Broadway comme si vous y étiez
Par Maxime Grandgeorge
Les Trois Coups
Un classique de la comédie musicale américaine débarque à Paris, 70 ans après sa création : « Guys and Dolls ». Le feu d’artifices visuel et sonore orchestré par Stephen Mear au Théâtre Marigny n’a rien à envier aux superproductions de Broadway. Irrésistible !
Œuvre quasi inconnue en France, Guys and Dolls est considérée à juste titre comme un chef-d’œuvre aux États-Unis. Crée en 1950 par l’auteur et compositeur Frank Loesser, cette comédie musicale s’est rapidement imposée comme une œuvre majeure du répertoire de Broadway. Le réalisateur Joseph L. Mankiewicz l’a portée au cinéma en 1955 (Blanches colombes et vilains messieurs) avec Frank Sinatra et Marlon Brando dans les rôles masculins principaux. Le film fut l’un des grands succès de 1955. Donné à de multiples reprises sur les scènes de New York et Londres depuis 70 ans, Guys and Dolls est présenté pour la première fois à Paris au Théâtre Marigny, dans une très belle version de Stephen Mear.
Guys and Dolls se déroule dans le New York des années 1930, où vivent deux communautés que tout oppose : des truands qui passent leur temps à parier en essayant d’éviter la police, et des missionnaires qui tentent de remettre les nombreux pêcheurs de la ville dans le droit chemin. Nathan Detroit, un patron de tripot qui a besoin d’argent, propose à Sky Masterson, joueur incurable, un pari qu’il est sûr de gagner : inviter Sarah Brown, jeune et jolie musicienne de l’orchestre de la mission, à dîner. Mais pas n’importe où : à La Havane ! La rencontre de ces deux univers a priori incompatibles s’annonce explosive. Mais les apparences sont trompeuses : les truands ne sont peut-être pas si méchants et les demoiselles pas si innocentes…
Feu d’artifices
Cette première production française de Girls and Dolls ne bénéficie peut-être pas du même budget que ses rivales anglo-saxonnes, mais elle est largement au niveau des productions de Broadway. La mise en scène de Stephen Mear, chorégraphe et metteur en scène britannique récompensé en 2005 pour son travail sur la version londonienne de Mary Poppins, est un feu d’artifices auquel il est difficile de rester insensible.
Les tableaux étourdissants s’enchaînent sans pause et nous transportent des rues animées de Broadway à un bar bouillonnant de La Havane, en passant par les locaux tranquilles de la mission « Save a soul » et le séduisant cabaret Hot Box. Parfaitement exécutées, les chorégraphies nous font vibrer, au son du jazz, du music-hall et de la salsa. Les décors et les costumes conçus par Peter McKintosh, à qui l’on devait déjà la belle scénographie de 42nd Street (monté au Théâtre du Châtelet en 2016), sont élégants et colorés. La scène est envahie par des cadres lumineux qui rappellent à la fois les néons de Broadway et les miroirs lumineux des loges de théâtre. Quelques éléments de décor coulissants viennent compléter ce décor sobre et stylisé.
Les chanteurs-comédiens de cette nouvelle version ne pâlissent aucunement de la comparaison avec les prestigieux artistes qui sont passés avant eux : Frank Sinatra, Marlon Brando, Jean Simmons et Vivian Blaine dans le film de 1955. Aussi à l’aise en chant qu’en comédie, chacun tient son rôle avec brio. Clare Halse (Sarah Brown) est charmante en jeune missionnaire et Matthew Goodgame (Sky Masterson) séduisant en parieur invétéré. Ria Jones (Miss Adelaide), hilarante en demoiselle vieillissante et collante, et Christopher Howell (Nathan Detroit), menteur effronté, forment un couple particulièrement cocasse. Joel Montague est, quant à lui, impeccable en Nicely-Nicely Johnson.
On sort du théâtre la tête remplie d’airs délicieux – Sit Down You’re Rockin’ The Boat, Luck Be a Lady Tonight, Guys and Dolls… – et avec la furieuse envie de chanter à tue-tête tout en invitant les passants à danser bras dessus, bras dessous. Preuve que ces gars et ces poupées sont décidément irrésistibles. ¶
Maxime Grandgeorge
Guys and Dolls, de Frank Loesser
Spectacle en anglais surtitré en français
Musique et paroles : Frank Loesser
Livret : Jo Swerling et Abe Burrow
D’après les nouvelles The Idyll of Miss Sarah Brown et Blood Pressure de Damon Runyon
Mise en scène : Stephen Mear
Avec : Ria Jones, Clare Halse, Matthew Goodgame, Christopher Howell, Barry James, Rachel Izen, Joel Montague, Matthew Whennell-Clark, Jack North, Brendan Cull, Ross McLaren, Gavin Wilkinson, Ian Gareth Jones, Thomas-Lee Kidd, Jo Morris, Alexandra Waite-Roberts, Emily Goodenough, Delycia Belgrave, Bobbie Little, Joanna Goodwin, Robbie Mc Millan, Adam Denma, Louis Mackrodt
Décors et costumes : Peter McKintosh
Lumières : Tim Mitchell
Direction musicale : James McKeon
Chef d’orchestre assistant : Bastien Stil
Musiciens : Orchestre et Chœur du Théâtre Marigny
Théâtre Marigny • Carré Marigny • 75008 Paris
Du 13 mars 2019 au 27 juillet 2019
En soirée à 20 heures et en matinée à 15 heures le samedi et 16 heures le dimanche
Durée : 2h45 avec un entracte
De 36 € à 99 €
Réservations : 01 76 49 47 12 / billetterie@theatremarigny.fr