Un divertissement
qui a du potentiel
Par Isabelle Jouve
Les Trois Coups
Pour cette unique représentation dans ce charmant petit Théâtre de l’Île-Saint-Louis, Denis d’Arcangelo et Clémentine, auteurs, metteurs en scène et acteurs, ont proposé un spectacle sympathique. Reste toutefois à le peaufiner pour en extraire toute sa saveur.
Denis d’Arcangelo a fait ses premiers pas sur les planches en 1986 avec Virginie Lemoine. Trois ans plus tard, suite à une rencontre avec Arletty, il crée le personnage de Madame Raymonde, inspiré du rôle de l’actrice dans Hôtel du Nord. Au cours des ans, cette femme ronde vêtue d’une robe trop ajustée, débordante de gouaille et de tendresse, va trouver un vaste public. Plusieurs sagas verront le jour, dont Madame Raymonde en 2006, Madame Raymonde exagère en 2009, Madame Raymonde : mes plus grands succès en 2011 et Lady Raymonde en 2014 (mise en scène par Juliette).
De son côté, Clémentine se produit depuis quelques années dans des récitals de chansons françaises. En 2011, au Off d’Avignon, elle présente Clémentine tient salon, sa conférence chantée de savoir-vivre et de bonnes manières. Dans cet album sur mesure, on y reconnaît la plume d’Anne Sylvestre, de Claude Lemesle, de François Morel, etc.
Clémentine et Raymonde au jardin des bonnes manières figure deux femmes que tout semble opposer : Raymonde, la concierge pleine de verve, et Clémentine, la bourgeoise un peu décalée. Elles se retrouvent autour d’une tasse de thé pour échanger sur les règles à adopter en société. Par exemple, a-t-on le droit de roter ? De péter ? Peut-on manger les asperges avec les doigts ? Et qu’en est-il des huitres ?
La conversation est entrecoupée de chansons drôles, grinçantes ou émouvantes, tirées du répertoire français d’hier et d’aujourd’hui. Au piano, le talentueux Roger Pouly, ancien accompagnateur de grands artistes tels que Bobby Lapointe, Maurice Fanon, Cora Vaucaire ou Charles Trenet.
Cette fantaisie musicale est distrayante même si elle n’est pas encore aboutie. Elle a besoin d’ajustements pour exploser en feu d’artifice. Je dirais que le propos sur le savoir-vivre doit être mieux développé afin de sortir des sentiers battus et ne pas uniquement servir de transition aux chansons. À ce stade, la mise en scène pèche par une absence de liaisons, et les enchaînements sont imprécis. Quand l’un des comédiens chante, l’autre tente de se faire oublier, assis sur une chaise. Il se fige et n’apporte plus rien à l’histoire. Ce parti pris ne marche pas. Il me semble qu’au contraire, il devrait appuyer la prestation de son partenaire. Peut-être par le biais du pianiste pour que ce dernier soit vraiment intégré à la pièce et ne fasse pas seulement fonction d’accompagnateur musical.
Le public ne s’y trompe pas
De son côté, pour asseoir son personnage, Clémentine devrait pousser son rôle d’aristocrate didactique au maximum. Sans pour autant en faire des tonnes. Sa belle voix trop douce y est pour beaucoup. Quand elle parle, on doit prêter l’oreille, car on a du mal à l’entendre. En revanche, quand elle chante, elle joue avec toute une palette d’émotions, et le public ne s’y trompe pas.
Mention spéciale à Denis d’Arcangelo qui a une véritable présence sur scène. Même ses trous de mémoire sont amusants. Et ce n’est pas donné à tout le monde. Il tient le public de bout en bout, car il connaît parfaitement sa Raymonde. Il en maîtrise à tel point tous les contours et les recoins qu’il a échappé à la caricature.
Denis d’Arcangelo et Clémentine souhaitent poursuivre ultérieurement l’aventure de ce spectacle. Espérons qu’ils parviennent à le rendre indiscutablement savoureux. ¶
Isabelle Jouve
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Clémentine et Raymonde au jardin des bonnes manières, de Clémentine et Denis d’Arcangelo
Mise en scène : Clémentine et Denis d’Arcangelo
Avec : Clémentine, Denis d’Arcangelo
Accompagnement musical : Roger Pouly
Photo : © Alberto Martinez
Théâtre de l’Île-Saint-Louis • 39, quai d’Anjou • 75004 Paris
Réservations : 01 46 33 48 65
Site du théâtre : http://www.theatre-ilesaintlouis.com/
Métro : ligne 7, arrêt Pont-Marie
Représentation unique le 30 juin 2015 à 21 heures
Durée : 1 h 20
10 € | 15 €