Les Quatre Fantastiques
Par Céline Doukhan
Les Trois Coups
La comédie musicale mise en scène par Virginie Lemoine cartonne. Un succès largement mérité.
Procédons comme 31, et commençons par la fin de l’histoire. Il est 14 h 30 environ, les spectateurs sont debout. L’un des comédiens, visiblement ému, a de plus en plus de mal à masquer son envie de pleurer. L’émotion gagne ses trois camarades, dont les yeux s’embuent à leur tour. Bref, un happy end d’une intensité incroyable.
Une sitcom à l’eau de rose ? Non, le Théâtre Buffon en ce 13 juillet 2016. Et un public conquis par ce spectacle qui sonne juste, dans tous les sens du terme. Partant du 31 décembre 1999, l’histoire remonte les années pour aboutir à l’enfance des personnages, en 1979. Le texte de Stéphane Laporte et Gaétan Borg tisse habilement les liens qui unissent ces quatre amis fort différents : Victoire, qui a réussi, Stéphane la femme médecin, Anthony le jeune chef d’entreprise et Ruben, qui se cherche encore. Au fur et à mesure et à travers moult gags souvent très efficaces, on apprendra d’où ils viennent, quels sont leurs secrets, leurs rêves… Rien que de très banal a priori, mais au final un excellent dosage d’humour et d’émotion qui fait mouche, avec un rythme qui va crescendo.
La mise en scène implique et valorise le talent des comédiens et leur expérience dans le théâtre musical. On avait ainsi déjà beaucoup aimé Valérie Zaccomer dans un personnage assez proche dans Audimat, en 2009. Ici, tous savent y aller à fond quand la comédie le demande, et faire descendre la température pour des moments plus intimistes. Grâce à la qualité de leur interprétation et à une écriture au cordeau, les passages parlés et chantés s’enchaînent avec fluidité. Du grand art. Mention spéciale peut-être à Alexandre Faitrouni, qui donne à son personnage une belle fragilité tout en faisant merveille sur le plan comique, comme quand il incarne un enfant de huit ans fan des Quatre Fantastiques !
Quant à Stéphane Corbin, qui a composé les neuf chansons du spectacle, il accompagne les comédiens en direct au piano. Les yeux littéralement rivés sur eux, il ne perd pas une miette de leurs échanges, le visage empreint d’une expression amusée, voire admirative. Pendant le premier tiers de la pièce, les moments d’émotion sont tous liés aux chansons, créant un léger décalage avec un texte manquant parfois de rythme, mais cet hiatus disparaît par la suite. Il reste qu’on en aurait volontiers écouté plus – profitons-en pour saluer le fait que les comédiens n’utilisent pas de micro, pratique qui a tendance à se répandre même dans de petites salles.
Autre ressort efficient de la mise en scène, la nostalgie, celle d’un passé, disons… si lointain et si proche : le temps d’avant les téléphones portables, ou, plus drôle encore, de leur arrivée. Stéphane brandit ainsi triomphalement son téléphone à « clapeeeeeeet ! ». Et ce pépiement enroué du modem se connectant péniblement à Internet… Il y a aussi des clins d’œil efficaces (comme celui, hilarant, au feuilleton Maguy, que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître !) mais dont Virginie Lemoine, c’est tout à son honneur, n’abuse pas.
Bref, 31 ne révolutionne pas le théâtre, mais a tout le reste à offrir : du rythme, des rires et de l’émotion, de belles chansons. Vivement le prochain réveillon ! ¶
Céline Doukhan
31, de Stéphane Laporte, Gaétan Borg, Stéphane Corbin
Livret : Stéphane Laporte, Gaétan Borg
Musique : Stéphane Corbin
Mise en scène : Virginie Lemoine
Avec : Carole Deffit, Valérie Zaccomer, Alexandre Faitrouni, Fabian Richard
Décors : Grégoire Lemoine
Costumes : Cécilia Sebaoun
Lumières : Denis Koransky
Son : Sébastien Angel
Photo : © Anthony Klein
Théâtre Buffon • 8, rue Buffon • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 27 36 89
Du 7 au 29 juillet 2016 à 13 h 15
Durée : 1 h 20
20 € | 14 € | 10 €