« l’Ours », « la Folle Nuit », « la Demande en mariage », d’Anton Tchekhov, Théâtre des Béliers à Avignon

Nasdrovia, camarades ! *

Par Lise Facchin
Les Trois Coups

Tchekhov, c’est drôle. C’est enlevé. Ça danse, ça bondit, ça grince, ça raille,ça grouille et ça ricane ! Un grand merci à Benoît Lavigne et à ses excellents comédiens de nous le remettre en mémoire.

pieces-tchekhov-drC’est vrai qu’on les connaît les pièces en un acte de Tchekhov. La Demande en mariage, l’Ours, on les a vu monter plus d’une fois, et on sait bien qu’elles se prêtent avec une souplesse merveilleuse à la comédie. Seulement voilà, il y a comédie et comédie. Il y a l’interprétation farcesque et un peu facile qui nous fait rire à coups de gags, et il y a l’irrévérence retrouvée de l’écrivain russe qui moque sa caste et son époque, avec une dureté saupoudrée de tendresse. De la finesse, quoi, du style, de l’élégance ! La mise en scène de Benoît Lavigne nous offre tout cela, tant à travers la scénographie (un sol recouvert de somptueux tapis orientaux et quelques éléments de mobilier) que les costumes ou la musique. Eh oui, de la musique ! Durant tout le spectacle, un violon apparaît, disparaît, pince ou fait gémir son instrument et – miracle ! – toujours à propos.

Une surprise nous attend cependant : la Folle Nuit, pièce inédite parce que inachevée. Lavigne s’est coltiné l’écriture de la fin, et seul un expert s’en rendrait compte.

Dans les trois pièces, l’énergie est la même, vivante, pétillante, fougueuse, et l’on apprécie des transitions bien faites, simples et sans le moindre heurt. Un demi-noir nous permet, tandis que le violon se promène doucement, d’entrapercevoir un collage de moustache, des ombres déplaçant une méridienne, plaçant une table… La magie ne se perd pas. Le spectateur demeure suspendu.

Les comédiens ! Ah, les comédiens ! Ils s’amusent, s’écoutent, attrapent la balle, la renvoient illico, jamais ne peinent, ne s’étiolent. L’énergie circule de personnage en personnage, les situations existent, se répondent, s’enlacent. Ces gens-là s’amusent pour de vrai, ils sont heureux d’être sur scène et bon sang de bois – oserais-je le dire ? –, on dirait bien qu’ils s’apprécient !

Si les trois pièces sont des instants qui fondent sous la langue comme un sucre d’orge à Noël, ma préférence va à l’Ours, peut-être à cause du personnage de Smirnov, ce rude misogyne colérique, méprisant les femmes de trop les aimer. Ou bien la pâle grâce de Bérengère Gallot, qui, sertie de la virilité rocailleuse de Stephen Szekely, a su donner à ce texte une envolée de poésie, légère et croustillante. 

Lise Facchin

* « À votre santé », camarades !


L’Ours, la Folle Nuit, la Demande en mariage, d’Anton Tchekhov

Mise en scène : Benoît Lavigne

Avec : Laurianne Lacaze, Bérengère Gallot, Hervé Jouval, Stephen Szekely

Collaboration artistique et chorégraphie : Sophie Mayer

Violon : Adrien Chevalier

Lumières : Mohamed Mokademini

Théâtre des Béliers • 53, rue du Portail-Magnanen • 84000 Avignon

Réservations : 04 90 82 21 07

Du 8 au 31 juillet 2010 à 14 heures, relâche le 16 juillet 2010

Durée : 1 h 25

16 € | 11 €

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