Quand le mythe
rejoint la réalité
Par Élise Ternat
Les Trois Coups
Convoquer le mythe pour comprendre la réalité, tel est le mode opératoire choisi par le chorégraphe Fabrice Lambert pour sa dernière création, « Jamais assez ». Ici, ce ne sont pas moins de dix danseurs venus sur scène comme autant de Prométhée sonder de leur danse les brèches d’une impensable réalité.
Le plateau est plongé dans la pénombre lorsque débutent les premiers moments de la pièce avec l’identification au sol d’une étrange masse qui s’avance en rampant, lentement, menaçante épaisseur sombre se détachant du fond de la scène. S’en extraient peu à peu des morceaux, inquiétantes silhouettes prenant leur autonomie et laissant finalement apparaître des corps.
C’est en découvrant le film de Mikaël Madsen, Into the Eternity, documentaire traitant du projet Onkalo en Finlande, gigantesque chantier d’enfouissement de déchets nucléaires, que Fabrice Lambert a puisé la matière à sa dernière création. Cent mille ans, tel est le temps nécessaire à la disparition de la radioactivité, temporalité quasiment mythologique, promettant à l’homme le supplice d’une éternité en échange d’une énergie conquise dans la fugacité d’un instant donné.
Une danse du feu
Sur scène, c’est toute une mythologie du feu qui se dessine à travers l’interprétation d’une danse très physique, néanmoins marquée de contrastes, alternant lenteur et rapidité des gestes, solos et mouvements simultanés. Aux passages au sol succèdent des sauts, des déploiements ou des portés donnant à ces chorégraphies expressives et solaires des accents de traditions ancestrales ou de rituels ésotériques.
Tout au long de la pièce, la musique joue un rôle prépondérant en ce que sa texture habille d’une dimension supplémentaire le propos initié par la danse. Ici des bruits de cordes, d’oiseaux, se relayent avec des plages de musique concrète créant des moments de tension, voire des murs sonores ou au contraire des temps d’apaisement.
À l’instar de l’ambiance acoustique, les éclairages sont autant de moyens de renforcer l’intention en construisant à eux seuls des jeux d’ombres ou des climats d’obscurité. Dessinant une palette allant de tonalités chaleureuses et orangées à des gris froids ou autres blancs maculés, le travail sur la lumière compose ici la matière d’une scénographie à la fois efficace et épurée.
Tout en cohérence, Jamais assez est une œuvre où chaque élément fait sens, offrant à un drame contemporain la beauté d’un salut chorégraphique renouant par là même avec l’espoir d’un présent à saisir, comme un bien commun aussi fragile que précieux. ¶
Élise Ternat
Jamais assez, de Fabrice Lambert
Chorégraphie : Fabrice Lambert
Assistanat à la chorégraphie : Hanna Hedman
Avec : Aina Alegre, Jérôme Andrieu, Mathieu Burner, Vincent Delétang, Lorenzo De Angelis, Corinne Garcia, Julie Guibert, Hanna Hedman, Yannick Hugron, Jung-ae Kim
Lumière : Philippe Gladieux
Son : Marek Havlicek
Scénographie et costumes : Thierry Grapotte
Régie générale : Bruno Moinard, Christian Le Moulinier
Photo du spectacle : © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon
Photo de Fabrice Lambert : © Hanna Hedman
Direction de production : Olivier Stora
Diffusion internationale : Luc Paquier
Relations presse : Patricia Lopez
Production : L’expérience Harmaat
Coproduction : Festival d’Avignon, Le Manège de Reims, A.R.C.A.D.I., Centre national de la danse, C.D.C. Atelier de Paris-Carolyn Carlson, Pôle Sud C.D.C. et préfiguration Strasbourg
Gymnase du lycée Aubanel • 14, rue Palapharnerie • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 14 14 14
Du 13 au 17 juillet 2015 à 18 heures
Durée : 1 heure
28 € | 22 € | 14 €
Reprise du 18 janvier au 21 janvier 2017
Centre Pompidou à Paris
https://www.centrepompidou.fr/cpv/agenda/spectacles-concerts