Les Élancées fêtent en grand leurs 25 ans
Du 10 au 25 février, ce festival propose 60 représentations de danse et de cirque dans 6 villes réparties sur Istres Ouest Provence. Avec 25 compagnies, il combine exigence artistique et accessibilité. Généreux, audacieux, engagé, Les Élancées continuent de toucher les cœurs et les esprits. La promesse de fortes émotions et de belles découvertes pour toutes les générations.
Pionnière en matière de mutualisation dans l’écosystème culturel, Scènes et Cinés pilote l’événement avec un réseau de 9 établissements (à Cornillon-Confoux, Fos-sur-Mer, Grans, Istres, Miramas, Port-Saint-Louis-du-Rhône), sous le label scène conventionnée Art en territoire. Et la 26e édition est présente dans 14 lieux de la Métropole. De quoi décupler les énergies et rayonner bien au-delà de la Provence. Cette année, outre des compagnies nationales, on en compte d’ailleurs trois internationales, en plus des six régionales. Un bel équilibre.
Les forces vives étaient donc nombreuses au lancement du festival et la Fête d’ouverture. La population était d’abord conviée aux abords du Théâtre de l’Olivier, en travaux, pour quelques surprises hautes en couleurs. À la mesure du projet exaltant de reconstruction, la Demolition Party fut originale, en compagnie du chorégraphe-danseur de façade Antoine Le Menestrel (lire le reportage ici). Le lendemain, la célébration des 25 ans a aussi fourni son lot d’émotions avec deux propositions d’amateurs et En attendant le Grand Soir, un spectacle emblématique des arts du geste que promeuvent Les Élancées (lire le reportage ici). Des symboles forts et un avant-goût des réjouissances à venir.
Diversité et accessibilité
Cette entrée en matière, audacieuse et conviviale, illustre ses principes fondateurs : « Le succès constant depuis 1999 témoigne de la pertinence des valeurs de cet événement », souligne Nicole Joulia, présidente de Scènes & Cinés, 1ère adjointe, déléguée à la culture, aux droits des femmes et à la citoyenneté et vice-présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône : « une programmation exigeante s’ouvrant aux nouvelles tendances du cirque et de la danse en France et à l’étranger, un ancrage profond dans le territoire, et une attention portée à toutes les générations, avec un soin particulier afin d’éveiller la sensibilité des plus jeunes ».
C’est Anne Renault qui assure la direction artistique : « Depuis ses débuts, nous avons accueilli 447 compagnies, 3.576 techniciens et artistes, dont certains grands noms. Je suis heureuse de présenter une programmation exceptionnelle pour cette édition spéciale, mais toujours avec le même leitmotiv : célébrer le corps dans toutes ses expressions, avec des propositions rassembleuses ».
Fidélités et découvertes
Parmi les 25 spectacles, 4 sont proposés en partenariat avec la Biennale Internationale des Arts du Cirque et de l’Entre2 BIAC : outre Citizen, Pandax et Entre ciel et mer, Maelström, la sortie de résidence de Jonas Julliand au Citron Jaune. Par ailleurs, sur 11 créations, 4 sont inédites : Étranges étrangers (cie Kilombo), TIM Time Inside Myself, (Laurent Piron), le Vertige de l’envers (L’Envolée cirque), Citizen (Les Hommes de mains) et la recréation de Cendrillon en version recyclée (cie Philippe Lafeuille). Dans cette programmation dense, on trouve donc des talents émergents, repérés et reconnus.
Car cet anniversaire fournit l’occasion de regarder dans le rétroviseur, en célébrant des fidélités forgées au fil du temps. Digne représentante de la scène régionale, Josette Baïz propose Antipodes, une célébration de la diversité de la danse contemporaine en quatre actes passionnants, dont l’une des fameuses pièces de Kader Attou : The Roots.Quant aux amateurs de voyage et de prouesses collectives, ils apprécieront le retour du cirque Éloize et ceux friands d’imaginaire forain iront voir Décrochez-moi ça (Bêtes de foire).
Une fois de plus, Les Colporteurs nous feront vibrer, avec leur approche délicate et poétique du Vivant. Dans un maillage suspendu de fils, mats, cordes et tissus, Cœurs sauvages explore la nature animale, en meute, en solitaire ou en couple, ce qui fonde la survie (lire notre critique) ! Un succès qui a déjà beaucoup tourné dont on ne se lasse pas. Nous céderons également au plaisir de revivre les émotions intenses de Pandax, du Cirque la compagnie (lire notre critique), le voyage d’une fratrie et de leur père, dans une urne, qui se transforme en épopée acrobatique et burlesque. Le deuil porté au sommet de la vie.
Peut-être moins spectaculaire, mais tout aussi fascinante, ne pas manquer la Boule (lire la critique de Laura Plas) : dans une grande proximité, le public assiste à cette exploration des possibilités infinies de porter l’Autre. Une pièce d’une belle ingéniosité, tout comme Rapprochons-nous (La Mondiale générale), qui sort de la partition habituelle scène-salle, pour remettre en jeu les limites entre spontanéité et figures imposées. Une expérience interactive à vivre (lire notre critique).
Parmi les propositions insolites, Passage est un voyage à la verticale, presque impensable, qui se joue, avec humour, des contraintes et de la gravité. Dans une étroite boîte en verre, la contorsionniste Alice Rende exécute une véritable prouesse physique. Autre technique réinventée dans C’est idiot mais ça colle à la peau : le diabolo. Entre cirque, danse et théâtre de rue, Yohan Durand nous réconcilie avec un art que beaucoup pourraient penser désuet.
Également à la croisée des disciplines, Vu (cie Sacekripa) met en scène un personnage manipulateur d’objets du quotidien, clown malgré lui. À l’opposé de l’hyperactif, il s’occupe de choses qui nous semblent dérisoires et anodines, mais pourquoi pas essentielles ? Citizen (Les Hommes de mains) est aussi un spectacle sur l’urgence de ralentir, avec des prouesses entremêlées aux arts numériques, une association encore rare au cirque.
La programmation est le reflet de la diversité du cirque actuel. Ce langage du corps, les exploits circassiens, les performances traduisent, à leur façon, les évolutions de la société, avec des écritures originales traversées par des thématiques qui font l’actualité. Cette porosité au monde, cette ouverture à 360° rendent le cirque passionnant.
Un festival engagé
À travers leurs créations, plusieurs compagnies proposent une réflexion sur les enjeux écologiques, éveillant les consciences, notamment sur l’eau (l’Eau douce,de Nathalie Pernette et YÉ !, du Circus Baobab) ou les modes de consommation (Cendrillon, Ballet recyclable, de Philippe Lafeuille), abordant la question de la relation humaine, dans un univers dystopique (les Autres, d’Anton Lachky) et célébrant la beauté fragile de notre planète (Entre ciel et mer, du Cirque Éloize).
Un festival au féminin : outre ces deux chorégraphes fidèles, nous relevons la présence de Capucine Lucas, Marguerite Salvy, Marion Lévy, Christina Towle et le duo Éléonore Valère-Lachky et Anton Lachky, ainsi que celles des circassiennes Pauline Barboux et Jeanne Ragu, Liam Lelarge et Kim Marro, Alice Rende.
Ne négligeons pas de rappeler que des duos mixtes (Bêtes de foire, Duo Kilombo, Les Colporteurs, Les hommes de mains) sont souvent à l’origine des créations. Saluons la présence d’un orchestre composé uniquement de musiciennes pour accompagner en direct les circassiens de Pandax. Parmi les autrices : Éléonore Valère-Lachky, Mariette Navarro et Émilie Vast.
« Festival précurseur dans son domaine (le cirque n’était pas à la mode dans les années 2000), Les Élancées a toujours été à l’avant-garde de la scène artistique », aime à rappeler Nicole Joulia, convaincue par sa portée également sociale : « les arts du geste permettent sans cesse de découvrir de nouvelles manières d’être, de penser et d’élargir nos horizons ».
Un événement populaire
Depuis ses débuts, le festival a comblé près de 300 000 spectateurs. La qualité de la programmation d’Anne Renault, l’ancrage territorial et cette démarche volontariste pour une culture abordable a porté ses fruits. D’abord, les tarifs sont accessibles au plus grand nombre (4.300 places à 5 €). Ensuite, le mot-clé est ouverture : aux disciplines, aux générations, aux pratiques.
Des structures culturelles associées mettent en œuvre des actions variées en direction de publics diversifiés. Cette édition, ce sont 23 représentations scolaires, engageant près de 4.000 enfants. Le programme s’enrichit avec des ateliers de sensibilisation à la danse dans les écoles et un parcours d’éducation artistique : projet développé en partenariat avec des acteurs sociaux à Istres, la Colonie est axée sur la culture, la citoyenneté, l’écoresponsabilité et le vivre ensemble. Pour sa première édition, 12 adolescents, principalement des quartiers prioritaires, sont invités à un voyage culturel à la découverte des Élancées.
Foisonnement
Le Festival installe à nouveau un village de chapiteaux au centre équestre Le Deven à Istres, mais il prend de l’ampleur afin d’offrir un espace où l’hospitalité et la fantaisie du cirque prendront vie naturellement. Cette année, 3 spectacles se déroulent sur pistes : Décrochez-moi ça, Pandax et Cœurs sauvages.
En plus des performances scéniques, Les Élancées proposent des séances de cinéma dédiées aux arts du cirque et à la danse, une exposition (les 200 photos, de Patrice Leïva sur les spectacles du Festival sont visibles au Stadium de Miramas) et des tables rondes (sur le déséquilibre, la parité et le consentement).
Quelle effervescence ! Depuis 25 ans, ce festival illumine les hivers de ces six communes et on espère que c’est juste un élan pour le quart de siècle à venir. 🔴
Léna Martinelli
Les Élancées
26e édition du 10 au 25 février 2024
Portée par Scènes & Cinés, scène conventionnée Art en territoire Métropole Aix-Marseille-Provence
Toute la programmation ici
Réservations en ligne ou au 04 42 56 48 48
Pendant les travaux, les équipes de la billetterie sont installés dans les bureaux de l’ancien siège du Conseil de territoire Istres-Ouest Provence, au Rouquier ; voir les horaires ici
Tarif Élancées de 5 € à 8 € avec le Pass Élancées (dès 4 places achetées sur un ou plusieurs spectacles au tarif Élancées)
Tarifs habituels pour les spectacles de la saison
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Les Élancées 2023, reportage de Léna Martinelli
Photos
• Chapiteau du Cirque la compagnie au Deven © DR
• Cœurs sauvages, cie Les Colporteurs © Sébastien Armengol
• Pandax, Cirque la compagnie © Juliette Mach
• Passage, Alice Rende © Christophe Raynaud de Lage
• Entre ciel et mer, Cirque Éloize © Nigel Quinn
• La Boule, Liam Lelarge et Kim Marro © Jean-Claude Leblanc
• Fête d’ouverture au Magic Mirror © Patrice Leïva
• Pandax, Cirque la compagnie © DR
• Cœurs sauvages, Les Colporteurs © Éric Soyer
