Nuit du Cirque 2024, annonce, Territoires de Cirque

À vue-cie 32 novembre © Blandine Soulage

Un évènement d’envergure internationale

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Pour cette 6édition portée par Territoires de Cirque (TDC), on compte plus de 275 rendez-vous les 15, 16 et 17 novembre, soit un nombre toujours plus important de lieux participants et de propositions, non seulement en France mais aussi à l’étranger. Un succès mérité qui donne à voir la vitalité et la grande diversité de ce champ de la création encore assez largement méconnu.

Fondée en 2004 dans l’élan de l’Année des Arts du cirque, l’association Territoires de Cirque rassemble aujourd’hui 62 structures, dont les Pôles Nationaux Cirque (PNC), engagées dans le soutien à l’émergence, la création et la diffusion. Qu’elles soient laboratoires de recherche, scènes nationales ou conventionnées, théâtres de ville, services culturels, festivals, lieux de patrimoine ou établissements de production, ces structures sont ouvertes à toutes les esthétiques. Les générations d’artistes s’y croisent dans un joyeux charivari où un cirque d’actualité portant sur des questions brûlantes tel que l’écologie, l’identité, l’effondrement, côtoie un cirque résolument poétique ou divertissant.

« Instante », Juan Ignacio Tula © Christophe Raynaud De Lage ; « Quarantaines », Véronique Tuaillon © DR ; « Le Membre Fantôme », cie Bancale © Sébastien Armengol

Malgré le contexte morose, les arts du cirque semblent en forme, comme l’explique Vincent Berhault, vice-président de TDC, directeur de la Maison des Jonglages : « La Nuit du Cirque, qui offre une photographie à l’instant T la plus juste possible de l’état du cirque de création, témoigne d’une dynamique. Toutefois, cette créativité va nécessairement être affectée par les coupes budgétaires annoncées pour l’ensemble des arts vivants, et plus généralement des services publics, qui interviennent dans un contexte déjà très fragilisé par le Covid, puis par la hausse du coût de l’énergie. De nombreuses compagnies, même bien installées, ont une saison 24-25 très réduite et une visibilité très limitée et peu engageante sur la suite. La Nuit du Cirque est d’autant plus précieuse. »

Les nouveautés

L’an dernier, la coopération autour de Rêves, de la cie Inshi constituée d’artistes ukrainiens exilés (lire la critique), a permis la mise en place d’un fonds de production (Fonds TDC) encourageant une logique de mutualisation des ressources et des moyens, renforçant ainsi les liens entre ses membres. Le but : contribuer au renouvellement des écritures circassiennes. Cette année, sur 22 projets présentés, 7 ont été retenus et soumis à un vote. Parmi les 4 lauréats : Fame TV (CollectifTBTF) se voit allouer 20.000 €. Un accompagnement au long cours qui prend en compte toutes les étapes de la création, de la production à la diffusion. Le soutien financier concerne grands ou petits formats (plus d’infos ici). Les autres lauréats : Ignis (Collectif Sismique), Biographies (cie Ea Eo), Aspirator (cie Happés Mélissa von Vépy). À ce titre, nous avons recueilli le témoignage des membres du Collectif TBTF, artistes associés à La Cascade PNC Ardèche Auvergne Rhône-Alpes, chargés d’y organiser la Nuit du Cirque (lire l’entretien), et celui de son directeur, Alain Reynaud, qui détaille les enjeux d’une telle collaboration (lire l’entretien). 

« Ignis » © Collectif Sismique ; « Aspirator » © cie Happés ; « Biographies » © cie Ea Eo ; « Fame TV » © Collectif TBTF

Parmi les nouveaux venus : la Belgique est une participante historique à la Nuit du Cirque, avec notamment UP – Circus & Performing Arts, qui a concocté cette année une Soirée Puzzle, un parcours individuel entre performances, une dizaine de formes très courtes rejouées plusieurs fois dans les 6.000 m² de cet « espace de tous les possibles ». En revanche, le réseau Circuscentrum vient de s’inscrire à la manifestation. L’Autriche et la République Tchèque font également partie des nouveaux venus.

Territoires de Cirque lance une nouvelle collection disponible en ligne, le TéDéCédaire, une série de brochures qui déchiffre et valorise l’activité du secteur. Le premier numéro, intitulé « A comme Adhérent·e·s : qui sont les membres de TDC ? », explore la diversité et la richesse du réseau. Ce document en dévoile la physionomie : les activités, les infrastructures et les liens étroits que chacun des membres tisse entre le territoire et les équipes artistiques. Un éclairage précieux.

Des évènements dans l’évènement

Même si, cette année, l’appel à participation à la Nuit du Cirque s’est fait sur un mot d’ordre, la convivialité « extraordinaire », chaque opérateur a été entièrement libre de programmer ce qu’il veut, dans le format qu’il souhaite. Cependant, ceux-ci sont de plus en plus nombreux à se saisir de l’évènement comme d’une occasion pour de l’inédit, alors que ce temps fort était, à ses débuts, surtout un temps de diffusion. Voilà donc l’occasion d’inaugurations festives de lieu, d’expositions, de premières, mais aussi de sorties de résidence, de stages.

© La Verrerie d’Alès PNC Occitanie ; Charte Droit de Cité pour le cirque © Artcena

Ainsi, La Verrerie d’Alès PNC Occitanie dévoilera-t-elle un bâtiment rénové. Reconverti en espace culturel dans les années 80, ce patrimoine industriel transformé en 2012 vient de connaître une nouvelle phase de travaux de réhabilitation et d’extension. Bien que l’un des plus petits (en espace dédié et en surface financière), ce PNC porte un projet bien vivant et vivace. À l’origine du dispositif « Cirque Portatif », La Verrerie d’Alès accompagne des spectacles de cirque tout terrain et tout public. Pour la Nuit du Cirque, la ville d’Aigues-Mortes présente l’une des créations qui en émanent : la Supérette (Édouard Peurichard). Du 15 au 17 novembre, la Verrerie n’affiche pas moins de 10 propositions sur plusieurs lieux. À noter également, à cette occasion, l’adhésion de la ville d’Alès à la Charte Droit de Cité pour le cirque, qui sera présentée officiellement par Artcena (avec une journée professionnelle organisée le 15 novembre, par la Verrerie d’Alès et le Cratère scène nationale, dans le cadre du festival Temps de cirques, pour partager expériences et bonnes pratiques).

Insolite

Parmi les structures qui mènent des réflexions intéressantes sur le territoire, en proximité avec les publics, Le Plongeoir Cité du Cirque PNC du Mans imagine des formats très originaux, en effectuant bien plus qu’un « pas de côté » : « Nous aimons vous surprendre et créer des expériences inoubliables. Après la Pyjama Party en 2023 ou le Rallye urbain en 2021 (lire notre article), nous vous emmenons cette année en balade avec les artistes. Serez-vous du voyage du Mans à Saint-Herblain pour vivre deux Nuits, ou partirez-vous en promenade au clair de lune au Mans, avant un repas-spectacle intimiste au chapiteau ? Une chose est sûre : cette 6édition de la Nuit du Cirque sera encore extra-ordinaire et passionnante », lit-on dans le programme. 

« Balade au clair de lune », au Plongeoir PNC Le Mans © Thomas Brousmiche ; « Mentir lo minimo », cie Alta Gama © Sonja Zantedeschi

On peut s’attendre à des surprises, dans ce moment de partage hors norme construit avec L’ONYX Théâtre de Saint-Herblain, où nous avions déjà passé une nuit blanche exaltante la saison passée (lire le reportage). Le principe : un jumelage proposant 2 nuits du cirque en 2 jours et l’échange d’une vingtaine de spectateurs, lesquels voyageront en train, en compagnie, entre autres, du jongleur Johan Swartvagher, avant et après un hébergement réciproque chez l’habitant (voir détails). Dans un lieu tenu secret du Mans, les cartes blanches du Plongeoir ont été confiées à des artistes de cirque de divers horizons (membres des compagnies Axis Mundi, La Volière de Velours, Lagom, musiciens…).

Autre proposition atypique : Soirée Magic glouglou (Yohann Gauthier) se déroule au coin du feu pour une expérience unique orchestrée par un sommelier passionné, accompagné d’un magicien virtuose. Portée par AY-ROOP scène de Territoire Cirque, la Nuit du cirque du MILIEU, 3e équipement métropolitain d’intérêt communautaire dans la ferme du Haut Bois à Saint-Jacques-de-la-Lande (35), permet de voir 4 autres spectacles et de participer à un atelier.

Pour Une nuit pleine de rebondissements, direction La Brèche, PNC de Normandie, Cherbourg-en-Cotentin qui regroupe Loops (Cyrille Musy / cie Kiaï), une expérience de cirque immersive et hybride à la croisée de la danse, du théâtre, de la musique, des arts numériques, et Faire un tour sur soi-même (La Volte-Cirque), entre autobiographie et conférence. On bondit de joie.

« Assis », Jérôme Thomas © Christophe Raynaud De Lage ; « Le Récit des yeux », cie Sombra © Christophe Raynaud De Lage ; « Faire un tour sur soi-même », La Volte Cirque © Étienne Charles ; « Loops », Cyrille Musy © cie Kiaï

Pour une soirée partagée entre une personnalité établie et une compagnie émergente, Archaos PNC Marseille programme Jérôme Thomas qui convoque sa mémoire dans Assis (lire la critique), tandis que la cie Sombra crée un univers futuriste composé de sculptures cinétiques et de machines à jongler (le Récit des yeux).

Par ailleurs, présenter des étapes de création permet de partager le processus artistique, d’associer davantage les publics, d’imaginer un accueil différent. Les labels sont nombreux à faire ce choix, en particulier ceux qui ont des écoles.

Sélection

Premières, reprises… Quel programme ? Déjà, regarder près de chez soi (le moteur de recherche par liste ou sur carte du site est très bien conçu). Nous attirons malgré tout l’attention sur ces quelques pépites et belles promesses. Le goût du récent ne se fait pas au détriment de spectacles qui ont déjà bien tourné. On peut revoir des spectacles tant est forte la magie du vivant.

« Les Grands Fourneaux #2 », cie Max & Maurice © Sébastien Cagnol ; « Premier Artifice, Cirque Queer © Loup Romer

Pour les inconditionnels des chapiteaux, une vingtaine de propositions sous toile sont répertoriées, dont Hourvari, la dernière création de la cie Rasposo, qui naît au Palc PNC de Châlons-en-Champagne, les Grands Fourneaux #2 de la cie Max et Maurice à Mondeville (lire la critique), Foutoir Céleste de Cirque Exalté à Nantes, le Premier Artifice Cirque Queer au P(Ô)LE de La Seyne-sur-Mer (lire la critique). On peut le constater : un dispositif traditionnel n’empêche pas des artistes émergents de bousculer les codes.

« MIR », cie Barks © Quentin Chevrier ; « Thaumazein », cie H.M.G. © Ian Granjean

Nous avions aimé MIR, le premier opus jeune public de la cie Barks. Cette épopée solitaire originale et éclairante sera programmé au Théâtre Le Cormier de Cormeilles-en-Parisis, en partenariat avec CirquEvolution.

Autre compagnie créant des agrès inhabituels : H.M.G. Après l’arc géant de 3D, Jonathan Guichard prend, pour Thaumazein, une toupie de 6 mètres de diamètre, comme nouveau partenaire de jeu. Sur cette surface instable, deux acrobates vont tenter de se rencontrer, entre déséquilibres et incertitudes. À voir à L’Estive scène nationale de Foix et de l’Ariège.

Au Vaisseau de Nexon (Sirque PNC), Camille Bontout et Steph Mouat sont accueillies en résidence de création pour un nouveau spectacle, Kiss the Beast, Eat the King, un conte onirique et décalé, porté par La Barque Acide.

Au Cirque-Théâtre d’Elbeuf, Monographie est un solo de jonglage explosif de la cie Defracto composé sous forme de cartoon. À noter la carte blanche confiée à Side-Show, compagnie belge inspirée par les questions d’accessibilité et de handicap, durant laquelle ils déploieront leur imaginaire dans une palette de couleurs et d’émotions.

À vue propose de « figer le temps, suspendre les corps, animer les âmes, distordre le souffle, transcender la matière, transposer les identités ». Loin des archétypes associés à la magie, la cie 32 novembre s’engage dans une démarche expérimentale qui met le corps à l’épreuve et instaure un rapport direct aux objets et à la matière. De la magie performative qui sème le trouble. À voir au Cratère scène nationale d’Alès.

À l’Espace chapiteaux La Villette, ne pas manquer l’autoportrait du Collectif Petit Travers, Nos matins intérieurs, qui se joue jusqu’au 1er décembre. Dix jongleur·se·s dévoilent leurs pratiques et parcours singuliers, au fil d’une pièce chorale mise en musique par le Quatuor Debussy. Un ballet parfaitement réglé (lire la critique).

Dans les Dodos, Le P’tit Cirk s’imagine être constitué de ces drôles d’oiseaux disparus de n’avoir su voler. Main à main, voltige aérienne, anneaux chinois et guitares en équilibre, rites absurdes… Ces jeunes se jouent des peurs et des conflits avec naïveté et humour. Accompagnés d’un violon, d’une contrebasse et de 55 guitares, tour à tour instruments et supports de toutes leurs fantaisies, ils sont bien résolus à voir la vie du bon côté, malgré les embûches (lire la critique). À voir dans L’Aude.

« Nos matins intérieurs », Collectif Petit Travers © Michel Cavalca ; « Fora », Alice Rende © Gilles Spoo ; « Les Dodos », Le P’tit Cirk © Danielle Le Pierres

Déglingué, baroque, complètement barré, Décrochez-moi-ça est l’anti Fashion Week par excellence. D’un étourdissant bric-à-brac de costumes et accessoires, Bêtes de Foire fait un poème musical inventif et astucieux (lire la critique). À voir à Latitude 50 Pôle des arts du cirque et de la rue. Dans Fora, la contorsionniste Alice Rende cherche à s’extirper de sa boîte. Au-delà de cette lutte, un combat intérieur plus intime se joue et donne à voir magnifiquement des murs invisibles. Un solo saisissant (lire la critique) à voir à L’Agora PNC Boulazac.

Enfin, il faut découvrir les vignettes vidéo inédites d’Artcena appelées Figures libres qui évoquent un regard, un geste, une parole autour de leur art circassien : Édouard Peurichard, Le Cirque Queer, Alice Rende cie AR, justement, mais aussi Atelier Lefeuvre et André, Jani Nuutinen, Johanne Humblet Les filles du renard pâle, Viivi Roiha.

Léna Martinelli


Nuit du Cirque 2024
6e édition, du 15 au 17 novembre 2024
Site

La Nuit du Cirque est un événement international initié et organisé par Territoires de Cirque avec le soutien du Ministère de la Culture en France, en collaboration avec l’Institut Français et avec l’appui de Circostrada Network, ProCirque (Suisse), BUZZ Bundesverband et Forum Neuer Zirkus (Allemagne), la Fédération Française des Écoles de Cirque (FFEC), la Fédération Européenne des Écoles de Cirque professionnelles (FEDEC), Circuscentrum Vlaanderen (Belgique) et l’Association tchèque de cirque contemporain Asociace nového cirkusu (République Tchèque)

Spectacles vus :
À tiroirs ouverts, cie Majordome : lire la critique de Léna Martinelli
Ali, Mathurin Bolze : lire la critique de Trina Mounier
Assis, JérômeThomas : lire la critique de Léna Martinelli
Blizzard, Flip Fabrique : lire la critique de Léna Martinelli
La Boule, cie Attention Fragile : lire la critique de Laura Plas
Décrochez-moi ça , Bêtes de Foire : lire la critique de Léna Martinelli
Les Dodos, Le P’tit Cirk : lire la critique de Léna Martinelli
En attendant le grand soir, cie Le Doux Supplice : lire la critique de Léna Martinelli
Fora, cie AR Alice Rende : lire la critique de Léna Martinelli
Foutoir céleste, Cirque Exalté : lire la critique de Léna Martinelli
Les Grands Fourneaux #2, cie Max & Maurice : lire la critique de Léna Martinelli
How a spiral works, Art for Rainy Days : lire la critique de Léna Martinelli
Instante, Juan Ignacio Tula : lire la critique de Laura Plas
Le Membre fantôme, cie Bancale : lire la critique de Léna Martinelli
MIR, cie Barks : lire la critique de Léna Martinelli
Nos matins intérieurs, Collectif Petit Travers et Quatuor Debussy : lire la critique de Léna Martinelli
Piano Rubato, cie Happés : lire la critique de Léna Martinelli
Pling-Klang, Mathieu Despoisse, Étienne Manceau et Bram Dobbelaere : lire la critique de Léna Martinelli
• Le Premier Artifice, Cirque Queer : lire la critique de Léna Martinelli
Révolte, Les filles du renard pâle : lire la critique de Léna Martinelli
Trilokia, Circo Aereo : lire l’entretien avec Jani Nuutinen
Les Trois Grâces, Pauline Dau, Angèle Guilbaud, Constanza Sommi : lire la critique de Léna Martinelli
• Vue, cie Sacékripa : lire la critique de Léna Martinelli

À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Entretien avec Alain Reynaud, pour la Nuit du Cirque 2024 à La Cascade PNC Ardèche Auvergne Rhône-Alpes, propos recueillis par Léna Martinelli
☛ Entretien avec le Collectif TBTF, pour la Nuit du Cirque 2024 à La Cascade PNC Ardèche Auvergne Rhône-Alpes, propos recueillis par Léna Martinelli
☛ Nuit du Cirque 2023, reportage de Léna Martinelli
☛ Entretien avec Delphine Poueymidanet, secrétaire générale de Territoires de Cirque, par Léna Martinelli

Photo de une : « À vue », cie 32 novembre © Blandine Soulage

À propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Du coup, vous aimerez aussi...

Pour en découvrir plus
Catégories