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« Peer Gynt », d’après Henrik Ibsen, Les Bouffes du Nord, à Paris

Peer-Gynt-Henrik-Ibsen- Irina-Brook

Ballade rock au pays des trolls

Par Bénédicte Fantin
Les Trois Coups

Irina Brook adapte « Peer Gynt », la pièce fleuve d’Ibsen, œuvre inclassable à mi-chemin entre le récit d’initiation et le conte philosophico-fantastique. Il en résulte un spectacle foisonnant d’énergie et de poésie, fruit de la rencontre improbable entre l’univers du folklore scandinave et de l’underground new-yorkais.

Difficile de ne pas partager les questionnements de ce formidable anti-héros qu’est Peer Gynt. Forcé de quitter son village natal pour avoir dévoyé une jeune mariée, la fuite de Peer se transforme en quête identitaire. Ses rêves de gloire et d’amour se concrétisent et s’effondrent tour à tour. Depuis les forêts scandinaves jusqu’aux confins du royaume des trolls, le personnage éponyme semble de plus en plus fragilisé par les questions existentielles qui l’assaillent au fil de ses mésaventures : Qui suis-je ? Qu’est-ce que le vrai moi ?

Loin de l’aridité de l’essai philosophique, la pièce est surtout un condensé de personnages délirants qui donnent lieu à des dialogues savoureux. La dimension humoristique et épique du texte est préservée par Irina Brook qui fait de Peer un jeune chanteur partant sur la route pour devenir une rockstar.

Ingvar Sigurdsson a toute la prestance nécessaire pour incarner ce pilier de la culture norvégienne. Sans âge, l’acteur islandais interprète Peer à différentes étapes de sa vie et rend ce personnage insolent et irresponsable très attachant. Même parvenu au sommet de la gloire, la rockstar « PG » nous apparaît toujours comme ce grand dadais qui tentait de faire rire sa mère (interprétée par l’impressionnante Mireille Maalouf), dans la cuisine.

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« Peer Gynt », d’après Henrik Ibsen © Gaelle Simon

L’autre femme de la vie de Peer, c’est Solveig, un amour éternel qui lui a juré de l’attendre. La danseuse Shantala Shivalingappa donne magnifiquement corps à cet idéal féminin. Elle incarne son pendant cauchemardesque avec le personnage de la princesse troll. La distribution multiculturelle et pluridisciplinaire participe indéniablement de la richesse esthétique de ce spectacle.

De la musique avant toute chose

Nourrie par l’imaginaire rock, Irina Brook place la musique au cœur de la dramaturgie de la pièce. Un groupe de musiciens constitue la base de la narration et accompagne des poèmes de Sam Shepard écrits sur mesure. Différents épisodes de la saga gyntienne font ainsi l’objet d’adaptations musicales entraînantes. Une fois devenu une star incontournable, Peer donne un concert directement inspiré des performances d’Iggy Pop. Un hommage évident à l’artiste qui a écrit deux chansons spécialement pour cette adaptation. L’arrivée dans le royaume des trolls est également l’occasion d’un génial freak show barré et bariolé.

Le rythme n’est pas seulement assuré par le parti pris musical. L’engagement physique des comédiens, les entrées et sorties depuis la salle, l’échelle mobile ou encore les changements de décor contribuent au souffle de cette fresque épique. Toutefois, si la mise en scène fait la part belle au mouvement, les instants plus intimes que Peer partage avec sa mère ou Solveig offrent des moments d’accalmie tout en poésie. Ces répits donnent une belle profondeur au personnage de Peer, modèle irréconciliable de trivialité et d’idéalisme. 

Bénédicte Fantin


Peer Gynt, d’après Henrik Ibsen

Adaptation et mise en scène : Irina Brook

Poèmes : Sam Shepard

Chansons : Iggy Pop

Chorégraphie : Pascale Chevroton

Scénographie : Noëlle Ginefri

Costumes : Magali Castellan assistée d’Irène Bernaud

Masques : Cécile Kretschmar assistée de Sarah Dureuil

Lumière : Alexandre Toscani

Assistant à la mise en scène : Angelo Nonelli

Avec : Helene Arntzen, Frøydis Arntzen Dale, Diego Asensio, Jerry Di Giacomo, Maija Heiskanen, Scott Koehler, Mireille Maalouf, Roméo Monteiro, Damien Petit, Margherita Pupulin, Pascal Reva, Augustin Ruhabura, Gen Shimaoka, Shantala Shivalingappa, Ingvar Sigurdsson

Durée : 2 h 45 avec entracte

Pièce en anglais surtitrée

Photo © Gaelle Simon

Théâtre des Bouffes du Nord • 37 bis, boulevard de la Chapelle • 75010 Paris

Du 8 au 18 février 2018, du mardi au samedi à 20 heures, le dimanche à 16 heures, puis tournée

De 11 € à 32 €

Réservations : 01 46 07 34 50


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