Édito, rentrée 2025

Biennale Danse Lyon-Defile 2023_Thanh-HaBui

C’est la rentrée !

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Après les festivals estivaux, voici une sélection d’événements marquants à venir : festivals, temps forts, lancements de saison, inaugurations, mouvements… On fait quasiment un tour de France ! Malgré le contexte morose, on continue de vibrer au rythme des créations et des rencontres. Car le temps est maussade. Comme la météo, soumise au dérèglement climatique, la culture va mal, en attestent les déboires de L’Échangeur à Bagnolet. Merci aux artistes et à leurs équipes de se battre pour contribuer à rendre notre monde vivable. Ils nous éclairent, nous font rêver.

Les festivals : l’été continue

Commençons par le plus important : le Festival d’Automne à Paris. De septembre à décembre, pas moins de 83 propositions (théâtre, danse, musique, arts visuels, performances) rythment l’automne, à Paris et en Ile-de-France. Après l’ouverture, le 4 septembre, avec Trajal Harrell, qui poursuit son dialogue avec la danse expérimentale japonaise, de nombreux artistes sont programmés dans le cadre de la Saison Brésil France 2025. À ce titre, la chorégraphe Lia Rodrigues est de retour avec Borda, création qui marque et célèbre les 35 ans d’existence de sa compagnie installée depuis 2004 dans la favela de Maré à Rio de Janeiro.

À découvrir le 12 septembre : la figure emblématique de l’avant-garde brésilienne Lygia Pape, dont la performance exceptionnelle n’existe qu’à travers la participation collective. Des corps reliés par une immense toile blanche avancent ensemble dans l’espace, transformant la ville en scène vivante. Cela donne le ton d’« un Festival qui se conçoit comme un espace commun où l’art se construit avec celles et ceux qui le vivent ».

Performance de Lygia Pape au Museu de Arte Moderna, Rio de Janeiro, 1990 © projeto Lygia Pape Courtesy Projeto Lygia Papebis ; Laurène Marx © Festival d’Automne à Paris ; Restitution atelier, Casa do Povo © Festival d’Automne à Paris ; « Borda », Lia Rodrigues © Festival d’Automne à Paris

Des membres d’Ilú Obá de Min viennent aussi pour la première fois à Paris, dans le cadre de la carte blanche à la Casa do Povo. Ce collectif, qui rend toujours hommage à des figures féminines noires, réunit aujourd’hui près de 400 femmes. Il ouvre chaque année le carnaval de São Paulo avec ses percussions, ses danseuses et échassiers. Un atelier participatif est proposé avant une restitution publique gratuite le 20 septembre à la Maison des Métallos. À cette occasion, le Festival expérimente de nouvelles formes de convivialité, et inaugure pour la première fois « un QG, ouvert aux bouleversements et à une réinvention collective ».

À suivre également, au Théâtre Ouvert et à l’Espace 1789 de Saint-Ouen, le portrait de Laurène Marx, femme trans non binaire dont l’œuvre dénonce le classisme et la violence sociale. Enfin, on attire l’attention sur Émilie Rousset, qui poursuit son exploration de nos archives contemporaines à partir de rencontres avec des avocates et des justiciables en Europe.

Du 6 septembre au 4 octobre, rendez-vous au cœur de Roissy, dans 15 villes du Val d’Oise et de Seine-et-Marne pour PRIMO, festival de spectacles de rue gratuits et itinérants porté par Le Moulin Fondu, Oposito CNAREP. Au programme : 3 temps forts, 19 spectacles, 21 compagnies invitées et 34 représentations de théâtre, danse, musique et cirque, à découvrir sur une place, au coin d’une rue, ou même sur les toits d’un immeuble. On recommande, notamment Dédale de Clown (lire la critique de Léna Martinelli) et League & Legend (lire ici).

Cergy Soit ! se déroule du 12 au 21 septembre. On relève de grands noms des arts de la rue, tels Transe Express, En corps En l’air, Le Grand Colossal Théâtre, des fanfares et même une performance humaine et robotique ! On y repère plusieurs spectacles déjà couverts dont Trop près du mur, de Typhus Bronx (lire la critique de Stéphanie Ruffier), Carmen d’après Bizet, de Maurice et les autres.

« Trop près du mur », Tiphus Bronx © Fabien Debrabandere ; « Fargar », Berta Baliu © Marc Butxaca ; « Hune » © Paon dans le ciment ; « Gagarine is not dead », En corps En l’air © Luc Vivet ; © Ulik Robotik

Sur la pelouse de Reuilly à Paris, Village de cirque nous propose, du 12 au 21 septembre, du cirque sous toutes ses formes, hybrides, singulières, militantes, dans l’ambiance inimitable et fraternelle d’un chapiteau. La compagnie Takakrôar, initialement prévue, est remplacée par Cie La Bossue : sur 1 m2, Mon Royaume pour un cheval est un concentré d’émotions (lire la critique de Stéphanie Ruffier). Hourvari, de la Cie Rasposo (Marie Molliens) poursuit sa tournée (lire la critique de Laura Plas) avec ces premières en ÎIe-de-France. À côté d’autres grands noms (le Cirque Queer ou Les Colporteurs), des artistes sont à découvrir, tel Daniel Kvašňovský, la Cie Titanos ou encore la Cie Charge Maximale de rupture.

Quittons l’a région parisienne pour Charleville-Mézières : du 19 au 28 septembre, la 23édition du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes accueille 86 compagnies venues de 23 pays différents, avec les Pays Baltes à l’honneur. Seront notamment présentes les compagnies Plexus Polaire (Yngvild Aspeli), Les Anges au Plafond, Point Fixe (Christian Hecq et Valérie Lesort), Gare Centrale, Blick Théâtre, Compagnie Trois-6ix-Trente (Bérangère Vantusso). Parmi les spectacles déjà couverts : Mizu, Cie Furinkaï Théâtre de l’Entrouvert (lire la critique de Stéphanie Ruffier) et Kamp, d’Hotel Modern (lire la critique de Léna Martinelli).

« Kamp », Hotel Modern © Leo van Velzen; « Packrat », Concrete Temple Theatre © Stefan Hagen; « Le Printemps », Sitio © Julien Pacaud; « Mizu » © Théâtre de L’Entrouvert ; Ambiance de rue © Hervé Dapremont

Le dernier week-end de septembre, dans 11 villes complices de l’Agglomération Creil Sud Oise, Mosaïque fera battre les cœurs à l’unisson. 8 spectacles dans l’espace public vont célébrer un langage universel, celui de la solidarité : « La 6édition nous embarquera pour des moments d’émotions, de rires, de poésie joyeuse, de luttes engagées et d’émerveillements singuliers… Durant 4 jours relions-nous au monde qui nous entoure », s’enthousiasme la directrice Joséphine Checco.

Après le choc esthétique de la cie Gratte Ciel, l’an passé (lire le reportage de Lena Martinelli), celui visuel et sonore de la Cie Deabru Beltzak devrait également laisser des souvenirs impérissables. Symfeuny, ça crépite, ça en met plein les yeux et les oreilles. Tout comme ADN, de Transe Express qui déploie sa plus grande création à ce jour, une sculpture lumineuse de 44 m de haut, un opéra électro perché dans les airs. Entrons dans la danse avec le bal participatif intergénérationnel de David Rolland Chorégraphies ou avec les 10 jeunes virtuoses de l’Académie Fratellini, coachés par MazelFreten, une chorégraphie hip-hop électro qui explose les styles. Friterie mon ami·e (Bonjour Désordre), une invitation à écouter des histoires de vie du Nord dont l’essence même est l’hospitalité, filera aussi… la patate ! Le nom des spectacles et compagnies est déjà tout un programme : D’arbre en arbre, la déambulation lumineuse de Carabosse ; Comme le vent (La Croisée des Chemins), un spectacle à réactions libres ; Sanké, des acrobaties et danses métissées…

« ADN », Transe Express © Michel Wiart ; « Friterie mon ami·e », Bonjour Désordre © Kalimba ; « Hit Hip Pop Classic Parade » © Coralie Bougier; « Synfeuny » © Cie Deabru Beltzak

Porté par Château Rouge, le festival de rue gratuit et pluridisciplinaire Friction(s) est un événement majeur pour Annemasse et sa région, du 18 au 20 septembre. Parmi la vingtaine de propositions, nous attirons l’attention sur ces spectacles déjà vus : Clinch et Chez soi, de L’Éolienne (Florence Caillon), excellents récits acro-chorégraphiques de rencontre entre un homme et une femme (lire la critique de Léna Martinelli) ; l’hilarant Plig Klang, de Mathieu Despoisse et Étienne Manceau, un spectacle en kit et confidences (lire la critique de Léna Martinelli) ; l’entresort clownesque des Établissements Félix Tampon où « l’exa-gérant » Félix Tampon et ses associés partagent chansons, rêves et folies douces dans la joie et la bonne humeur (lire la critique de Léna Martinelli) ; Roue Giratoire, des filles du renard pâle qui imaginent un spectacle à 360 degrés, entre équilibre et course contre la montre (lire la critique du précédent spectacle, Révolte, de Léna Martinelli).

On continue notre tour de France avec la Biennale de la danse, à Lyon, du 6 au 28 septembre pour sa 21édition à la programmation enthousiasmante. Comme le veut la tradition, pour l’ouverture, Mehdi Kerkouche transformera aussi la Place Bellecour en une gigantesque piste de danse.

Collectif XY © Samuel Buton, Fabrice Dimier ; « Rozeo », cie Gratte Ciel © Susy Lagrange ; « Avignon, une école », Fanny de Chaillé © Marc Domage ; Kamchàtka © FAB25

Ne pas manquer non plus, le FAB25, du 26 septembre au 11 octobre dans la ville comme en pleine nature, ou au bord de l’eau (Bordeaux Métropole). Cette année, on célèbre le 10anniversaire du festival. Pour le week-end d’ouverture, entièrement gratuit, on débute les festivités avec audace et panache : performance renversante, danse avec les nuages, installations nidicoles, expo photo, arts du cirque, parade à vélo disco et, « cerise sur le gâteau (d’anniversaire) », une FABoum-dancefloor inédite avec le Collectif ussé inné.

Le Chaînon Manquant est aussi ouvert à l’international, plus exactement la francophonie du monde entier. Cette année, le Québec est à nouveau invité mais aussi le Luxembourg, pour la première fois. La 34édition aura lieu du 16 au 21 septembre, « dans un format revisité s’adaptant à la nécessité économique ». La programmation reste de qualité. Elle se déploiera chez les partenaires culturels historiques (le Théâtre de Laval, le 6PAR4 et le Quarante), laissant libre le square de Boston qui depuis toujours abritait le Village : « Bien qu’abattu et choqué par tant de mépris et de violence, le conseil d’administration du Réseau Chainon, l’équipe et tous les partenaires fidèles et engagés ont travaillé au meilleur dispositif pour maintenir la prochaine édition », lit-on dans l’édito. On les soutient.

Lancements de saison : vents de fête

On n’oublie pas les ouvertures de saison : celles du Palc PNC de Châlons-en-Champagne, le 12 septembre avec Gregarious (Soon Circus Company) etLa Gender Reveal Party (House of Hermess) en sortie de résidence. Ni, celle en fanfare, du Cirque Théâtre d’Elbeuf PNC, au titre ironique, « Tout va hyper bien ! » : « C’est avec ce mantra du collectif Les Malunés que nous avons pensé collectivement cette programmation 25 / 26, afin qu’elle soit poétique et décalée, pleine de joie et participative, valorisant l’entraide et le partage, marquant le retour du théâtre équestre et la présence plus régulière de musiciens sur la piste (…) nous donnant l’illusion, le temps d’un moment suspendu, que… tout va hyper bien », lit-on dans l’édito.

© Soon Circus Company ; « Parfois ils crient contre le vent », Sophia Pérez © Cie Cabas

Un vent de fête souffle effectivement sur Elbeuf. La Cie Cabas (Sophia Pérez) ouvre la saison après deux semaines passées sur le territoire elbeuvien avec deux spectacles gratuits les 6 et 7 septembre : une performance collective haut perchée se joue au square Saint-Jean, avant que la Fanfare Toto ne s’empare de la piste du Cirque-Théâtre avec un répertoire au groove oriental : Parfois ils crient contre le vent et Souvenirs d’Orient.

Parmi les autres temps forts, on retient celui imaginé par Elsa Boublil, directrice du Théâtre de la Concorde, à Paris, et son équipe, pour leur remarquable projet bâti autour de sujets d’actualité et de la vie démocratique : un procès fictif (Le Procès de la rentrée !, le 16 septembre, une proposition de Stéphane Benhamou, d’après son roman La Rentrée n’aura pas lieu),ungrand concert interactif (avec Paul Serri le 25), un Bal Littéraire (imaginé par Fabrice Melquiot le 27). Un espace de dialogue et de découverte à fréquenter assidûment.

Inaugurations : de la fraîcheur

On se réjouit de l’ouverture de nouvelles structures. Après plus de deux ans de travaux, Le ZEF, inaugure, le 23 septembre, la Gare Franche, un espace de résidence, de travail et de jardins dans le 15arrondissement de Marseille, en complément du Merlan, dédié à la diffusion, dans le 14e. Porté par une programmation exigeante et un engagement social fort, la scène nationale s’affirme comme un lieu de spectacle, de vie, de rencontre et d’expérimentation, un lieu de partage et d’ouverture qui intègre des outils atypiques tels que la cuisine et les jardins.

Les festivités sont à l’image du projet. Ainsi, entre autres, les femmes du Plan d’Aou mettront-elles les mains à la pâte avec Floriane Facchini pour nous offrir une démonstration de fabrication de pâtes, en lien avec sa future création prévue en mai, La Pastasciutta antifascista. Entre DJ set et cours de cuisine antifasciste, une ode à celles et ceux qui font de la nourriture un acte joyeux, politique et révolutionnaire, concoctée spécialement pour célébrer collectivement nos précieuses libertés. Aux fourneaux !

Odile Grosset-Grange, nouvelle directrice du TNG – CDN de Lyon, présentera son projet et sa saison le 20 septembre : « Le TNG retrouvera pleinement sa spécificité de création destination de la jeunesse. Toutes les jeunesses, de la crèche à l’université, sans oublier qu’on peut être un jeune spectateur à tout âge de la vie », écrit-elle dans son édito. « Avec exigence curiosité et enthousiasme nous ferons du TNG un lieu de création et de transmission autour de nouveaux récits et des auteurs vivants. Un lieu d’émergence artistique et de rencontres entre les générations, les disciplines et les imaginaires. Puissions-nous toujours être à la hauteur de nos futurs souvenirs d’enfance ». On a hâte.

Jérôme Thomas © Christophe Raynaud de Lage

Pour Jérôme Thomas, il est temps de partir. Mais, lui, a choisi de tirer sa révérence. Pour fêter ses 33 ans et marquer la fin de son activité artistique, sa compagnie organise TIME, notamment au Cirque Lili de Dijon, du 10 au 14 septembre, « un dernier feu d’artifice. Un dernier pétard qui fait Boum ! ». Au programme : 5 jours dédiés au cirque contemporain où se rencontreront artistes et publics, (dont Assis, sa dernière création, chroniquée ici). L’artiste continue toutefois à transmettre, puisqu’il deviendra, à partir d’octobre, le directeur artistique de l’école Cirko Vertigo à Turin.

Mobilisations : sale temps pour la culture !

Contre vents et marées, certains soutiennent la création et la réflexion citoyenne, célèbrent le pouvoir imaginaire et la puissance de la rencontre. Or, les pouvoirs publics, dont le rôle est pourtant de favoriser l’épanouissement et la diversité de l’offre culturelle, conçoivent de plus en plus la culture comme une option. Cherchez l’erreur ! Après la Gaîté Lyrique, dont nous avions relayé les déboires ici, mais à nouveau sur pied (lire leur édito), c’est au tour d’une autre institution culturelle parisienne de tirer la sonnette d’alarme. La nouvelle saison de L’Échangeur Cie Public Chéri, la 30e depuis l’ouverture du théâtre, est marquée par un risque de fermeture à court terme suite aux annonces de coupes budgétaires (baisse de 40% de ses subventions).

Depuis plusieurs mois, la forte mobilisation pour venir à son secours portera-t-elle ses fruits ? « Le modèle de défense mis en place de façon empirique est conséquent (plus de 900 à s’être regroupées en collectif sous l’appellation Les ami·e·s de L’Échangeur). Composé de nombreuses équipes artistiques mais aussi d’habitants, d’enseignants, de travailleurs sociaux, d’acteurs associatifs, de syndicalistes, d’élus, il témoigne de l’attachement d’une population à un lieu d’art et de culture et d’une incontestable réussite en matière de démocratisation culturelle », détaille Régis Hébette, le directeur.

© L’Échangeur Cie Public Chéri

« Rien n’est acquis à ce jour et le péril demeure. Mais l’annonce faite début juillet par le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis de revenir dès 2025 sur la baisse de 15.000 € de son financement marque une première évolution positive. Que fera la DRAC Ile-de-France (qui a retiré 80.000 € en deux ans à L’Échangeur) ? », s’interroge-t-il. Le 9 septembre prochain à 18 h 30, L’Échangeur et les Ami·e·s de L’Échangeur initient donc une nouvelle rencontre publique (la 5e) : « Des victoires sont possibles » ! Y aller en nombre, à cette occasion et durant la saison, est leur meilleur soutien.

Par ailleurs, à la suite d’une réunion publique tenue en mairie d’Avignon le 19 juillet, un appel est rendu public pour défendre plus globalement le monde de la création : Nous décrétons l’état d’urgence culturelle : l’appel pour de nouveaux états généraux de la culture. Prochain rendez-vous le 14 septembre à la Fête de l’Humanité, à 14 h 30, à l’Espace Jack Ralite.

La Gaîté Lyrique, dont nous nous réjouissons d’apprendre la reprise des activités, cite Albert Camus : « Au milieu de l’hiver, nous avons appris qu’il y avait en nous, un été invincible ». Oui, résistons, pours des moissons culturelles en toutes saisons.

Léna Martinelli


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