Le mot de passe de vos âmes
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups
D’abord une sonate de roses rouges, de rideaux noirs et de « Magicien d’Oz ». Le ton est donné : ici tout ne sera que rigueur et beauté, luxe d’une parole essentielle à nos vies étriquées, poésie et volupté.
« J’ai six serpents, trois tortues, une vingtaine de souris blanches, quelques grenouilles. Elles sont si perfides que je n’arrive jamais à savoir combien elles sont… »
Je ne vous raconterai rien de plus : il faut que vous alliez voir ce Vieux clown dont le cœur fait des fugues. Il prend d’emblée la tête de mes meilleurs souvenirs de ce Off 1998.
Chaque geste millimétré et chaque expression transfigurés par Olivier Comte, chaque situation et chaque mot imaginés par Matéï Visniec, chaque objet offert par Kuno Schlegelmilch, chaque déplacement et chaque éclairage réinventés par Charles Lee et Christophe Gens, exhalent un air où la poésie respire à son aise. La poésie du cœur. Celle qui murmure à notre oreille intérieure ce mot de passe de l’âme : « Oui, c’est comme ça les cœurs, ça embrouille tout. Ça n’attend jamais que tu sois là pour faire la fête, et ça pète dès que tu bouges, dès que tu t’approches, dès que tu t’éloignes, dès que tu restes immobile. Oh ! mon cœur, pourquoi tu me fais ça ? ».
Cette pièce, merveilleuse de simplicité émotionnelle dans l’écriture, se tient constamment en équilibre précaire sur un fil. En conséquence, elle ne peut pas être jouée par un acteur médiocre. Il lui faut absolument un comédien de grande classe. Olivier Comte est celui que l’auteur espérait. Chaque parcelle de son corps – de la racine des cheveux jusqu’à la plante des pieds –, chaque pulsation de son cœur, chaque synapse de son cerveau, tout en lui est au service du texte de Visniec. Sachez monsieur Comte que vous êtes un grand comédien parce que vous êtes un explorateur incroyablement intelligent de l’âme humaine. Tous vos gestes et toute votre diction le hurlent doucement. Avec cette douceur et cette douleur infinies de ceux qui savent. Définitivement. Comme Matéï Visniec. Comme Charles Lee. Que vous êtes beaux, mes salauds ! ¶
Vincent Cambier
le Vieux Clown dont le cœur fait des fugues, de Matéï Visniec
Mise en scène : Charles Lee
Avec : Olivier Comte
Lumières : Charles Lee et Christophe Gens
Décors, accessoires, maquillages : Kuno Schlegelmilch
Costumes : Julia Allègre
Théâtre du Bourg‑Neuf • 5, bis rue du Bourg‑Neuf • Avignon
04 90 85 17 90
À 16 heures, tous les jours ; durée : 1 h 15