Une intrigue discutable
Par Isabelle Jouve
Les Trois Coups
Bruno Moynot et Samir Bouadi se sont associés une nouvelle fois. Leur huis clos plutôt divertissant aurait pu être indiscutablement drôle et percutant avec un ressort plus crédible.
Bruno Moynot est l’actuel codirecteur (avec Christian Spillemaecker) du Théâtre de la Renaissance et du Théâtre du Splendid. C’est un retour aux sources pour lui qui a commencé sa carrière comme machiniste dans ce même Théâtre du Splendid. À l’époque, l’illustre bande des Bronzés est en train de se former. Bruno Moynot participera non seulement à l’écriture, mais apparaîtra aussi dans quelques-uns de leurs spectacles. C’est lui le célèbre Monsieur Preskovic, voisin généreux, mais excessivement encombrant du Père Noël est une ordure. C’est encore lui le fameux présentateur météo des Bronzés font du ski. Malgré d’autres interprétations, ces rôles restent les plus connus de l’acteur.
De son côté, Samir Bouadi a lui également plusieurs casquettes. Acteur, scénariste, metteur en scène et journaliste sportif spécialisé dans le football, il est coauteur de plusieurs ouvrages dont 26.5 auteurs qui n’existent pas, mais qu’il faut absolument avoir lus et le Polimentik, dico non officiel de la politique.
En 2012, Bruno Moynot et Samir Bouadi collaborent pour la première fois. Ils écrivent à quatre mains Jacques le Plusieurs, une comédie plurielle autour d’un personnage changeant constamment de costume chaque fois qu’il débarque au café du coin. Samir Bouadi en fera la mise en scène et Bruno Moynot tiendra le rôle principal au côté de Tom Novembre.
Le face-à-face va durer toute la nuit
Dans le C.V., ce n’est pas l’histoire d’un mec, mais de deux. Ils ne se connaissent pas. Ils vont se retrouver une nuit et de manière illégale dans les locaux d’une association d’aide aux jeunes chômeurs. Bernard Carrière a la soixantaine bien tassée, 30 000 euros en petites coupures dans son sac de voyage et un besoin pressant de renouveler son curriculum vitae. Son insistance agace considérablement Philippe Le Bon, la quarantaine, qui se fait passer pour le responsable de l’association. Ce dernier n’a aucune envie d’écouter voire d’assister cet hurluberlu un brin inquisiteur. Mais surtout, il n’a pas le temps. Et pour cause ! Il cache un secret qui pourrait lui coûter cher. Le face-à-face va durer toute la nuit.
L’histoire et l’enchaînement des différentes situations ne sont pas franchement plausibles. La confrontation entre les deux hommes est déroutante car improbable. Pourtant, le texte est souvent drôle et beaucoup de répliques font mouche. Les comédiens semblent à leur place. Bruno Moynot a ce ton typiquement preskovicien qu’on lui connaît. L’envolée lyrique de Samir Bouadi sur la baguette de pain est un régal. Il faut dire que cet acteur extrêmement doué a la chance de posséder une sublime voix grave et profonde qu’il utilise comme un instrument de musique dont il sait tirer le meilleur. Même un simple murmure résonne comme une belle mélodie. Il est dommage qu’on ne lui propose pas plus de rôle, au théâtre ou au cinéma, à la mesure de son talent.
Pour résumer, malgré de bonnes saillies, le manque de crédibilité de l’intrigue empêche les personnages de prendre une dimension authentique. Sans rien dévoiler, je dirai aussi que la chute est des plus invraisemblables et rocambolesques. Elle tombe comme un cheveu sur la soupe. Le C.V. qui se veut « une fable comique avec une morale » a un peu loupé son effet. Et c’est bien regrettable. ¶
Isabelle Jouve
le C.V., de Samir Bouadi et Bruno Moynot
Mise en scène : Pasquale D’Inca
Avec : Samir Bouadi et Bruno Moynot
Lumières : Stéphane Vanhamme
Décors : Stef
Costumes : Hortense de Paname
Petit Palais des Glaces • 37, rue du Faubourg-du-Temple • 75010 Paris
Réservations : 01 48 03 11 36
Site du théâtre : www.palaisdesglaces.com
Métro : Goncourt ou République
Du 16 juin au 1er août 2015, du mardi au samedi à 20 heures
Durée : 1 h 10
20 € | 11 €