« Les Filles aux mains jaunes », Michel Bellier, Théâtre Rive Gauche, Paris

Les-Filles-aux-mains-jaunes-Michel-Bellier-Johanna-Boyé 1 © Fabienne Rappeneau

Les petites mains de la Grande Guerre

Par Bénédicte Fantin
Les Trois Coups

La Première guerre mondiale du point de vue des femmes restées à l’arrière : voici l’angle a priori passionnant qu’aborde « Les Filles aux mains jaunes ». Malgré le choix d’un texte au propos très appuyé, la mise en scène lumineuse de Johanna Boyé fait honneur au jeu de ses quatre comédiennes.

2 août 1914. Les femmes participent à l’effort de guerre en remplaçant les hommes partis au combat dans les usines d’armement. Julie, Rose, Jeanne et Louise sont affectées à la fabrication d’obus. Dans la chaleur étouffante et le brouhaha incessant des machines, ces quatre « munitionnettes » aux parcours de vie différents s’apprivoisent, se confient et se mobilisent. La poudre explosive qu’elles manipulent quotidiennement jaunit leurs mains et s’infiltre dans leurs poumons. Mais les conditions de travail des femmes sont alors loin d’être la priorité pour le gouvernement.

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© Fabienne Rappeneau

Dans le huis clos de l’atelier de fabrication, l’histoire intime des quatre ouvrières rejoint la grande histoire des luttes sociales. Influencées par Louise, journaliste militante chez les suffragistes, Julie, Rose et Jeanne questionnent la place qui leur est réservée.

Un chœur de comédiennes virtuoses

Les comédiennes Brigitte Faure, Anna Mihalcea, Pamela Ravassard et Élisabeth Ventura sont le cœur battant de cette pièce. Elles portent leur partition avec virtuosité en y insufflant nuances et ruptures. La mise en scène de Johanna Boyé et la création lumière de Cyril Manetta recentrent intelligemment l’attention sur leur jeu. Les corps mis à mal par le travail à la chaîne sont également un enjeu brillamment traité. Les gestes des ouvrières (chorégraphie Johan Nus) poétisent l’absurdité de leurs tâches répétitives et le travail de chœur met en valeur les liens de solidarité qui se tissent entre elles.

Une réserve cependant sur le texte de Michel Bellier qui, contrairement au jeu des comédiennes, peut parfois manquer de subtilité. Le propos militant est asséné de manière didactique et vient mettre au second plan la complexité des personnages. La voix off finale qui enfonce le clou en rappelant l’actualité du propos peut sembler un rien démagogique.

Le contexte charnière de la Première Guerre mondiale dans l’histoire de la lutte sociale des femmes est un thème passionnant à traiter. Mais l’histoire intime et concrète de ces femmes qui nous intéresse tout particulièrement sur un plateau de théâtre est trop souvent phagocytée par le « message » de l’égalité salariale. Le message est certes bien reçu mais au détriment de l’émotion. Dommage ! 🔴

Bénédicte Fantin


Les Filles aux mains jaunes, de Michel Bellier

Le texte est édité chez Lansman
Mise en scène : Johanna Boyé
Avec : Brigitte Faure (en alternance avec Brigitte Damiens), Anna Mihalcea, Pamela Ravassard, Elisabeth Ventura
Costumes : Marion Rebmann
Univers sonore : Mehdi Bourayou
Lumières : Cyril Manetta
Chorégraphies : Johan Nus
Scénographie : Olivier Prost
Assistante à la mise en scène : Lucia Passantini
Durée : 1 h 30
Photo : © Fabienne Rappeneau

Théâtre Rive Gauche • 6, rue de la Gaîté • 75014 Paris
Depuis le 22 septembre 2022
Du mercredi au samedi à 19 heures, les dimanches à 17 h 30
De 17 € à 35 €
Réservations : 01 43 35 32 31 ou en ligne

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Le Cas de la Famille Coleman, de Claudio Tolcachir, par Céline Doukhan
A tort et à raison, de Ronald Harwood, par Sabine Dacalor

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