« À bas bruit », de Mathurin Bolze, les Célestins à Lyon

À bas bruit © Christophe Raynaud de Lage

Des corps liquides

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Parce qu’il a été formé à l’école du cirque, parce qu’il travaille avec des circassiens, parce que le nom de sa compagnie, Les mains, les pieds et la tête aussi (M.P.T.A.), nous y invite quelque peu, parce qu’il est l’initiateur du festival Utopistes, dédié aux arts de la piste, on serait en droit de s’attendre à voir un spectacle de cirque. Beau, certes, intelligent, bien sûr, les critiques le disent… Et pourtant Mathurin Bolze à travers « À bas bruit » s’impose comme un artiste singulier qu’il serait fort imprudent de réduire à une forme, une esthétique, un genre.

Disons-le sans fard : À bas bruit est un merveilleux spectacle, à la fois sobre et exigeant, qui éblouit par la performance des artistes qu’il met en scène, qui émeut et étreint par ce dont il nous parle, par la façon dont il le fait, à bas bruit, sans avoir l’air d’y toucher.

Commençons par l’indispensable, la qualité technique du spectacle, parce que sans elle, l’essentiel, le vrai, ne nous parvient même pas. Aucun faux pas, aucune fausse note, aucune aspérité, tout glisse, s’enchaîne dans une grande harmonie. Les trois danseurs acrobates, Mitia Fedotchenko, Élise Legros et Cyrille Musy, sont manifestement au sommet de leur art et nous enchantent par des solos et des pas de deux d’une grande fluidité. Le tapis roulant utilisé comme accessoire de scène, comme la roue dans laquelle ils se lovent, s’entrecroisent, fusionnent, se désagrègent, se font oublier au profit du mouvement, lent ou rapide, créant de subtiles illusions d’optique…

Éloge de la lenteur

Le plateau est dans l’ombre, laissant toute la lumière aux corps, véritables rois de ce spectacle, souvent cantonnés à un minimum d’espace. Et pourtant, ces corps semblent incarner une grande liberté, même dans le déséquilibre qui provoque la chute, jusque dans le sentiment de pesanteur avec laquelle ils jouent pour la défier, la contrer. Car le décalage est un élément constant de cette chorégraphie, créant l’émotion : avec ses angles, ses tombées de corps, ses envolées, ses rencontres amoureuses où la violence n’est jamais loin, convoquant quelques souvenirs de Pina Bausch, ses histoires sans paroles à la Jean Gourmelin…

Et puis il y a ce qui est dit : que les corps sont les maîtres du temps, que la marche a un sens, comme une méditation sur l’endurance, la patience, le courage qui la composent et dont l’expression pourtant est ténue, discrète, sans pause.

On pourrait parler aussi de la vidéo dont l’emploi ne cède en rien à la mode, mais rend hommage à la nature, puis aux hommes, tous les hommes, dans leur incroyable diversité. De la musique qui sert le mouvement, soutient le regard… En bref, voici un spectacle de poète. Depuis quelque temps, cela manquait sur nos scènes. Mathurin Bolze nous en offre une belle incarnation, comme un sentiment d’harmonie. 

Trina Mounier


À bas bruit, de Mathurin Bolze

Conception : Mathurin Bolze

Assistant à la mise en scène : Marion Floras

Avec : Mitia Fedotenko, Élise Legros, Cyrille Musy

Scénographie : Goury

Construction décor : Philippe Cottais, Manuel Perradin

Créateur lumières : Jérémie Cusenier

Créateur son : Frédéric Malloreau

Créateur vidéo : Guillaume Marmin

Créateur costumes : Fabrice Illa Leroy

Photo : © Christophe Raynaud de Lage

Les Célestins • 4, rue Charles‑Dullin • 69002 Lyon

www.celestins-lyon.org

Réservations : 04 72 77 40 00

Du 9 au 27 octobre 2012 à 20 h 30

Relâche dimanche et lundi

Durée : 1 heure

Prix des places : de 11 € à 20 €

Tournée :

Festival Mettre en scène au Théâtre national de Bretagne du 13 novembre au 17 novembre 2012

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