« End/igné », de Mustapha Benfodil, Théâtre de Belleville à Paris

« End/igné » mise en scène par Kheireddine Lardjam © DR

Le meilleur pour le feu

Par Laura Plas
Les Trois Coups

Avec « End/igné » de Mustapha Benfodil, Kheireddine Lardjam évoque l’Algérie actuelle en optant pour la poésie et la distanciation. Résultat mitigé, tant au point de vue de l’interprétation que de l’écriture : le meilleur est bien pour la fin (pour le feu).

En décembre 2010, Mohamed Bouazizi s’immolait par le feu. Depuis, les cas se sont multipliés dans le monde. Le metteur en scène Kheireddine Lardjam a passé une commande au journaliste et auteur algérien Mustafa Benfodil sur ce sujet. Pour ne pas s’engluer dans l’actualité, ce dernier a opté pour la fiction, voire le fantastique. Plutôt que de généraliser, il a, par ailleurs, focalisé son œuvre sur une ville et sur deux de ses habitants : Moussa et Aziz. Pourquoi pas ?

Le problème est que la mise en scène et la direction d’acteur, épousant les mêmes principes, paraissent au début redondantes. Dans toute une première partie du spectacle, Azzedine Benarama campe Moussa comme un personnage de roman : délirant et excessif. Le choix de le faire changer de voix quand il évoque son ami Aziz ne fonctionne pas. Et quand l’émotion pourrait surgir, elle est anéantie par des arrêts sur images. La distanciation est en définitive trop forte. Et l’on peut se demander si le rejet du réalisme implique celui de la vraisemblance.

Le deuil sied à Azzedine Benarama

Heureusement, comme pour compenser les outrances, le spectacle est mis en beauté par une scénographie relativement dépouillée, et surtout par le fin travail sur la lumière de Manu Cottin. Non seulement ce dernier varie les propositions (éclairages venant de projecteurs, ou internes au plateau), mais il instaure des ambiances et magnifie le jeu de l’acteur dans la seconde partie du spectacle. De même, la création son de Pascal Brenot vient souligner la poésie de ce moment.

Car il y a bien une rupture dès lors que Moussa reçoit le corps calciné d’Aziz : la satire laisse alors place à la tragédie. Le verbe se libère et devient poème. Ajoutons qu’Azzedine Benarama trouve le ton des héros sacrifiés. Comme offert en pâture aux feux de la rampe et de la vie, il s’impose alors par sa présence. Dommage qu’un ultime retournement ne nous laisse pas sur ce coup de force et nous renvoie aux ficelles d’un fantastique moins flamboyant. ¶ 

Laura Plas


End/igné, de Mustapha Benfodil

Adaptation et mise en scène : Kheireddine Lardjam

Avec : Azzedine Benamara

Durée : 1 h 10

À partir de 15 ans

Présentation par le metteur en scène

Théâtre de Belleville • 94, rue du Faubourg du Temple • 75011 Paris

Du 7 octobre 2018 au 27 novembre 2018, le lundi et le mardi à 19 h 15, le dimanche à 15 heures

De 11 € à 26 €

Réservations : 01 48 06 72 34

Site du théâtre


À découvrir sur Les Trois Coups :

☛ Le Retour au désert, de Bernard-Marie Koltès, par Trina Mounier

☛ Le Poète comme boxeur, de Kateb Yacine,par Fabrice Chêne

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