Ouverture festive et populaire de la BIAC
Juliette Freitas
Les Trois Coups
Ce 10 janvier, la Biennale Internationale des Arts du Cirque, portée par Archaos PNC, a donné le coup d’envoi de sa 6e édition à la Friche La Belle de Mai, au cœur de Marseille, durant un week-end festif et familial. Une occasion unique de découvrir la riche variété du cirque contemporain. Un lancement à l’image de ce festival qui s’impose comme un rendez-vous incontournable des arts du cirque.
Grâce à son accès libre et sa localisation idéale, La Friche La Belle de Mai a rassemblé passionnés d’arts et simples curieux. Cette ancienne manufacture de tabac reconvertie en structure culturelle, depuis 1992, est le lieu parfait pour lancer le festival. Avec ses 45.000 m² ses cinq salles de spectacles, ses espaces d’exposition, ses jardins, ses aires de jeux et son restaurant, La Friche La Belle de Mai a de quoi plaire au plus grand nombre. L’aspect pluridisciplinaire et la volonté de partage reflètent bien l’esprit populaire du cirque : on s’y sent bien, on a envie d’y entrer et d’y rester.
Convivialité
On a donc pu en profiter pleinement tout au long de ces deux jours. Et il fallait bien ça, car la BIAC avait concocté un programme ambitieux : cinq propositions le samedi et le dimanche après-midi. Impossible de tout voir, comme Feu de Fanny Alvarez, qui promettait une sacrée montée d’adrénaline. On l’a interprété comme une invitation implicite à revenir, surtout qu’on pouvait prolonger l’expérience en flânant, aux Grandes Tables ou dans La Salle des Machines, où les conversations allaient bon train. Une belle façon d’entamer un festival qui s’annonce revigorant.
Depuis sa création en 2015, la BIAC s’est effectivement imposée comme un événement majeur du cirque contemporain. Cette année, la programmation comprend 66 spectacles (230 représentations). 55 partenaires culturels se rassemblent pour offrir cette manifestation d’envergure qui touche des milliers de spectateurs (107.000 en 2023), dont plusieurs centaines de professionnels internationaux, ce qui contribue au rayonnement des arts du cirque sur la scène mondiale.
Malgré le mistral, les spectacles en plein air de ce week-end inaugural ont attiré la foule, sans doute grâce à la diversité des disciplines et des sujets abordés. Comment ne pas être intrigué par une batterie suspendue en hauteur ou une contorsion dans une boîte de verre ?! Courtes et percutantes, ces petites formes de 25 à 45 minutes ont su captiver l’attention.
Prouesses
Cette curiosité était renforcée par des mises en scène participatives et ludiques : LOOking fOr (cie Allégorie) a suscité les réactions du public, avec une exploration inventive du rapport entre le corps et les objets, puisqu’il s’agissait de trouver sa place, ici ou ailleurs. Un hymne à la vie et à la liberté qui a amusé petits et grands.
« Soka Tira Osoa », cie Basanga © Kalimba ; « Rouge Merveille », cie Rhizome Chloé Moglia © Christophe Acker ; « LOOking fOr », cie Allégorie © Christine Le Gallic
Soka Tira Osoa (cie Basanga) a célébré la force du collectif. Dans une ambiance post-apocalyptique, mêlant musique jazz, rock et métal, les spectateurs du premier rang étaient amenés à monter le dispositif sur lequel a évolué la funambule. La tension était carrément palpable, jusqu’à ce que, à 4,50 m de hauteur, Tatiana-Mosio danse avec une incroyable aisance. Lors de notre rencontre, elle nous a confié vouloir « transformer le fil en un nouveau sol ». Pari réussi, la grâce en plus.
Rouge Merveille (cie Rhizome Chloé Moglia) nous a également impressionnés : suspendue dans les airs à 4 mètres de hauteur, heureusement sous un soleil radieux, Mélusine a, entre autres, mangé, lu, dansé, dormi, et cela si naturellement. Elle a affronté la gravité de façon stupéfiante, sans qu’aucun muscle ne tremble d’un chouïa. Là aussi, quel travail, derrière l’apparente facilité ! Grâce à ces artistes exceptionnelles, tout (ou presque) semble désormais possible.
Ouvertures
Performance, ingéniosité, beauté du geste ont donc été au rendez-vous. Toutefois, les spectacles de la BIAC offrent une palette d’émotions variées, comme les thématiques abordées (philosophiques, sociales, etc.) et les visées (divertissement, réflexion, contemplation, etc.). Raquel Rache de Andrade, Guy et Simon Carrara, l’équipe de direction, n’imposent pas de points de vue. Ils privilégient l’ouverture.
En attendant, Passages (cie AR) traite de l’enfermement : prisonnière, une jeune femme tentant de s’échapper d’une cage de verre. On ne remet pas en cause la virtuosité de la contorsionniste, bien sûr. Alice Rende, l’une des trois artistes brésiliennes que la BIAC a choisi d’accueillir cette année, défie les lois de l’anatomie et expose la plasticité de son corps avec audace. Reste que ce spectacle nous a littéralement oppressés. Quelle angoisse ! Il nous amène vraiment à réfléchir sur nos propres limites.
Enfin, on a été surprise par Yongoyély (signifie les exciseuses en langue soussou) de Circus Baobab, qu’on imaginait saignant ou glaçant. Ne s’agit-il pas d’une troupe de cirque social guinéen ? Le public a beaucoup ri et s’est laissé emporter par les prouesses des acrobates : danses très rythmées, portés et figures spectaculaires, musique tonitruante… De quoi laisser perplexe, compte tenu de la gravité d’un tel sujet.
En avant toute(s) !
Indéniablement, ce week-end a marqué les esprits et créé une dynamique positive. Cette ouverture fondée sur la gratuité, des propositions fédératrices et l’aspect collaboratif favorise l’inclusion, élément clé pour séduire un public peu enclin à fréquenter les établissements culturels. Elle donne aussi une formidable impulsion.
Cette nouvelle édition de la BIAC est prolifique. Jusqu’au 9 février, la programmation à Marseille, notamment au Village Chapiteau situé sur le Prado, et dans toute la Région Sud, est très dense. On aurait au moins souhaité voir les quatre pièces du répertoire de Raphaëlle Boitel, fondatrice de la cie L’Oublié(e) et circassienne à l’honneur cette année, ou encore la cie Lunatic, qui crée des spectacles sensibles et singuliers où acrobatie aérienne, scénographie et musique vivante sont intimement liées, dont ceux programmés : Dans les grandes lignes ; Entre les lignes ; Ariane(s). Au passage, on salue le respect de la parité.
Sur place uniquement un week-end, on a donc complété cette immersion en terres de cirque par En Piste ! Clowns, pitres et saltimbanques, que le Mucem propose (jusqu’au 12 mai), en parallèle de la BIAC. À travers une scénographie riche, l’exposition retrace l’évolution du cirque, de ses origines à nos jours, en mettant en lumière ses artistes emblématiques et ses influences culturelles. Même si la vision du cirque de Macha Makeïeff est circonscrite et non dénuée de nostalgie, elle n’en demeure pas moins propice à l’émerveillement avec ses histoires et ses paillettes. On a été subjuguée.
Juliette Freitas
LOOking fOr, cie Allégorie
Site de la compagnie
Écriture et conception : Katell Le Brenn, David Coll Povedano
Avec : Katell Le Brenn, David Coll Povedano, Chloé Cailleton
Durée : 50 minutes
Dès 5 ans
Friche La Belle de Mai • Les 11 et 12 janvier 2025
Tournée ici
Soka Tira Osoa, cie Basinga
Site de la compagnie
Direction artistique et interprétation : Tatiana-Mosio Bongonga
Friche La Belle de Mai • Les 11 et 12 janvier 2025
Tournée ici
Rouge Merveille, cie Rhizome
Site de la compagnie
Direction artistique : Chloé Moglia
Avec : Mélusine Lavinet-Drouet
Collaboration artistique : Mélusine Lavinet-Drouet, Marie Fonte, Mélanie Jouen
Durée : 25 minutes
Tout public
Friche La Belle de Mai • Les 11 et 12 janvier 2025
Tournée ici
Passages, cie AR
Site de la cie
Avec : Alice Rende
Création sonore : Chloé Levoy
Création musicale : Gaspar Claus
Friche La Belle de Mai • Les 11 et 12 janvier 2025
Tournée ici
Yongoyély, Circus Baobab
Temal Productions
Avec : Kadiatou Camara, Mamadama Camara, Yarie Camara, Sira Conde, Marama Ciré Soumah, M’mah Soumah, Djibril Coumbassa, Amara Tambassa, Mohamed Touré
Direction artistique : Kerfalla Camara
Mise en cirque et scénographie : Yann Ecauvre
Friche La Belle de Mai• Les 10 et 11 janvier 2025
Tournée ici
Dont, du 12 février au 2 mars, La Scala, à Paris
Dans le cadre de la BIAC
6e édition, du 9 janvier au 9 février 2025, en Région Sud-Provence Alpes Côte d’Azur
Site Internet
Archaos PNC • 22, bd de la Méditerranée • 13015 Marseille • Tel. : 04 91 55 62 41 • Mail
Toute la programmation
Pass journée de 35 € à 55 €
Réservations en ligne
Ouverture du Village Chapiteaux 1 heure avant les spectacles
Plus d’infos sur la Friche La Belle de Mai
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ BIAC 2025, annonce, par Léna Martinelli
Photos : BIAC 2019 à La Friche La Belle de Mai © C. Dutrey