Festival Avignon 2025, Tiago Rodrigues, Annonce

Tiago-Rodrigues-Festival Avignon 2025 © Christophe Raynaud de Lage

Un festival sous le signe de la curiosité, de la pluralité, du débat

Lorène de Bonnay
Les Trois Coups

« Je suis toi dans les mots ». Ce vers du poète palestinien Mahmoud Darwich pourrait être la devise de la 79e édition du Festival d’Avignon qui se tient du 5 au 26 juillet (en même temps que le Festival Off, soulignons-le !). Des créations diverses vont nous révéler des gestes, des sons, des images, des mots aux spectateurs pour nous aider « à devenir autres » : « Quelle belle façon d’être ensemble ! », se réjouit Tiago Rodrigues. Et nous avec !

Dans une société marquée par des discours tellement polarisés, il faut « le débat pour ne pas se battre », commence l’ex ministre de la Culture Françoise Nyssen. Plus que jamais, cette édition vise donc à mettre en œuvre « la curiosité, le respect, l’amour de l’autre », explique le directeur artistique du Festival. Et Tiago Rodrigues fait ce qu’il dit en saluant les 700 salariés qui travaillent avec lui pour cet événement. Il rend aussi hommage aux milliers de personnes en France qui s’attachent à défendre des projets artistiques et culturels.

Puis, il nous dévoile une programmation qui comprend 44 projets artistiques, dont 42 spectacles et deux expositions, ainsi que 300 autres événements publics tels que des rencontres, débats, lectures, concerts, créations radio, projections cinéma et un grand nombre de projets de formation et transmission. 300 représentations et 121 000 places payantes sont proposées au public. La parité entre femmes et hommes est absolument respectée. La moitié des spectacles est créée en France. Quatre collectifs portent les créations de cette édition.

La langue arabe à l’honneur 

« Nous voyons le monde connecté par des langues, plutôt que divisé par des frontières et nationalités. Inviter une langue au Festival d’Avignon, c’est bien sûr accepter qu’aucune programmation ne saurait épuiser la richesse et la diversité de cette langue. C’est aussi trouver dans cette langue une inspiration qui nous déplace, qui nous pousse à entreprendre des voyages, à être curieux, à faire des découvertes, à nouer des dialogues, à aller là où nous ne serions pas allés sans elle ». Tiago Rodrigues rappelle ensuite que la langue arabe invitée cette année, est la cinquième langue la plus parlée au monde, la deuxième en France : « À la différence de l’anglais et de l’espagnol, invités lors des précédentes éditions et dont l’expansion s’est accomplie depuis l’Europe vers le reste du monde, l’arabe porte en lui d’autres mouvements, voyages et récits. Langue de lumière, de dialogue, de connaissance, de transmission, l’arabe est souvent, dans un contexte polarisé à l’extrême, pris en otage par les marchands de violence et de haine qui l’assignent à des idées de fermeture et de repli sur soi. L’inviter au Festival d’Avignon, c’est choisir de faire face à la complexité politique, plutôt que l’esquiver, faire confiance à la capacité qu’ont les arts de créer des espaces de débats et du commun. »

Les spectacles et artistes sont issus de Tunisie, Syrie, Palestine, Maroc, Liban, Irak, Algérie et Libye. La langue arabe et surtout sa calligraphie ont inspiré l’affiche : le bleu évoque notamment « le ciel bleu foncé qui nous accueille au début d’un spectacle dans un cloître, une cour ou une carrière », précise poétiquement Tiago, avant de lever le voile sur une programmation très prometteuse. Nous rendrons compte au plus près de son discours.

Parmi les invités de langue arabe, le Libanais Ali Chahrour revient au Festival avec When I saw the sea. Dans sa création, le mouvement, le chant et la parole donnent voix à trois femmes qui se battent contre une forme d’esclavage moderne. On la découvre à la FabricA, où elle était en résidence artistique. Sur cette même scène, Selma et Sofiane Ouissi, deux grands noms de la danse en Tunisie et dans tout le monde arabe, révisitent des traditions ancestrales et réinventent une de leurs pièces les plus connues, Laaroussa Quartet. Les chorégraphes interrogent le geste dans sa capacité à créer du lien et transformer les vies.

En partenariat avec les hivernales CDCN d’Avignon, le chorégraphe et danseur tunisien Mohamed Toukabri crée Everybody knows what tomorrow brings and we all know what happened yesterday. Tiago Rodrigues l’a connu à 18 ans lorsqu’il était un danseur virtuose de hip-hop se lançait dans la danse contemporaine : « Je l’ai vu devenir un artiste exceptionnel pour qui la puissance de la danse est sœur jumelle de la vulnérabilité et je suis fier que son travail soit présenté de nouveau au Festival d’Avignon cet été. »

« Taire », Tamara Al Saadi © Christophe Raynaud de Lage ; « Israël & Mohamed », Mohamed El Khatib et Israel Galvan, Tamara Al Saadi © Christophe Raynaud de Lage; Portrait de Selma et Sofiane Ouissi, « Laaroussa Quartet » © Luc Vieminckx

Plusieurs projets dans cette édition sont nés de la rencontre entre les outils du théâtre et le journalisme. Dont celui d’Aurélie Charon, Radiolive. Chacun des trois chapitres de son spectacle est présenté séparément au théâtre Benoît XII avec des voix issues de régions en conflit. Le 18 juillet, une intégrale de neuf heures est proposée au public du In habitué aux spectacles fleuve ! De même, Caroline Gillet, Koubra Kadhemi et Sumaia Sediqi nous font découvrir une installation immersive, vidéo et sonore inspirée de fameux podcasts (créés par Caroline Gillet avec la collaboration de deux jeunes femmes afghanes, Raha et Marwa). One’s own room inside Kaboul dure 50 minutes et est visible plusieurs fois par jour dans une salle du Cloître Saint-Louis. Pour les artistes, les spectateurs s’installent « dans le salon d’une jeune femme afghane. Les gens sont assis pour sentir et voir ces femmes obligées de mourir de manière graduelle. Mais les femmes ont choisi de résister pour vivre. Ce dispositif en forme de huis clos, suggère la fragilité du quotidien des femmes aujourd’hui en Afghanistan et nous rappelle la vitesse à laquelle les libertés fondamentales peuvent s’effondrer, que ce soit là-bas ou ailleurs. »

En partenariat avec le Printemps de Bourges et l’Institut du monde arabe, le soirée du 14 juillet est célébrée à la Cour d’honneur, au son des chansons de l’Astre d’Orient, la légendaire diva égyptienne, Oum Kalthoum. Cinquante après sa disparition, ses plus grands morceaux sont réorchestrés, réactualisés par des artistes tels que Natacha Atlas, Danil Kamelou, Elia Jordana, Souad Massi, Abdoula Amin Yahoui, Marouam Saleh et Rouna.

Encore avec l’Institut du monde arabe, le spectacle Nour (« lumière » en arabe) consacre une nuit à la poésie de langue arabe dite et chantée. Il rend hommage à son patrimoine ancestral et son immense diversité contemporaine, pendant « plus de trois heures de plaisir et de découvertes » dans la cour du lycée Saint-Joseph.

Taire de Tamara Al Saadi est un spectacle choral porté par « douze interprètes avec une force et une intensité caractéristiques » de son théâtre. Dans cette réécriture d’Antigone, nous assistons à « deux histoires, celle d’Eden, une petite fille placée à l’aide sociale à l’enfance, et celle d’Antigone, une Antigone qui refuse de parler », explique l’artiste. En partenariat avec la Ville d’Avignon, le Centre national des arts plastiques et la programmation Curiosité Terre de culture 2025, l’exposition l’Arrière-pays va montrer, en entrée libre à l’église des Célestins, le travail de plus d’une dizaine d’artistes visuels du monde arabe. Tiago Rodrigues nous invite également à découvrir dans le programme, Histoire de Vent, l’œuvre « magnifique » créée par les Libanais Johanna Djetomas et Khalil Jorej sur le Mistral à la Cour d’honneur.

Des nuits de danses et de merveilles…

La danse est généreusement représentée dans cette programmation et promet quelques nuits de rêves. Déjà, le spectacle participatif They always come back entame les festivités, en avant-première, le 4 juillet, sur le parvis du Palais des Papes. Cette création mondiale de la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen, en entrée libre, précède Nôt, la pièce chorégraphique de Marlene Monteiro Freitas, qui investit la Cour pour l’ouverture du Festival. L’œuvre de cette « artiste complice » portugaise signifie « nuit » dans le créole du Cap-Vert d’où elle est originaire. La chorégraphie explique s’intéresser à cet espace temps suspendu, brouillant les repères entre « identité et altérité », ainsi qu’aux contes des Mille et Une Nuits : Shéhérazade utilise les mots et l’imaginaire, nuit après nuit, pour « changer son destin ». La soirée sera filmée et rediffusée par France Télévisions.

Dans une autre cour, celle du Lycée Saint-Joseph, la chorégraphe danoise Mette Ingvartsen s’inspire des manies dansantes du Moyen-Âge, des carnavals ou des bals masqués avec Delirious Night. Son spectacle où la danse est une véritable célébration, suspend l’ordre social et propose d’autres formes d’être ensemble par le corps en fête.

Brel sera présent sur l’une des scènes mythiques du festival : la carrière de Boulbon. Accompagnée du danseur et chorégraphe français Solal Mariot, Anne Theresa De Keersmaeker se lance dans l’univers musical très inspirant de Jacques Brel, car ses chansons « nous concernent toujours : l’amour, l’amitié, la guerre, la mort, l’enfance, la vieillesse » et « la manière de gesticuler du performeur qu’était Brel » ont donné envie au duo de danser.

« Brel », Anne Teresa Keersmaeker et Solal Mariotte © Anne Van Aerschot; « Delirious night », Mette Ingvartsen © Christophe Raynaud de Lage; Portrait de Marlene Monteiro Freitas © Duarte Nuno

The Desert de Radouan Mriziga est une performance de danse, avec sept personnes sur scène, six danseurs et un DJ, à voir au Cloître des Célestins. L’artiste marocain, que suit Tiago depuis ses débuts, explore les mythes et les artisanats des peuples du désert, la culture amazigh, l’influence de la poésie arabe et une sagesse qui échappe à toutes les dominations. Le désert est conçu comme un espace de connaissance et un espace d’inspiration (la deuxième partie d’une trilogie, les montagnes, le désert et la mer).

Le génie du flamenco Israël Galban et le trublion du théâtre documentaire Mohamed El Khatib croisent leurs histoires artistiques et familiales, inspirées par les figures de leur père dans un solo surprenant. Israël et Mohamed travaillent ensemble pour la première fois et leur spectacle s’intitule précisément Israël et Mohamed. On le verra dans le sublime cloître des Carmes (en travaux l’année dernière).

« Nemo Flouret déplace la danse de ses espaces habituels avec fulgurance. En peu d’années, il a conquis une place singulière dans le paysage de la danse contemporaine ». Dans un partenariat du Festival d’Avignon avec la Comédie de Genève, la première mondiale de sa nouvelle pièce, Derniers feux, inspirée par des feux d’artifice, sera dévoilée à la cour du lycée Saint-Joseph. « C’est un spectacle qui s’installe dans le spectacle, où onze personnes qui n’ont pas grand-chose (ou presque rien) vont essayer de créer beaucoup. C’est un endroit qui se construit comme un abri où les rêves aussi peuvent avoir une forme de réalité, où, en tout cas, onze personnes vont partager ces rêves dans leur réalité », explique Nemo Flouret. Autre nuit fameuse, celle qui clôturera, en dansant, le Festival, à la FabricA. Marlène Monteiro Freitas invite le portugais Branco, un des fondateurs du groupe Buraka Som Sistema, musicien, DJ incontournable de la scène musicale lisboète, pour un grand concert, alliant rythmes urbains et influences afro-brésiliennes.

Des artistes de retour au Festival 

Depuis l’arrivée de Tiago Rodrigues à la direction du Festival, on prépare le retour de Thomas Ostermeier… Et on le retrouve enfin avec sa brillante compagnie, la Schaubühne, dix ans après l’inoubliable Richard III, à l’Opéra du Grand Avignon (critique de Lorène de Bonnay ici). Il présente en première mondiale un grand texte du répertoire : le Canard sauvage, d’Henrik Ibsen. « En 2012, nous avions présenté Un Ennemi du Peuple à Avignon et nous sommes de retour avec un autre Ibsen. C’est assez extraordinaire parce que l’un défendait la vérité et l’autre, The wild duck, montre peut-être que parfois, la vérité n’est pas la meilleure à dire à tout le monde », annonce le brillant dramaturge allemand.

Un autre maître revient au Festival : le Suisse Christophe Marthaler. Dans Le Sommet, spectacle de théâtre musical absurde qui est sa marque, des personnages et des langues venues de plusieurs pays se rencontrent au sommet pour discuter du monde, loin du monde.

Après nous avoir offert plusieurs spectacles à Avignon (dont la Cerisaie, By heart, Hécube, pas Hécube lire les critiques de Lorène de Bonnay en cliquant sur les liens), Tiago Rodrigues présente sa nouvelle création à l’Autre Scène de Vedène : « La Distance raconte une histoire qui se déroule en 1977 entre un père (Adama Diop) et une fille (l’excellente jeune actrice Alison Deschamps). Le père habite sur la planète Terre, planète de plus en plus précaire, alors que sa fille est partie sur Mars, la planète rouge. C’est une histoire de science-fiction intime qui se demande comment l’amour entre un père et une fille peut survivre entre deux planètes. »

La française Clara Hédouin a marqué les esprits des festivaliers en 2023 avec son spectacle dans notre chère montagnette à Barbentane, à partir de l’écriture de Jean Giono. Elle revient cet été, accompagnée du même auteur. Une nouvelle fois, sa proposition théâtrale dans la nature, Prélude de Pan, « dialogue avec le paysage, fait se rencontrer les mots de Giono, de ce territoire, et ceux des gens de Paris ».

Cette année, l’habituelle « pièce commune », produite par le Festival d’Avignon, itinérante, est créée par l’un des grands noms du théâtre européen, bien connu des festivaliers, le Suisse Milo Rau, que l’on est heureux de retrouver (après Antigone in the Amazon ou La Reprise) . La lettre est jouée tous les jours dans un endroit différent. « La pièce présente d’un côté une jeune actrice obsédée par l’idée d’être Jeanne d’Arc, de la représenter sur scène, de l’autre un jeune acteur flamand qui a l’obsession de jouer la Mouette avec sa grand-mère morte. Il y aura aussi sur scène une intelligence artificielle et la voix d’Isabelle Huppert ».

« Le Canard sauvage », Thomas Ostermeier © Schaubühne; « Les Incrédules », Samuel Achache © Lisa Navarro

On retrouve avec joie le troisième volet du projet Démonter les remparts pour finir le pont de Gwenaël Morin. Après Shakespeare et Cervantès (lire les critiques en cliquant), il monte les Perses d’Eschyle, « la plus ancienne des tragédies grecques connues. La pièce parle d’eux pour parler de nous et sera l’une des premières mondiales de cette édition du Festival d’Avignon », souligne Tiago Rodrigues.

Le partenariat historique avec la SACD se poursuit pour notre plus grand plaisir avec Vive le sujet Tentatives, un espace qui privilégie la recherche et l’expérimentation, avec six courtes créations présentées au Jardin de la Vierge du Lycée Saint-Joseph. Les deux premières sont signées par l’Ukrainienne Olga Dukovna (qui se demande où termine l’hommage et où commence le plagiat en danse) et le Syrien Boyel Kadour (lequel s’interroge sur les conditions de création des artistes en contexte de crise politique).

Il faut aussi mentionner le spectacle Logbook de Solène Wachter et Bryana Fritz : elles font entrer en collusion leurs univers artistiques et produisent un égrenage de formes brisées. « J’ai invité l’artiste Briana Fritz à venir penser et performer avec moi un kaléidoscope de références. On va s’intéresser à différentes technologies qui permettent de passer d’un matériel disparate à un autre, pour créer ensemble notre propre danse zapping. C’est aussi l’occasion d’ouvrir l’une à l’autre nos logbooks, nos journaux de bord, nos sphères artistiques », explique Solène Wachter.

Frédéric Fisbach est aussi de retour au Festival d’Avignon avec Dida Nibagwire pour présenter le spectacle Gahugu Gato, arrivé du Rwanda. Il s’agit de « l’adaptation du fascinant et brûlant premier roman Petit pays de Gaël Fay, sur l’histoire d’une famille pendant le génocide des Tutsis au Rwanda ».

Accompagné de l’orchestre de l’Opéra de Nancy, Samuel Achache, Sarah Le Picard, Florent Hubert et Antonin-Tri Hoang reviennent au Festival d’Avignon avec Les Incrédules, un spectacle où la tragédie se mélange à l’improbable : « un opéra qui traite de la question du miracle, mais qui tente de comprendre ce que peut être un miracle aujourd’hui, d’un point de vue intime et ultra subjectif. C’est donc l’histoire d’une femme qui apprend la mort de sa mère par téléphone, et au moment où cela se produit, cette même mère-là entre chez elle » (le spectacle sera enregistré et diffusé par Arte le 22 juillet).

La Maison Jean Vilar présente toujours des expositions (lire le papier de Laura Plas ici) : cette année, Les clés du Festival est consacrée à l’histoire du Festival d’Avignon, donnant à connaître presque 80 ans d’aventures aux festivaliers. La nouveauté, c’est qu’elle sera permanente (ouverte aux visiteurs toute l’année).

On retrouve évidemment Le Café des idées, le lieu de convivialité, de programmation, de débats et pensées, le « cœur battant » du Festival, au Cloître Saint-Louis. Outre les artistes de la programmation, des rencontres avec Leila Slimani, Eva Illouz, Gaël Fay, Patrick Boucheron, Lorraine de Sagazin, Arie Halimi, Elias Sambar, Nabil Ouakim, etc. seront l’occasion de réfléchir à de grandes questions sociétales. Les Rencontres pro (rencontres, recherches et créations organisées avec l’ANR qui rassemble des artistes de la programmation avec des scientifiques du monde entier) et, encore une fois, l’extraordinaire projet de Radio Making Waves, sont au rendez-vous. Il en est de même pour les Territoires cinématographiques avec le Cinéma Utopia, les rencontres au musée Calvet et Ca va, ça va le monde avec RFI du 15 au 20 juillet, les Fictions France Culture, Les Belles heures des auteurs Artcena (lire l’article), à la Maison Jean Vilar. Cette année, la romancière franco-marocaine Leila Slimani écrit une création radiophonique qui explore son rapport avec la langue arabe.

On peut toujours profiter de la Collection Lambert, un partenaire historique, de la 6e édition, déjà, du Souffle d’Avignon (cycle de lectures organisé par l’ensemble des scènes d’Avignon et de festival, au Palais des Papes en entrée libre, de la foisonnante programmation des rencontres d’été à la Chartreuse CNES de Villeneuve-lès-Avignon, (permettant la découverte d’autrices et auteurs de langue arabe), et de Transmission impossible. Cette grande école d’été du Festival d’Avignon menée par Mathilde Monnier a été imaginée en 2024 : plusieurs artistes complices fonctionnent comme des mentors de jeunes artistes émergents venus de toute la France, mais aussi d’Algérie, Rwanda, Mozambique, Turquie, Espagne, Italie, Taïwan, Corée, Égypte et encore d’autres pays.

Premières fois au Festival

Peu présent hors de Grèce, c’est la première fois que son théâtre est dévoilé en France : Mario Banushi est un artiste albanais de seulement 26 ans qui travaille à Athènes. Jeune prodige, il crée un théâtre onirique et visuel bouleversant. Sa dernière création, Mami, est un hommage complexe à la figure maternelle aux mille visages.

C’est la première française d’un solo qui a déjà tourné dans le monde, interprété par Amrita Epi, danseuse issue des peuples autochtones de Nouvelle-Zélande et Australie : « Le spectacle Rinse, signé par elle-même et Mish Krigor, plein d’humour et de poésie, parle de débuts dans un monde trop habité par des récits de la fin ».

Le Festival d’Avignon, en collaboration avec le Vienneur Festbocken, le Festival de Vienne, rend hommage à Gisèle Pelicot avec une lecture mise en scène au Cloître des Carmes pour une soirée unique. Servane Dècle et Milo Rau collaborent avec les avocats de la famille Pelicot, des experts psychologues, des chroniqueurs judiciaires et des associations féministes pour constituer la version scénique du procès (qui s’est déroulé à Avignon) : Le procès Pelicot est interprété par plusieurs dizaines de comédiennes invitées une seule soirée au Cloître des Carmes. « Son courage a bouleversé le monde entier et symbolise aujourd’hui le combat que nous devons toutes et tous mener contre les violences faites aux femmes. La honte doit changer de camp », insiste Tiago.

Le metteur en scène Joris Lacoste, qui « s’inscrit dans la grande lignée des grands poètes du quotidien », présente la première mondiale de Nexus de l’adoration, une fausse comédie musicale, un joyeux concert de différence et dissonance ».

« Fusées », Jeanne Candel © Jean-Louis Fernandez; « Item », Théâtre du Radeau, François Tanguy © Jean-Pierre Estournet

Jeanne Candel amène une proposition pour le jeune public, mais aussi pour tout le public, avec Fusées, un « poème théâtral sur l’exploration spatiale très beau et émouvant », présenté au Théâtre Benoît XII. « Ici, il n’y a pas d’écran, pas de haute technologie, pas de machine, mais simplement les rudiments pour l’imagination du spectateur », précise l’artiste.

La nouvelle directrice du CDN d’Orléans, Émilie Rousset, présente la première mondiale d’Affaires familiales, une pièce de récits intimes et juridiques : « Je suis partie à la rencontre d’avocates en droit de la famille et de justiciables dans différents pays d’Europe. Sur scène, des actrices et des acteurs rejouent cette mosaïque de rencontres dans plusieurs langues. On retrace des histoires intimes confrontées au droit. Des dossiers de parentalité LGBT, de violences intrafamiliales, des dossiers que certaines avocates portent même jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Ce sont des histoires qui sont le reflet de tensions, d’évolutions, qui mettent au défi la justice et qui viennent nous interpeler, nous interroger, nous, en tant que société. »

Une nouvelle collaboration voit le jour avec Avignon Bibliothèques : L’heure du conte est proposée aux enfants et ses familles, ainsi qu’un partenariat avec l’Institut du monde arabe. Il faut enfin annoncer que la programmation Curiosité Terre de Culture 2025, au Palais des Papes et dans tous les musées de la ville et la ville d’Avignon, célèbre le sculpteur Jean-Michel Othoniel.

Hommage au théâtre 

Cette édition met en valeur « l’une des aventures les plus radicales et importantes du théâtre français de notre temps », celle de François Tanguy et du Théâtre du Radeau. Au gymnase du lycée Mistral, les deux dernières œuvres du metteur en scène (décédé en 2022 et parmi les plus influents de la scène française), sont dévoilés. La première de ces pièces est Par autan, un voyage onirique, beau et troublant, habité par Tchaïkovski, Berlioz, Kafka, Ovide.

Le-Soulier-de-satin-Paul-Claudel © Jean-Louis-Fernandez

« Le Soulier de satin », Paul Claudel © Jean-Louis Fernandez

L’un des événements majeurs de cette édition est incontestablement la reprise d’une pièce mythique : Le Soulier de satin de Paul Claudel, montée en 1987 par Jean Vilar à la cour d’honneur. La mise en scène magnifique d’Éric Ruf, avec la troupe de la Comédie Française (présente l’année dernière au Festival) « révèle toute la force théâtrale de cette pièce et nous propose une nuit inoubliable jusqu’à l’aube, dans le Palais des Papes ». Quel enchantement d’écouter Éric Ruf s’adresser à nous : « Le Soulier de Satin fait partie des aventures que tu as envie de vivre : faire une apnée aussi longue… Surtout, tu sais que les comédiens et le public traversent la même chose. C’est une espèce de grand roman d’aventure mondiale, qui est appuyé sur le duo de Rodrigue et de Prouhèze. L’histoire de deux êtres qui vont vivre une passion dingue d’un continent l’autre et qui se parlent comme s’ils avaient un acouphène entre eux. Qui les retire de leur vie, qui les bouleverse absolument. Et il y a une sorte de manipulation divine au-delàC’est une histoire d’amour et de transcendance. » (Lire la critique de Florence Douroux).

La présentation de cette nouvelle édition par Tiago Rodrigues annonce des jours et des nuits d’aventures que l’on se réjouit déjà de vivre.

Lorène de Bonnay


77e édition, du 5 au 26 juillet 2025

Festival d’Avignon • Cloître Saint-Louis • 20, rue du Portail Boquier • 84000 Avignon
Programmation en ligne
Réservations : en ligne • Par tel. dès le 21 juin : 04 90 14 14 14 • au Cloître Saint-Louis
Plus d’infos ici

Revoir la présentation de la programmation ici

À découvrir sur Les Trois Coups :
La programmation rêvée de 2020, par Lorène de Bonnay

Photo de une : Tiago Rodrigues  © Christophe Raynaud de Lage / Festival Avignon 2025

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