« Summerspace », « Exchange » et « Scenario », de Merce Cunningham, Théâtre du Châtelet à Paris

« Summerspace, Exchange, Scenario » de Merce Cunningham © Michel Cavalca

Cinquante ans de création

Par Maxime Grandgeorge
Les Trois Coups 
 
Le Ballet de l’Opéra de Lyon rend un bel hommage à Merce Cunningham au Théâtre du Châtelet. Cinquante ans de créations résumés à travers trois œuvres emblématiques du maître de la danse post-moderne.

Le centenaire Merce Cunningham se poursuit à Paris dans le cadre du Festival d’Automne. Le Ballet de l’Opéra de Paris, l’Opera Ballet Vlaanderen et le Royal Ballet avaient associé leurs forces au Théâtre de Chaillot en octobre dernier pour rendre hommage au célèbre chorégraphe. C’est au tour du Ballet de l’Opéra de Lyon, sur la scène du Théâtre du Châtelet, de saluer la mémoire de celui qui introduisit le hasard dans la danse et s’affranchit de la narration.

« Summerspace, Exchange, Scenario » de Merce Cunningham © Michel Cavalca
« Summerspace, Exchange, Scenario » de Merce Cunningham © Michel Cavalca

La soirée débute avec l’élégant Summerspace, l’une des premières créations de Merce Cunningham en 1958, pièce pour six danseurs. Une œuvre à la fois physique et intellectuelle, où tout part de la colonne vertébrale, et qui laisse une place prépondérante au hasard. La scénographie, constituée d’une grande toile parsemée d’une multitude de pointillés colorés, est signée du plasticien Robert Rauschenberg. Vêtus d’académiques colorés reprenant les mêmes motifs plastiques, les danseurs évoluent sur Ixion, partition dissonante pour piano de Morton Feldman. Quelque chose d’animal se dégage de la chorégraphie, pourtant plutôt élégante. Les danseurs se muent en léopards multicolores effectuant des sauts de biche, sans repères, au milieu d’une savane stylisée mais chaotique.

« Summerspace, Exchange, Scenario » de Merce Cunningham © Michel Cavalca
« Summerspace, Exchange, Scenario » de Merce Cunningham © Michel Cavalca

La soirée se poursuit avec Exchange, pièce exigeante pour quinze danseurs créée vingt ans après Summerspace, en 1978. L’œuvre consiste en une phrase chorégraphique exécutée successivement par différents groupes de danseurs. La scénographie sobre, a été réalisée d’après les dessins originaux de Jasper Johns. Les danseurs semblent s’adonner à un mystérieux rituel, évoluant sur la musique bruitiste de David Tudor, torrent de bruits organiques et électroniques. La pièce se termine tout en délicatesse, avec ce qui ressemble à une séance de groupe de yoga… ponctuée par des sons qui rappellent les sabres laser de Star Wars !

« Summerspace, Exchange, Scenario » de Merce Cunningham © Michel Cavalca
« Summerspace, Exchange, Scenario » de Merce Cunningham © Michel Cavalca

Un freak show étonnant

La soirée s’achève avec le surprenant Scenario, l’une des dernières pièces du chorégraphe, créée en 1997 avec 15 danseurs. Comme les deux œuvres précédentes, Scenario surprend par le décalage total entre la musique de Takehisa Kosugi – mélange de méditation orientale, de délire bruitiste et d’expérimentations avec violons stridents –, et les costumes à rayures et à carreaux de Vichy, la chorégraphie de Merce Cunningham.

« Summerspace, Exchange, Scenario » de Merce Cunningham © Michel Cavalca
« Summerspace, Exchange, Scenario » de Merce Cunningham © Michel Cavalca

Née d’une collaboration avec le designer Rei Kawakubo, Scenario propose une réflexion sur la distorsion physique. Les corps des danseurs sont complètement déformés, tout boursouflés au niveau du dos, du ventre ou des fesses. Ces corps difformes, quelque part entre Quasimodo et les personnages déstructurés de Picasso, évoluent sur une scène entièrement blanche, baignés par une lumière artificielle et agressive. Un véritable freak show chorégraphique dans lequel les danseurs, tels des électrons libres enfermés dans une boîte, s’adonnent à une farandole frénétique.

À travers ce programme exigeant et technique qui témoigne de la modernité intacte de l’œuvre de Merce Cunningham, les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon mettent en exergue tout leur talent. Une troupe prestigieuse au service d’une œuvre étonnante. 

Maxime Grandgeorge


Summerspace, Exchange, Scenario de Merce Cunningham

Musique : Morton Feldman, David Tudor, Takehisa Kosugi

Scénographie : Robert Rauschenberg, Jasper Johns, Rei Kawakubo

Avec les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon

Coproduction : Théâtre de la Ville de Paris

Photo : © Michel Cavalca

Théâtre du  Châtelet • 2 rue Edouard Colonne • 75001 Paris

Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris

Du 14 au 20 novembre octobre 2019

Durée : 2h30 avec entracte

De 5 € à 45 €

Ligne d’assistance réservations : 01 40 28 28 40


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