winterreise interprété en live. « Les 24 lieder de Schubert composent une atmosphère intime que je voudrais partager au cours de ce Voyage d’hiver, qui en fait est celui de la vie. Je l’imagine comme un jardin d’hiver, mais où les prémices des saisons à venir sont aussi présentes. Une sorte de laboratoire expérimental de la vie », explique l’artiste. Une partition en noir et blanc du Ballet Preljocaj au Théâtre des Champs-Élysées début octobre, dans le cadre d’une belle tournée avec des dates dans toutes la France, pendant que celle de Gravité (lire la critique ici) se poursuit.

Événement majeur de cette rentrée, la dernière création d’Akram Khan a été présentée par le Théâtre de la Ville au 13ème Art. Un choc ! Outwitting the devil avait déjà médusé le public de la Cour d’honneur du Festival d’Avignon, en cherchant à dompter le Temps, ce diable. La tournée européenne (notamment en Belgique) a commencé (avec de trop rares représentations en France).

On se consolera donc avec Xenos, pour lequel le chorégraphe se plonge dans les archives de ces hommes qui firent la grande guerre. Un solo à ne pas manquer en décembre à La Villette (toujours programmé hors les murs par le Théâtre de la Ville). Un hommage qui s’annonce saisissant, car il ressuscitera la mémoire perdue des Cipaye, ces soldats indiens envoyés en masse par l’Empire britannique dans les tranchées, pendant la Guerre de 14-18.

Pour changer des spectacles

Mettre en ligne, chaque jour, une minute de danse auto-filmée, c’est le pari de Nadia Vadori-Gauthier, un sacerdoce né du choc provoqué par l’attentat contre Charlie Hebdo. Une minute de danse par jour : un pari fou qui totalise plus de 1 700 minutes. Depuis 2015, la chorégraphe évolue chaque jour dans des environnements différents, avec des gens divers, usant de multiples matériaux. Ses danses parfois traversées d’échos violents de l’actualité distillent une douceur infinitésimale dans la ville et nos espaces du quotidien. Ce geste poétique et engagé déplace le regard, invitant à rêver autrement le monde. De cet acte de résistance insolite, Jérôme Cassou a réalisé un documentaire, Une joie secrète, sorti en salles le 11 septembre.

Parce que les spectacles se complètent volontiers par la lecture d’ouvrages, signalons la réédition chez Flammarion du Guide de Philippe Noisette avec les photos de Philippe Laurent. Présentation de vingt chorégraphes phares et des « Maîtres à danser », dates repères, et mots clés émaillent une réflexion vive permettant d’approcher la danse contemporaine en toute sérénité.

Le journaliste Philippe Verrièle, dont on avait beaucoup apprécié Danser la peinture, vient de publier, aux Nouvelles éditions Scala, la série Regardez la danse !, qui « permet d’apprendre à mieux regarder et invite à se débarrasser des préjugés », selon les mots de l’auteur. Une multiplicité des points de vue sur le sujet, destiné aussi bien au public amateur de danse qu’aux professionnels : « Qu’est-ce que la danse ? » ; « Qu’est-ce qu’un chorégraphe ? » ; Qu’est-ce qu’un danseur ? » ; « Quel sens à la danse ? » ; « Peut-on écrire la danse ? ». « Il fallait en venir aux mots », écrit Philippe Verrièle dans sa postface. Indispensable ! 

Léna Martinelli


Cergy soit ! • Cergy-Pontoise, du 20 au 22 septembre 2019 • Plus d’infos ici

Village de Cirque, 15édition • Pelouse de Reuilly, du 13 au 22 septembre 2019 • Plus d’infos ici

Jours [et nuits] de cirque(s), 7édition • Aix-en-Provence, du 26 au 29 septembre 2019 • Plus d’infos ici

CIRCa – Festival du cirque actuel, 32eédition• CIRCa, Pôle national cirque à Auch, du 18 au 27 octobre 2019 • Plus d’infos ici

Secret (temps 2), de Johann Le Guillerm • La Villette, Espace Chapiteaux, du 24 septembre au 20 octobre 2019 • Plus d’infos ici

Hate, tentative de duo avec un cheval, de Laetitia Dosch • Monfort, du 25 au 28 septembre et du 1er au 4 octobre 2019 • Plus d’infos ici

Portrait de Merce Cunningham • Châtelet, Chaillot, Espace Cardin, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, du 28 septembre au 21 décembre 2019 • Plus d’infos ici

Portrait de La Ribot, Centre Pompidou, au CND, au Centquatre et à l’Espace 1789 de Saint-Ouen, du 14 septembre au 16 novembre 2019 • Plus d’infos ici

Tout doit disparaître, de Philippe Decouflé • Théâtre national de Chaillot, du 27 septembre au 6 octobre 2019 • Plus d’infos ici

Winterreise, d’Angelin Preljocaj • Théâtre des Champs-Élysées, dans le cadre de Transcendanses, du 3 au 5 octobre 2019 • Plus d’infos ici

Outwitting the devil, d’Akram Khan • Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, les 29 et 30 novembre 2019 • Plus d’infos ici • Tournée complète ici

Xenos, d’Akram Khan • Grande Halle de la Villette, du 12 au 22 décembre 2019 • Plus d’infos ici

Le Guide, de Philippe Noisette, photographies de Philippe Laurent, Flammarion, septembre 2019, 224 pages, 19,90 € • Plus d’infos ici

Regardez la danse, de Philippe Verrièle, nouvelles éditions Scala, 2019, 80 pages, 8 € chaque volume • Plus d’infos ici

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