Une dynamo
qui manque de jus
Par Maud Sérusclat-Natale
Les Trois Coups
Cette année, c’est dans le cadre du Festival que le comédien et metteur en scène argentin Claudio Tolachir vient nous présenter sa dernière cocréation, « Dínamo », au gymnase du lycée Mistral. Malgré la présence de trois très bonnes actrices, l’histoire tourne en rond et la pièce peine à émouvoir.
Pourtant, tout avait très bien commencé. Sur le plateau trône une assez grosse caravane colorée qui servira d’espace de jeu pour les trois personnages que compte cette histoire. Avant même que ceux-ci ne soient entrés, on en attend d’avance beaucoup, car cette grosse et très belle boîte à jouer semble très prometteuse. On aperçoit des ouvertures, des cachettes, des portes, des rideaux, et nous avons le temps d’imaginer les situations les plus cocasses. Les murs sont peints à la manière des appartements kitsch qui sont mis en scène chez Almodóvar, les éclairages sont nuancés, un guitariste s’est installé… On est déjà dans l’ambiance et tout prêt à se laisser convaincre quand arrive le premier personnage.
Il s’agit de Marisa, une femme brisée par la mort sans doute accidentelle de ses deux parents lorsqu’elle était petite et dont elle se sent coupable depuis des années. Ayant fait un détour, assez long, par l’hôpital psychiatrique, elle est autorisée à le quitter, et sa famille l’envoie rejoindre sa tante Ada pour démarrer sa nouvelle vie. Cette dernière, ancienne chanteuse à succès au look de rockeuse fatiguée, est la propriétaire de la jolie roulotte. Elle est presque mutique, très peu aimable et paraît attendre que réapparaisse une dénommée Muriel, avec laquelle on saisit qu’elle a jadis partagé de grandes choses. On se rend très vite compte que son mobil-home ne bougera plus et qu’il est aussi en panne qu’elle-même. La cohabitation avec la nièce névrosée va être compliquée mais certainement comique. C’est sans compter sur la présence d’un troisième personnage qui sortira du placard (littéralement) : Harima, une jeune femme immigrée et clandestine, dont on ne comprendra pas la langue, mais dont on devine des origines slaves. Elle a atterri dans les parages après avoir abandonné sa famille et ses racines pour espérer mieux vivre. Ailleurs. Là ? C’est toute la question.
Quoi de plus fertile que cette improbable cohabitation ?
Certes, cette pièce s’intéresse à un sujet potentiellement riche : la solitude de trois femmes et leur enfermement dans la culpabilité ou le passé. La seule qui est véritablement libre est celle dont on ne comprend pas la langue. Elle a pourtant bien des raisons de souffrir, mais elle est ancrée dans la vie, dans le présent, dans l’énergie. C’est bien entendu sur leur rencontre que reposent selon moi tous les enjeux de cette œuvre. Quoi de plus fertile que cette improbable cohabitation ? Or, je l’ai attendue près d’une heure. Elle n’a lieu qu’à la toute fin de la pièce et nous laisse sur notre faim. Tout le propos se confinerait donc à une description de leur condition, triste à pleurer ? Quelle déception !
Par ailleurs, l’idée des trois metteurs en scène était de nous faire partager ces destins avec le moins de texte possible. Ainsi, toute la tâche se concentre sur l’interprétation des actrices et sur les sentiments qu’elles doivent nous communiquer. Or, même si les comédiennes sont d’un très bon niveau et au jeu franc et proche du public, même si on sent leur grand investissement, les émotions ne nous envahissent que trop peu, ou que très furtivement. Daniela Pal, qui compose Marisa, est très drôle, et on devine le travail de plateau, d’improvisation et de coconstruction qui a été mené. Mais il ne suffit pas de beaucoup travailler pour réussir un spectacle. Il faut, je crois, avoir quelque chose à dire, et il me semble que les enjeux de Dínamo ne sont pas encore assez clairs. Tout est réuni pour qu’il se passe quelque chose, mais l’étincelle ne vient pas. L’ensemble manque de cohérence, de rythme, de surprise, en un mot : d’intensité. ¶
Maud Sérusclat-Natale
Dínamo, de Claudio Tolcachir, Melisa Hermida et Laurato Perotti
Mise en scène : Claudio Tolcachir, Melisa Hermida et Laurato Perotti
Assistanat à la mise en scène : Maria García de Oteyza
Avec : Marta Lubos, Daniela Pal et Paula Ransenberg, et le musicien Joaquin Segade
Scénographie : Gonzalo Cordoba Estévez
Musique : Joaquin Segade
Lumières : Ricardo Sica
Photos du spectacle : © Sebastián Arpesella
Photo de Claudio Tolcachir : © Gustavo Pascanner
Gymnase du lycée Mistral à Avignon
Les 16, 17, 18, 19, 21, 22 et 23 juillet 2015 à 15 heures
Durée : 1 h 10
10 € | 28 €