L’Union : tout inclus(sif)
Laura Plas
Les Trois Coups
La nouvelle saison du Théâtre de l’Union se pare de mille couleurs pour satisfaire tous les goûts : du théâtre, du nouveau cirque ou des marionnettes de glaces, des classiques et des textes contemporains, des pièces pour les grands et les plus jeunes. L’Union fait une joyeuse force.
Préparez vos tenues de bal, il y aura cette année du beau monde au Théâtre de L’Union : Maeterlinck, Racine ou Shakespeare ; Pagnol, Peter Weiss ou Virginia Woolf. De quoi revisiter ses classiques de mille manières.
En décembre, Matthieu Cruciani présentera en effet sa mise en scène de Phèdre, bouleversante tragédie du désir féminin. Mais déjà en novembre, le Collectif In Vivo traduira le vertige du théâtre de Maeterlinck en offrant une expérience qui va au-delà d’un simple spectacle dans la Fin du présent : vidéo, matière sonore, déambulation rendront accessible, un grand auteur.
Quant à Elsa Granat, elle proposera en novembre les Grands Sensibles : plongée dans le monde de Shakespeare. Rendez-vous pris pour la boum de Juliette : Roméo s’est invité, of course, mais il y a des surprises puisqu’Ophélie ou Hamlet seront par exemple de la fête. La preuve qu’un classique, ça parle à la jeunesse autant qu’un livre dans un cartable.
Et justement, on peut dire que la jeunesse a une belle place dans la programmation. D’abord, à la promotion de l’ESTU, Aurélie Van Den Daele, directrice à la fois du CDN et de l’école nationale, laisse Carte blanche en mars (rien moins que quatre créations en entrée libre sur réservation). On retrouvera cette fringante promotion en juin menée par Ambre Kahan pour son spectacle de sortie.
« L’Esthétique de la résistance », Sylvain Creuzevault © Jean-Louis Fernandez
Un peu plus loin sur les planches de l’Empreinte, on entendra les voix de la jeunesse allemande des années 30 dans l’Esthétique de la résistance : mise en scène époustouflante de Sylvain Creuzevault, réflexion forte sur l’art et l’engagement, la distribution associe des monstres de théâtre à des jeunes formidables, soit 17 interprètes. C’est une pépite. En prime, le théâtre de l’Union organise un départ de navette.
For ever young
La jeunesse est aussi celles des personnages. Roméo et Juliette seront rejoints par Jo et Carn, les ados de la création de Colère, mise en scène par Maja Bijeljac en décembre : orientation, conseil de discipline, rêve et cauchemar climatique. Neige, féerie éclairée de la passionnante Pauline Bureau, réinvestira de son côté en janvier la figure de Blanche Neige avec un discours féministe. Un spectacle plébiscité par le public qu’on a hâte de découvrir à notre tour.
Ouverte au public de tous les âges, aux amateurs de classiques comme de théâtre contemporain, la programmation l’est aussi aux vents d’ici et d’ailleurs. La saison commence en partenariat avec les Zébrures d’automne. Nous voici d’abord téléportés au Cameroun avec À Cœur Ouvert, prix RFI 2023 du théâtre. Dans cette fable contemporaine inspirée par l’assassinat du journaliste Martinez Zogo, nous serons conviés à un huis clos orchestré par Éric Delphin Kwéguoué.
Quand on sait que la talentueuse Alice Carré l’a assisté, on ne doute pas que ce thriller politique ne soit fort. Autre voyage avec Gaëlle Bien-Aimée : Aimer en stéréo. La qualité et la délicatesse de l’autrice rendent curieux de voir comment elle articule intime et politique, va-et-vient entre Haïti et Brooklyn.
« Misericordia », Emma Dante © Masiar Pasquali ; « Phèdre », Matthieu Cruciani © Simon Gosselin ; « À cœur ouvert », Éric Delphin Kwéguoué © Christophe Péan
En avril, Misericordia fera découvrir à ceux qui n’en ont pas eu la chance le travail sur le corps de l’artiste sicilienne, Emma Dante, associée au Théâtre de La Colline. Pas besoin de savoir parler italien pour cette excursion-ci car ce théâtre touche l’intime et l’universel (lire la critique de Léna Martinelli). Et l’on ajoutera que les auteurs programmés sont aussi gage de l’ouverture de l’Union au monde avec des auteur·ice·s comme l’anglaise Virginia Woolf ou le suédois Ramus Lindberg.
Les anciens et les modernes
Si la programmation cultive les compagnonnages fidèles puisqu’on retrouve Elsa Granat, Alice Laloy, Maja Bijeljac, cela n’exclut pas l’audace, puisque leurs opus sont des créations. Dans un contexte de restrictions budgétaires, on ne peut d’ailleurs que saluer la part prépondérante de créations dans le programme. L’audace tient aussi dans la proposition de formes variées et/ ou atypiques. Ainsi, on attend avec impatience de découvrir le Ring de Katharsy, programmé début février. Alice Laloy, artiste plurielle, bidouilleuse géniale d’univers infiniment poétiques, n’a en effet, depuis plus de quinze ans, jamais cessé de nous surprendre.
Coté nouveau cirque, on aura la chance de profiter du partenariat avec le Sirque, pour découvrir Hourvari, un spectacle qui brouille les frontières entre animé et inanimé, vrai et faux. On garde un souvenir ému de la poésie et de la beauté d’Oraison, de la même compagnie Rasposo (lire la critique de Léna Martinelli). On caresse par conséquent les plus grands espoirs sur la création à venir.
Côté inclassables, toujours, les plus jeunes pourront s’ébaudir face aux sons et surprises du théâtre d’objet avec Block (Céline Garnavault), programmé en juin. Les plus grands se plongeront dans les nappes sonores et épiphanies qu’Élise Vigneron a imaginées pour son adaptation des Vagues de Virginia Woolf avec… des marionnettes de glaces (lire la critique de Léna Martinelli) !
« Block », Céline Garnavault © DR ; « Les Vagues » © Damien Bourletsis
Mais que les amateurs d’histoires ne s’inquiètent pas. La platine de 1200 Tours continue de tourner avec ses multiples personnages et son regard généreux et politique sur le monde (lire notre entretien). Comme en écho, Aurélie Van Den Dale programme d’ailleurs Lieux Communs, de Baptiste Amann, dont l’écriture ouverte emprunte au thriller et aux séries pour interroger la société.
Écriture de Pagnol revisitée par Joël Pommerat dans Marius, écriture de l’auteur contemporain Tanguy Viel mise en scène par Emmanuel Noblet (Article 353 du Code pénal), dont le public avait ovationné la mise en scène de Réparer les vivants (lire la critique de Léna Martinelli), les mots ne sont pas négligés. Il y a encore ceux, intimes, de Véronique Poulain (Les Mots qu’on ne me dit pas) qui nous feront partager avec délicatesse l’expérience d’une entendante dans une famille qui ne l’est pas (mise en scène d’Éric Massé). En ce sens aussi, la saison est all inclusive.
Enfin, on se réjouit de découvrir, d’une part, Brady (résidence de création), le nouvel opus de la compagnie ATLATL et dont on avait pu apprécier au Théâtre Expression 7 l’acidulé Clim et, d’autre part, le drolatique Caverne, dont les liens tissés entre caverne et théâtre nous entraîneront sans doute en territoire de fantaisie, comme dans de précédentes créations du collectif Os’o.
Laura Plas
Saison 2024-2025 du Théâtre de l’Union
Théâtre de L’Union, CDN du Limousin • 20, rue des Coopérateurs • 87000 Limoges
De 8 € à 22 €
Réservations : 05 55 79 90 00 ou en ligne
Toute la programmation ici
La chaîne YouTube du théâtre avec de nombreux teasers et reportages
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Entretien avec Aurélie Van Den Daele, metteuse en scène, nouvelle directrice du Cdn de l’Union et de l’Académie, propos recueillis par Laura Plas
☛ La Vie insivisible, Lorraine de Sagazan, par Laura Plas
☛ Cycle Léna d’Azy, par Laura Plas
Photo de une : « 1200 Tours », Aurélie Van Den Daele © Thierry Laporte