Comme un grand bol d’air frais
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Nathalie Béasse propose ici un spectacle comme elle en a le secret, léger, délicat, fluide, plein d’émotions. Elle a écrit pour trois jeunes comédiens du TNS, cette adaptation de « l’Homme des bois », œuvre de jeunesse de Tchekhov, pas reconnue par l’auteur lui-même, alors qu’elle esquisse « Oncle Vania ».
Le véritable héros de cet Homme des bois, Khrouchtchov, est un personnage très contemporain qui a souci de la nature et plante des arbres à l’infini. Il aime la forêt et ne se résout pas à voir partir sa beauté en fumée dans poêles et cheminées. Pis, il s’acharne à replanter les arbres arrachés par ses voisins, y voyant une atteinte à la terre. Face à lui vit toute une famille regroupée autour d’un propriétaire terrien, de son régisseur Voïnitzki, aigri d’une vie de misère, et de deux femmes belles et solaires, Sonia et Héléna.
Mais comme à l’accoutumée, seuls comptent vraiment, pour la metteuse en scène, l’atmosphère et le sens de l’œuvre. Les trois jeunes interprètes nous en préviennent en lever de rideau en tentant, sans y parvenir vraiment, de nous raconter cette histoire, en guise d’introduction joyeuse et brouillonne, tout sauf improvisée.
Le plateau est nu, ou presque, avec un fond de scène tout blanc, à jardin des ventilateurs, des seaux de plastique, une tête de chamois empaillé (qui suit Nathalie Béasse de spectacle en spectacle) en partie dissimulés. À cour, une table avec ses chaises semble attendre un moment de fête. Si celle-ci n’aura pas lieu, les ventilateurs et les seaux constituent des éléments essentiels du spectacle. Car Nathalie Béasse porte une grande attention au côté visuel de ses spectacles : acteurs et objets construisent ensemble des performances qui n’ont qu’un but : créer du rêve.
L’esprit du jeu
Ainsi les comédiens jouent-ils avec de longues bandes de plastique transparent qui les recouvrent, comme des nuages ou des voiles. De même, ils vont aussi apporter les seaux qui attendaient à jardin et jeter sur scène ce qu’ils contiennent d’infiniment précieux : de la terre. Les deux acteurs se les disputent, puis se lancent cette terre, comme ils feraient des boules de neige. Le théâtre et l’enfance se retrouvent autour du jeu, belle métaphore.
Tout en gardant l’esprit du jeu, la fable est là : il faut sauver la nature, il est encore temps et nous revivrons. Quand Khrouchtchov se met à recouvrir le fond de scène, il est suivi des autres interprètes. À toute allure, comme si leur vie en dépendait, ils transforment l’espace en forêt. C’est beau et émouvant.
Nathalie Béasse tire le meilleur de ces jeunes comédiens, dont l’engagement, la finesse, la précision dans l’interprétation méritent d’être reconnus. Retenez bien leurs noms : Mehmet Bozkurt, Soriba Dabo et Julie Grelet sont stupéfiants de naturel. 🔴
Trina Mounier
Nous revivrons, de Nathalie Béasse
Compagnie Nathalie Béasse
Petite forme itinérante librement inspirée de L’Homme des bois d’Anton Tchekhov
Conception, mise en scène et scénographie : Nathalie Béasse
Avec : Mehmet Bozkurt, Soriba Dabo, Julie Grelet
Assistant : Clément Goupille
Avec la complicité de Sabrina Delarue, Étienne Fague
Une commande de la Comédie de Colmar et du TNS avec trois jeunes interprètes ayant bénéficié du programme 1er Acte
Participation artistique : Jeune théâtre national
Durée : 1 h 15
Théâtre de la Bastille • 76, rue de la Roquette • 75011 Paris
Du 6 au 31 mars 2023, relâche le dimanche
De 15 € à 28 €
Réservations : 01 43 57 42 14 ou en ligne
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Tout semblait immobile, de Nathalie Béasse, par Laura Plas
☛ Happy Child, de Nathalie Béasse, par Trina Mounier
