« Opus cœur », d’Israël Horovitz, Fabrik’Théâtre à Avignon

Opus cœur © Stéphane Larroze

Bouillon et Newman déploient toute la gamme des émotions

Par Lorène de Bonnay
Les Trois Coups

La compagnie Calliopé Comédie présente « Opus cœur » d’Israël Horovitz à la Fabrik’Théâtre : un drame plein d’humanité et de tendresse que la performance inouïe des comédiens rend particulièrement émouvant.

Trois séquences ou mouvements composent cet opus dont l’action se situe dans la ville portuaire de Gloucester, Massachusetts. Tout d’abord, Jakob Brackish, ancien professeur de littérature et de musicologie à l’université, embauche Kathleen Hogan pour l’aider à vivre les derniers mois de son existence. L’opposition traditionnelle de comédie entre la figure du maître (ici un vieil homme cultivé, solitaire, sans famille, passant ses journées à écouter une radio classique assis dans son « cher fauteuil » ou à lire la rubrique « nécrologie ») et la servante (une jeune femme modeste et peu éduquée) se déploie lentement. Les dialogues, simples, justes, cinglants, soulignent cette opposition d’âge, de tempérament et de classe sociale qui se développe au fil des semaines.

Dans un deuxième temps, la tension dramatique s’accroît jusqu’au paroxysme : la révélation des vraies identités de chacun. Alors que Jakob fait semblant d’être sourd pour mieux épier Kathleen dont il a appris qu’elle était une ancienne étudiante, cette dernière exprime au public son désir de vengeance sociale, culturelle et familiale. La violence verbale de l’aide-ménagère, qui se considère comme une ratée (comme l’indique d’après elle les initiales de son nom K.O.), atteint son comble lorsqu’elle croit que Jacob ne l’entend pas : elle exprime alors une rage viscérale. La Kathleen à la langue bien pendue (proche des servantes de Molière ou Marivaux) s’apparente alors aux Bonnes de Genet qui manifestent leur volonté sadique de souiller la personne qui les emploie. On songe aussi au film de Polanski la Jeune Fille et la Mort où une femme séquestre son ancien bourreau nazi. La pièce atteint son acmé lorsque le malentendu entre les deux personnages éclate…

Un message d’espoir

Outre cette dramaturgie efficace et la justesse des dialogues, la réussite du spectacle réside surtout dans le jeu des comédiens. Jean‑Claude Bouillon et Nathalie Newman portent avec pénétration ce texte truffé de clichés, de tendresse, d’humanité et d’espoir. Ils parviennent avec délicatesse à déployer toute la gamme des émotions, à faire jaillir l’ironie, le tragique, le trivial ou le pathétique du texte d’Horovitz. Le choix d’un décor très réaliste permet de se focaliser sur ce huis clos qui concerne deux personnages bien caractérisés et néanmoins universels. Alors, certes, la fin était prévisible, mais l’on ne s’attendait pas à être si ému. La résolution et la disparition du conflit provoque une si belle catharsis… Chapeau très, très bas aux acteurs capables de nous percer le cœur avec tant de naturel. 

Lorène de Bonnay


Opus cœur, d’Israël Horovitz

Cie Calliopé Comédie

06 84 18 83 32

Site : http://www.calliopecomedie.com

Courriel : contact@calliopecomedie.com

Mise en scène : Caroline Darnay

Avec : Jean‑Claude Bouillon, Nathalie Newman, Alain Lawrence (voix off), Alexis Moncorgé (voix off)

Scénographie : Caroline Mexme

Lumières et photos : Michel Cabrera

Son : Michel Winogradoff

Costumes : Monika Mucha

Régie : Maryline Cabrera

Photo : © Stéphane Larroze

Fabrik’Théâtre • 1, rue du Théâtre • 84000 Avignon

http://fabriktheatre.fr/

Réservations : 04 90 86 47 81

Courriel : contact@fabriktheatre.fr

Du 8 juillet au 31 juillet 2013 à 12 heures

Durée : 1 h 30

De 8 € à 18 €

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