« Ode à la ligne 29 des autobus parisiens », de Jacques Roubaud, le Centquatre à Paris

Paris en rimes
et… en bus !

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Bertrand Bossard, artiste en résidence au Centquatre à Paris, vient de monter « Ode à la ligne 29 des autobus parisiens » avec les élèves de l’É.R.A.C. (École régionale d’acteurs de Cannes). Un voyage insolite qui embarque loin dans la création poétique.

« Ode à la ligne 29 des autobus parisiens » © Hubert Poirot-Bourdain
« Ode à la ligne 29 des autobus parisiens »
© Hubert Poirot-Bourdain

La ligne 29 traverse Paris d’ouest en est, depuis Saint-Lazare jusqu’à la porte de Montempoivre, près de Saint-Mandé. Elle a inspiré à Jacques Roubaud un texte drolatique. Après sept ans de pérégrinations régulières sur cette ligne, le poète connu pour avoir parcouru à pied toutes les rues de Paris, livre ici un texte déambulatoire qui nous mène jusqu’au cœur de la capitale.

Pour cela, ce membre éminent de l’Oulipo s’est imposé des contraintes stylistiques, un peu à la façon de Raymond Queneau dont il est un ardent admirateur. D’abord, il a structuré son ode en 6 chants et 35 strophes (autant que la ligne 29 compte d’arrêts) et renoue avec la tradition de l’alexandrin. Mais comme il avoue lui-même n’être ni Molière ni Baudelaire, il détourne avec humour l’orthographe au service de la rime. Ensuite, il s’est autorisé jusqu’à 9 niveaux de digressions. Ainsi, satisfait-il son amour des parenthèses. Enfin, il utilise toutes les ressources de la fantaisie typographique pour aboutir à un drôle d’objet poétique.

Cela donne un texte qui dérive, qui chante et claironne. L’observation du quotidien voisine avec des souvenirs cocasses. Bifurcations et incises ralentissent le rythme de cette réflexion qui roule bon an mal an. Cette rêverie n’est pas pour déplaire à Bertrand Bossard, cet « anar » sur les bords qui veut faire du théâtre populaire. C’est en travaillant sur l’alexandrin avec ses élèves de l’É.R.A.C que l’artiste associé au Centquatre découvre le texte. Il est effectivement saisi par l’humour et l’érudition du bonhomme. Il a alors l’idée de surprendre les voyageurs de la ligne 29 par un geste théâtral et poétique. Ses « Visites déguidées » ont déjà beaucoup de succès. Depuis, le concept s’est d’ailleurs exporté dans d’autres lieux. D’emblée, l’idée d’une traversée poétique de Paris séduit.

Une partition musclée

« Ode à la ligne 29 des autobus parisiens » © Hubert Poirot-Bourdain
« Ode à la ligne 29 des autobus parisiens »
© Hubert Poirot-Bourdain

Ainsi, pendant les heures creuses (la semaine, entre 11 et 15 heures), des comédiens montent de manière impromptue, avec la complicité de la R.A.T.P., pour déclamer quelques vers entre deux stations, avant de disparaître. Comme un surgissement poétique. Sinon, le week-end, on peut réserver sa place et assister à un spectacle original dans un bus privatisé pour l’occasion au départ du Centquatre.

Une fois les spectateurs installés, le machiniste démarre et un acteur nous indique la marche à suivre, car il est hors de question de rester passif ! Le public est parfois amené à contribution, comme dans la battle. Les gens qui nous entendent du dehors en demeurent tout pantois. Le trajet comporte aussi son lot de surprises. L’insurrection contre les « Archives sacrifiées » prend tout son sens, par exemple. Entre allusions aux officines, immeubles et mille détails amusants, on peut se laisser aller à regarder les rues qui défilent, mais mieux vaut concentrer son attention sur les acteurs qui s’en donnent à cœur joie. Ces derniers déclament les alexandrins avec un entrain communicatif, s’illustrent dans les intermèdes musicaux et diverses performances. Ces apprentis comédiens font fi des difficultés liées à cette scène de fortune. Au contraire, ils en jouent. Ils servent cette partition musclée avec déjà beaucoup de talent.

Les passagers sont ravis, car la mécanique fonctionne bien. Le moteur du bus est une musique de fond inhabituelle, mais aucune panne de création. Plus qu’un concept, cette exploration urbaine rend vraiment la poésie plus intime. Reste à inventer un « Pass poético »… 

Léna Martinelli


Ode à la ligne 29 des autobus parisiens, de Jacques Roubaud

Éditions Attila, 2013

Mise en scène : Bertrand Bossard

Avec les élèves comédiens de l’ensemble 22 de l’É.R.A.C. (École régionale d’acteurs de Cannes) : Valentine Basse, Julie Cardile, Sophia Chebchoub, Théo Comby Lemaitre, Gregor Daronian, Morgan Defendente, Nina Durand Villanova, Fabien Gaertner, Marianna Granci, Florine Mullard, Paul Pascot, Thibault Pasquier, Laurent Robert

Assistante artistique : Louise Belmas

Illustrations pour Ode à la ligne 29 des autobus parisiens : © Hubert Poirot‑Bourdain

Le Centquatre • 5, rue Curial • 75019 Paris

Métro Riquet (ligne 7) ou Stalingrad (lignes 2, 5 et 7)

Réservations : 01 53 35 50 00

billetterie@104.fr

www.104.fr

Du 22 au 31 mai 2015, du vendredi au dimanche, rendez-vous à 20 heures les vendredi et samedi, à 15 h 30 le dimanche

Durée : 1 h 40 environ

10 € | 8 € | 5 € | 3 €

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