La guerre au ventre
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Christophe Laluque parachève son exploration de « Mirad, un garçon de Bosnie » et en signe une mise en scène forte et juste. Polyphonique, épuré, le spectacle évite tout manichéisme ; il forme un magnifique plaidoyer pour la paix et la tolérance.
Pour écrire Mirad, un garçon de Bosnie, Ad de Bont a pris le temps de lire de nombreux rapports d’Amnesty International sur la guerre de Bosnie, celui de les transposer en composant l’histoire d’une famille mixte. Il a ainsi créé un texte intime et universel, dont la trame est tissée autour d’un enfant : Mirad. Pour monter la pièce, Christophe Laluque a pris le temps, quant à lui, de l’éprouver face à des publics divers. Il a su encore faire et défaire des propositions pour trouver la plus pertinente. Le résultat est à la hauteur de cette patience et de cette exigence.
Tout d’abord, le spectacle est porté par quatre très bons comédiens. Chantal Lavallée et Serge Gaborieau donnent vie à la tante et à l’oncle de Mirad. Ils incarnent un couple d’exilés fragile et meurtri, un couple si fort de son humanisme et de son amour que le spectateur ne perd jamais tout à fait espoir. La scène de leurs retrouvailles, impeccablement jouée et mise en scène, constitue ainsi un moment de grâce douloureuse. Quant à Robin Francier, il montre l’innocence et la cruauté de l’adolescence en guerre, comme Céline Liger nous bouleverse sans cependant céder au pathos.
Message à la jeunesse
De plus, chacun de ces comédiens collabore à un travail choral ciselé. Il endosse plusieurs rôles et saisit le relai d’une narration qui se diffracte. Une même phrase peut ainsi bruire de quatre voix, un même acteur prête son corps à une victime ou à un tortionnaire, à un camp ou à l’autre, interdisant les jugements tranchés et hâtifs. Cet éclatement se retrouve d’ailleurs dans la mise en scène. Les déplacements des comédiens sont incessants. Ils se mêlent parfois même au public afin de lui rappeler peut-être que les places sont une question de chance et qu’il pourrait être emporté lui aussi sur les routes de l’exil.
Faisant la part belle aux comédiens, Christophe Laluque a opté pour une scénographie épurée et symbolique. Tel y découvrira, par exemple, un grand cimetière sous la lune, tel autre y verra les immeubles d’une mégalopole. La proposition de Franz Laimé, d’une grande beauté, a le mérite de confirmer l’universalité du propos. La musique de Nicolas Guadagno, enfin, joue avec le texte pour en souligner le foisonnement. Elle permet, en outre, de souligner la dimension fictionnelle et affective du spectacle. On retrouve la mélodie associée à la famille, on ressent certaines tensions sans qu’elles soient exprimées explicitement. Ces effets rendent le spectacle plus accessible aux jeunes spectateurs.
Car si Mirad, un enfant de Bosnie peut très bien s’adresser à un public d’adultes, il touche aussi les adolescents, comme en témoigne sa réception en milieu scolaire. Le spectacle est un beau message à offrir à la jeunesse. Il nous dit combien la guerre est un monstre qui peut dévorer le ventre d’une petite fille ou d’une mère, qu’elle est un poison qui trouble le cœur d’un gamin épris de paix. Il affirme surtout qu’il faut rejeter la haine, et vivre malgré tout. ¶
Laura Plas
Mirad, un garçon de Bosnie, d’Ad de Bont
Le texte est traduit par Jan Simoen et édité aux Éditions de l’Arche
Mise en scène : Christophe Laluque
Avec : Robin Francier, Serge Gaborieau, Chantal Lavallée et Céline Liger
Scénographie et lumières : Franz Laimé
Musique : Nicolas Guadano
Durée : 1 h 10
À partir de 14 ans
Photo © Ernesto Timor
Théâtre Dunois • 7, rue Louise Weiss • 75013 Paris
Du 30 mai au 3 juin 2018, du mardi au vendredi à 19 heures, le samedi à 18 heures, le dimanche à 16 heures, puis tournée au festival d’Avignon
De 8 € à 16 €
Réservations : 01 45 84 72 00